«Un singe crée la panique.» J'ai trouvé cette info sur El Watan du 17 septembre. Et depuis cette date, l'info tourne dans ma tête comme un mauvais rêve. Un singe qui crée la panique ! Où ça ? Au jardin d'Essai. A Alger. En pleine capitale. F'l'âssima. Di tmanaght. Pleure ya Lmeskoud, pleure sur Alger l'Antique ! Revenons à notre singe. Un vieux singe, à qui on ne l'a fait pas, à qui on n'apprend pas à faire les grimaces, à qui on ne raconte pas des balivernes, a trouvé le moyen de sortir de sa cage. Ne dit-on pas malin comme un singe ! Jusqu'ici, ce sont des choses qui relèvent du domaine du possible. Bref, le singe s'enfuit de sa cage. Ce n'est pas celui-là le problème. Comment faire, dès lors, pour le remettre dans son gîte forcé ? Le singe n'est pas d'accord ; il est même furax de furax. Meskoud doit revoir sa chanson. Et inclure un couplet sur cette histoire «tarzanesque». Pire encore, le Jardin a été fermé par mesure de sécurité. Un singe en colère peut faire des dégâts. Comment capturer un singe en liberté ? Un filet ? Peut-être. Une piqûre anesthésiante. Juste une piquouze ! Le singe grincheux dormira comme un loir. Je ne fais pas exprès cette métaphore. Tenez-vous bien, il semble qu'il n'y a pas de piqûre au fameux Jardin, où Johnny Weissmuller a tourné son film. Allons, c'est une autre époque ! Dans ce cas-là, qu'on foute la paix au pauvre singe, qui n'a jamais demandé à être enfermé, à longueur de temps, dans une cage somme toute vétuste, et être le clou rouillé du spectacle. Du reste, je ne comprends pas ce que trouve un être humain à aller voir, en spectacle, des animaux dans des cages. Un peu comme ces chardonnerets qu'on transporte dans des cages minuscules, juste pour le plaisir de les soustraire de leur milieu naturel. Au point où il n'y a plus de chardonnerets dans nos jardins. Arrêtons le massacre tant qu'il est encore temps ! Puis je ne voudrais pas qu'il arrive à ce vieux macaque, que je trouve au demeurant sympathique pour son amour de la liberté, la mésaventure du tigre d'une de nos contrées algériennes. Le pauvre tigre s'échappa de sa cage, lui aussi. Assoiffé de liberté, il voulait repartir, certainement, chez lui. Comme le bricolage est une donnée nationale, on n'a pas trouvé mieux que de l'abattre. Une rafale ! Et basta ! C'est juste un animal. Un singe n'est rien d'autre qu'un singe ! Ce singe d'El Hamma peut prendre définitivement la clé des champs, s'il pouvait rejoindre une de nos forêts. Au pire, une bonne vieille rafale d'une vieille kalachnikov et le vieux singe, aussi rusé qu'il est, ira rejoindre ses aïeux. Il y a certainement une autre solution : libérez tous les animaux du Jardin ; ainsi, il n'y aura plus de fuite. Je suis obligé d'entamer ma chronique par cette grande évasion. Je sais que l'actualité va mal, je le sais. Le hirak «hirakise» et le pouvoir «pouvoirise». Qui aura le dernier mot ? La réponse nous est donnée par le chef de l'instance électorale, nouvellement installée. Je cite de mémoire : «la garantie des élections relève du ressort du citoyen». Et le fil à couper le beurre fut inventé ! Monsieur le chef des élections, vous avez été choisi, par ceux qui vous ont choisi, de gérer les élections, en amont et en aval. Kiskicik ? Safikdir que vous êtes le garant d'élections propres, transparentes et démocratiques. Que vient donc faire le citoyen là-dedans ? C'est vrai que pour tuer son chien, on l'accuse de rage. Safikdir, si le vote n'est pas sain, ce sera automatiquement, si je comprends ce que vous dites, la faute de l'électeur. A ce stade, on est mal barré. Il paraît que la révision électorale a déjà démarré. Qui est responsable de ces listes ? Le maire ? Ou vous, monsieur le chef des élections ? Il me semble que c'est vous ! Ici, c'est une autre fuite ! Une vaste fuite en avant ! Comme cet autre qui a découpé le peuple algérien en trois catégories : les nationalistes, les islamistes et les démocrates. Cet autre a reçu la révélation, un matin, en sautant du lit, juste avant la kahoua, avant d'enfiler son vêtement et d'aller bosser. La révélation ne s'arrête pas là, malheureusement. Ceux qui défilent les mardi et vendredi sont des démocrates. La fable ne s'arrête pas à ce niveau. Les démocrates sont minoritaires en Algérie. CQFD, le hirak n'a pas à s'opposer à la prochaine élection présidentielle. Donc, ces élections sont légitimes. On revient à ce que disait un ex-chef de parti (il est inutile de le citer), la parole revient aux urnes. E'sandouk, ya kho ! Donc les démocrates doivent rentrer, nichane, chacun dans sa chaumière. Donc le hirak doit s'arrêter. Il est vrai qu'on a la révélation qu'on mérite. La mienne est autre. Elle est comme un rêve. Elle est comme un but à atteindre. Un ultime espoir d'un algérien qui fait partie d'une «génération crépusculaire» (cette métaphore géniale n'est pas de moi). Je veux, juste avant l'ultime vertige, voir naître une Algérie algérienne, libre, citoyenne, en alternance dans le pouvoir, démocrate, républicaine, en accord avec le vaste monde, paisible dans sa religion, généreuse, humaniste… De grâce, les raccourcis de cette envergure sont dangereux pour tous. Naïvement, je pensais que les candidats du 12 ne seront pas légion. Je me suis trompé, me semble-t-il. Ils sont trente à avoir retiré les fameux formulaires. Et il y a des chefs de partis, inconnus pour moi, qui sont déjà en course. Et il y en aura d'autres, me dit une petite voix. Du lourd ? Peut-être ! Certains ont déjà les pieds sur les starting-blocks. Ils n'attendent que le coup de sifflet. Au fait, ces déjà-candidats sont-ils dans la case des nationalistes, des islamistes ou des démocrates ? Quoi que les démocrates n'ont rien à voir avec cette élection, puisqu'ils sont minoritaires (dixit l'autre) ; donc, les démocrates n'ont aucune chance de la gagner. Gagner quoi ? L'élection présidentielle, pardi ! On est mal barré, Wallah. Je plains les pauvres secrétaires généraux de mairie qui seront, de désormais à dorénavant, entre le marteau et l'enclume. Exit les élus ! Surtout ceux qui sont contre cette élection ! Comment fera Monsieur Election Nationale ? Comment fera Monsieur le ministre de l'Intérieur ? Et celui de la Justice ? Et comment fera le pauvre citoyen ? C'est simple : le citoyen nationaliste votera pour le candidat nationaliste ; le citoyen islamiste votera pour le candidat islamiste ; quant au citoyen démocrate, pourquoi ira-t-il voter ? Il est de toutes les façons minoritaire. Pauvre algérien démocrate, il ne te restera que la harga vers un ailleurs démocratique… Si ça existe ! Kan ya makan, ya kho ! Y. M.