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Sa refondation, unique solution (2e partie et fin)
L'ECOLE ?
Publié dans Le Soir d'Algérie le 20 - 01 - 2020


Par Ahmed Tessa, pédagogue
En réaction à la précédente contribution, des échos me tendent la perche pour aborder autrement cette deuxième partie, initialement dédiée au volet de la refondation relatif à l'organisation/fonctionnement. Certaines voix avancent l'argument – respectable en soi – du préalable d'une redéfinition de l'Etat algérien hyper-centralisé/jacobin pour refonder l'école. A les entendre, on serait obligés d'attendre ce changement politique pour débattre d'un remède radical au mal profond qui ronge notre école (y compris l'Université et le secteur de la formation professionnelle). Doit-on cesser de réfléchir et de proposer jusqu'à ce que les politiques se prononcent sur l'organisation/fonctionnement de l'Etat ? N'est-ce pas aux politiques d'écouter les recommandations ­— dûment validées scientifiquement — des spécialistes (psychologues, sociologues, docimologues, linguistes, neurologues, pédagogues)? Il n'appartient pas à ces derniers d'attendre le «feu vert politique» pour activer leurs neurones. Il est vrai que le projet de société est au cœur des débats. Cela n'empêche pas ces spécialistes d'aborder ce projet de société sous l'angle des normes internationales et des valeurs universelles qui doivent alimenter notre école. Ainsi, seront débusqués et éliminés les fondements idéologiques qui bloquent l'école algérienne en ce IIIe millénaire. Pour rappel, ces fondements ont été fixés par le comité central du Parti unique au début des années 1980, dans le sillage de l'odonnance de 1976. Une ordonnance complètement dévoyée, faut-il le souligner. Et la réforme de 2003 n'a en rien touché à ces fondamentaux idéologiques. Un autre débat qui, un jour ou l'autre, doit s'ouvrir impérativement afin de crever l'abcès.
Tête mal pleine
Le deuxième écho nous parvient de certains médias qui prêtent au nouveau ministre de l'Education nationale des propos critiques à l'encontre des programmes dits de 2e génération. Selon ces médias, le ministre les aurait qualifiés de mauvais.
A la bonne heure ! D'abord, cette dénomination de 1re et 2e générations est absolument erronée. Elle a été lancée à la cantonade au début de la réforme (début des années 2000) à l'occasion de la publication des premiers manuels «made in réforme».
Effet de manche médiatique pour faire chic ! Il n'y a ni première ni deuxième génération des programmes (ou des manuels) pour la simple raison que le référentiel est identique — même s'il a été remanié en 2015/16. Pire que cela ! Ils ont été conçus dans le même moule qui formate l'école algérienne depuis des décennies. Certains concepteurs (universitaires, inspecteurs) ont pris racine depuis plus de 20 ans dans la conception de ces programmes et dans l'évaluation des manuels. Ils appartiennent à la promotion parti unique dont ils sont les purs produits. C'est dire la profondeur du mal ! A quoi rime un programme ?
A son application par rapport à plusieurs objectifs. Or, le plus visible est celui de «réussir aux épreuves d'examen».
Cet unique objectif est une obsession chez nos décideurs et, par ricochet, auprès des acteurs du terrain : les inspecteurs, les administratifs, les enseignants, les parents et les élèves. Toute notre ingénierie pédagogique est concentrée sur cet objectif qui symbolise à lui seul le paradigme moyenâgeux synthétisé par le bachotage (de l'enseignant)/le parcœurisme (de l'élève)/ le contrôle-sanction (par l'administration).
Un système d'évaluation basé uniquement sur la note/sanction avec son cortège de traumatismes, de frustrations, d'inhibitions. D'où la pression négative exercée sur les élèves et sur les enseignants (exceptés ceux qui vendent les cours). Un tel paradigme évacue — ignore — les besoins vitaux de l'enfant que sont la sécurité, la confiance, la reconnaissance de sa personne, son désir d'épanouir sa personnalité dans sa globalité (et pas seulement sa capacité à mémoriser).
Et aux enseignants de calquer leur pratique de la classe sur la nature des épreuves d'examens (bachotage), et à l'administration de vérifier si les programmes sont bouclés (par les enseignants) en fonction des dates de ces examens. Des examens qui imposent des rythmes scolaires démentiels. Et comme un briquet sur un baril d'essence : ces trois examens coûtent au contribuable algérien la rondelette somme annuelle de plus de 200 milliards de centimes (moyenne pondérée des 3 examens), sans compter les dépenses occasionnées par la mobilisation d'autres institutions de l'Etat (gendarmerie, armée, police, santé, Protection civile, transmission…).
De la folie à l'état pur ! Quand on sait que depuis le début de la réforme, ces évaluations nationales (sixième, brevet, bac) envoient au cycle supérieur des contingents de futurs redoublants en première année.
Bien des pays se sont débarrassés de cette forme d'évaluation et de cette logique pédagogique. Leurs autorités scolaires se sont alignées sur les recommandations des spécialistes ; et à la clé, elles ont conçu une autre logique pédagogique et d'autres formes d'évaluation qui boostent la motivation chez l'élève.
Dans une notre logique scolaire, très tôt, l'élève algérien est plongé dans l'anonymat des notes, son salaire de la peur qu'il affrontera toute sa scolarité. Que valent ces programmes comparés aux objectifs visant directement l'enfant/élève : son bien-être, son épanouissement physique, émotionnel, social, artistique, son plaisir d'étudier et d'aller à l'école ? Rien ! Ils sont nuisibles/nocifs à ces besoins vitaux ! Leur obésité et leur pseudo-encyclopédisme (des programmes) ne font que verrouiller les portes de la créativité, de la motivation et de l'épanouissement. De tels programmes – couplés aux méthodes et au systéme de notation ainsi qu'à la pratique de l'enseignant — ne sollicitent, pratiquement, que la mémorisation (parcœurisme) : école zaouïa ! Ils laissent en jachère les fonctions intellectuelles supérieures telles que la compréhension, l'analyse, la synthèse, l'esprit critique, l'esprit créatif et débrouillard.
Exit toutes ces activités périscolaires sportives, artistiques, manuelles… qui font la joie des enfants sous d'autres cieux et contribuent grandement à leur épanouissement intellectuel et émotionnel. Ici, en Algérie, il y a eu un tollé généralisé rien qu'en évoquant ce genre d'activités. Mentalités sclérosées, figées dans l'ère du système scolaire héritée de l'école coloniale du XIXe siècle.
Alors que partout s'affichent au grand jour une nouvelle vision de l'école, de sa mission, de son organisation pédagogique, l'Algérie est encore bloquée à l'idée de savoir qui des programmes sont les meilleurs, ceux de la 1re ou ceux de la 2e génération ? Sans parler des erreurs dans les manuels ou des confusions/méconnaissance de concepts scientifiques — car mal traduits du français. De quoi s'arracher les cheveux !
Que valent ces programmes quand ils ligotent l'élève entre les quatre murs de la classe, la journée durant ? Une corvée que d'ouvrir ses oreilles pour avaler les paroles du maître telles que consignées dans les programmes et les manuels ! En un mot : de tels programmes, fondateurs de l'école algérienne, celle des trois dernières décennies notamment, sont nourris à la mamelle de l'école des jésuites/zaouia et que Montaigne, le philosophe français du XVIe siècle, brocardait par une citation restée célèbre. Selon lui, l'école des jésuites amène l'enfant à avoir «une tête bien pleine et non une tête bien faite». L'école algérienne vise une tête «mal pleine» et non une tête bien faite.
Avis autorisés
Quoi de plus indiqué que d'écouter des sommités scientifiques s'exprimer sur le mauvais modèle français d'évaluation en vogue depuis près d'un siècle. Un modèle mimé par l'Algérie dès 1962 (et ça se comprend pour l'époque) mais, malheureusement, aggravé dès le lancement de la réforme.
La Conférence internationale sur l'hygiène mentale (Unesco – Paris en 1952 – déjà !!!!)//Des spécialistes de l'enfance tirent la sonnette d'alarme: «Le problème pédagogique est, en profondeur, un problème psychologique autant qu'un problème social : les motifs à donner à l'activité scolaire importent au moins autant que les buts et les connaissances à acquérir. Car ils (les motifs) forment les âmes et déterminent les attitudes, les comportements les plus profonds que l'individu gardera toute sa vie. L'éducation rencontre ici la délicate question des moyens et des fins.
(…) Quand on fait agir l'enfant (le faire travailler) sans qu'il en sente réellement le besoin ou le pourquoi ou sans qu'il approuve (par une participation active) les buts de sa recherche (de ses efforts) ou bien encore sans qu'il désire le but proposé : cela revient à le soumettre par la crainte ou la force à une loi qu'il ne peut que réprouver en son for intérieur. C'est accroître les risques de révolte, de paresse ou de dégoût pour l'activité ainsi proposée. Il se produit alors – les psychologues le savent bien – comme un dédoublement dans l'esprit ou l'activité de l'être qui s'occupe à une chose sans s'y mettre entièrement.»
Robert Dottrens (Nathan – Unesco) : «Les méthodes didactiques, les lois et les règlements élaborés par l'autorité scolaire causent souvent un préjudice considérable aux enfants dont le type d'intelligence et le degré de développement ne correspondent pas au canon de l'élève moyen – celui-ci est inexistant dans la réalité – considéré pour établir, année après année, les enseignements distribués à tous. C'est de l'individualisation du traitement pédagogique des élèves que doit se préoccuper l'école à une époque où tout doit être mis œuvre pour permettre de donner à chaque enfant toute l'instruction qu'il est capable de recevoir.»
Henri Pieron (un des fondateurs de la docimologie, science des examens et des systèmes d'évaluation) : «Pour prédire la note d'un candidat à un examen, mieux vaut connaître son examinateur que le candidat lui-même.»
Alain (philosophe, in Propos sur l'éducation) :
«Les examens sont des exercices de volonté ! En cela ils sont tous beaux et bons… qu'un garçon qui a fait cent problèmes de mélange, et qui n'y trouve plus de difficultés, soit capable, au jour de l'examen, de déraisonner en ces mêmes problèmes, ou que, trouvant d'abord la solution correcte, il soit pris soudain comme de vertige, et gâte tout. Voilà d'humiliantes expériences. De même qu'un tireur s'est exercé très bien sur des sangliers de carton, le jour où il doit sauver sa vie, c'est ce jour-là qu'il tire à côté. (….) La faute par émotion fait paraître un esprit inculte et je dirais même un esprit injuste.»
Guy Berger, grande figure de l'éducation en France, parle d'un système (celui des examens) «qui fait fonctionner l'échec comme instrument de mesure».
Dans un remarquable ouvrage sur l'évaluation, Bernard Maccario détruit le mythe de la fonction sociale du système de notation. Il y décrit, entre autres, les dérives classiques de la notation tels l'effet Pygmalion et la courbe de Gauss. Il écrit : «On peut se demander si les notes, compte tenu des significations diverses qu'elles revêtent et des influences qu'elles subissent sont ici des outils pertinents. Ne contribuent-elles pas au contraire à produire des effets opposés ? Vu sous cet angle, la note contribue à boucler le cercle vicieux de l'échec scolaire.»
Bien vu de la part des Finlandais — entre autres pays – qui ont supprimé les notes au cycle primaire, les remplaçant par l'autocorrection et l'autoévaluation. Georges Jean est un immense pédagogue — ancien normalien, il a enseigné dans tous les cycles du système scolaire. Outre qu'il est poète et écrivain, l'homme a, à son actif, une multitude d'articles spécialisés et d'ouvrages en pédagogie. Dans un livre édité vers le milieu des années 70, il s'exprime en ces termes :
«Les systèmes éducatifs tendent presque tous ou finissent presque toujours à figer le ‘‘culturel'' dans le vérifiable. Or les résurgences lointaines, les modifications diffuses dues à telle ou telle éducation, les changements culturels de la personne échappent le plus souvent à tout contrôle.» Et de conclure en souhaitant «une révolution radicale qui fasse disparaître l'examen – tribunal avec ses juges et ses prévenus».
Françoise Dolto psychologue// Dans un tel système scolaire, les premières victimes sont les enfants surdoués, et ce, dès le primaire.
En Algérie où la sélection féroce est précoce – dès le primaire (?!!!!), nous nous retrouvons dans la situation de détresse décrite par des sociologues et des pédagogues novateurs des années 1960 /70 : «attention l'école française n'est pas ce Grand Egalisateur que vous annoncez mais la Grande Trieuse !» Ils avaient vu juste puisque… en 2019, les officiels français reconnaissent que leur système scolaire est fortement inégalitaire.
Alors, allons-nous continuer à parler de réforme dans un climat pédagogique périmé, source de désagréments pas seulement pour les élèves mais pour le pays ? Une mise à plat s'impose. A commencer par une évaluation sans complaisance, pas seulement de la réforme de 2002, mais aussi de celle de la fin des années 1970 dont l'empreinte est encore visible… dans ses dégâts qu'elle génère d'année en année. Désidéologiser l'école est un impératif, une urgence. Et seule sa refondation pourra l'extraire de ce bourbier. Faut-il encore que le secteur soit doté d'un statut de souveraineté.
A. T.


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