L'affaire Nezzar a pris des proportions inattendues. L'ancien ministre de la Défense est, depuis hier mardi, officiellement poursuivi par la justice militaire pour «conspiration et atteinte à l'ordre public». Un mandat d'arrêt international a été lancé à son encontre. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Son fils, Lotfi Nezzar, gérant de la société de communication SLC, fait l'objet de la même mesure ainsi que Farid Belhamdine, gérant de la société algérienne de pharmacie, accusé d'être l'homme de liaison entre le général à la retraite et Saïd Bouteflika. Selon l'ENTV, le nom de ce dernier a été cité durant l'enquête menée avec le frère et ancien conseiller de l'ex-président de la République. Se basant sur un communiqué rendu public par le tribunal militaire de Blida, l'ENTV précise que les trois personnes concernées sont poursuivies sur la base des articles 77 et 78 et 284 du code pénal militaire. Le premier stipule que toute entreprise ayant pour «but de détruire ou de changer le régime en incitant les citoyens à s'armer contre l'autorité de l'Etat ou s'armer les uns contre les autres ou porter atteinte à l'intégrité du territoire national est punie de la peine de mort (…) il y a complot dès que la résolution d'agir est concertée et arrêtée entre deux ou plusieurs personnes (…)». Le second article du code pénal militaire prévoit, quant à lui, des peines allant de dix à vingt ans de réclusion en cas de «complot ayant pour but les crimes sus-cités» et de cinq à dix ans de prison «si le complot n'a pas été suivi d'un acte commis ou si son exécution n'a pas été entamée». L'ENTV a également évoqué une poursuite, sur la base de l'article 284, de «quiconque menace, par écrit anonyme ou signé, image, symbole ou emblème, d'assassinat, d'emprisonnement ou tout autre attentat contre les personnes (…)» L'article 284 prévoit également d'appliquer le «maximum de la peine aux militaires ayant les grades les plus élevés et aux instigateurs dudit complot. Si le complot a lieu en temps de guerre, ou sur un territoire en état de siège ou d'urgence ou dans toutes circonstances pouvant mettre en péril la sécurité de la formation, du bâtiment ou de l'aéronef ou a pour but de peser sur la décision du chef militaire responsable, le coupable est puni de mort». La nouvelle du lancement d'un mandat d'arrêt contre l'ex-ministre de la Défense a fait naturellement grand bruit, compte tenu du contexte tendu entre ce dernier et le chef d'état-major. Depuis un moment, Khaled Nezzar est entré dans une sorte de guerre froide exprimée à travers des twitts incendiaires à l'encontre de Gaïd Salah et de la démarche entreprise pour trouver une solution à la crise actuelle. Il se trouve actuellement hors du territoire national (on le dit en Espagne) et s'exprime essentiellement par des tweets postés sur son compte qu'il aurait, dit-on encore, spécialement ouvert pour mener campagne contre le chef d'état-major. Ces tweets sont très suivis par l'opinion algérienne qui les relaye systématiquement sur les autres réseaux sociaux. Ils comportent des mots très forts, comme ceux enregistrés hier mardi après la large diffusion de la nouvelle de l'émission d'un mandat d'arrêt contre lui, son fils et «l'homme de liaison». Khaled Nezzar a réagi en publiant deux messages. Dans l'un d'eux, il dénonce l'amalgame fait entre les «attaques menées contre Gaïd Salah et la sécurité nationale», et considère que le motif de «conspiration et atteinte à l'ordre public» est une erreur car «ayant été dicté de prison par Saïd Bouteflika». En annonçant la nouvelle hier, l'ENTV a mis l'accent sur le fait que la décision de la justice militaire fait suite aux éléments recueillis durant l'instruction menée avec le frère de l'ancien Président. A comprendre que Saïd Bouteflika a communiqué au magistrat instructeur le nom de Khaled Nezzar comme étant partie prenante dans ce que la justice militaire considère comme une conspiration contre l'autorité militaire et la stabilité du pays. Dans ces éléments figure également le nom de Farid Belhamdine, lequel aurait joué le rôle d'intermédiaire entre les deux hommes. Le 29 avril dernier, l'ancien ministre de la Défense défrayait, quant à lui, la chronique en rendant public un témoignage dans lequel il accablait le frère de Bouteflika , l'accusant d'avoir projeté de renverser l'actuel chef d'état-major au moment où celui-ci réclamait, avec force, la démission du Président et qui voulait aussi instaurer l'état d'urgence pour mettre fin aux manifestations en cours dans le pays. Dans sa lettre ouverte, Nezzar affirmait alors témoigner «pour l'Histoire» et «pour dire jusqu'où était décidé à aller cet homme qui ne voulait pas comprendre, qui ne voulait pas imaginer que le rideau était définitivement tombé». Le 4 mai dernier, Saïd Bouteflika était arrêté et incarcéré à la prison militaire de Blida, en compagnie des généraux Toufik et Tartag. Dix jours plus tard, soit le 14 mai, Khaled Nezzar comparaissait, à son tour, devant le juge d'instruction du tribunal de Blida où il a été interrogé au sujet des propos tenus dans sa lettre ouverte. Hier, de nombreux spécialistes en matière juridique s'interrogeaient sur la possibilité de procéder à l'extradition de l'ex-ministre de la Défense, compte tenu de la législation en vigueur dans le pays hôte, l'Espagne, qui interdit cette procédure dans le cas où le prévenu est condamné à une peine de mort ou passible de l'être. A. C.