Ce qui fut une simple «rumeur», un peu partout dans les 52 communes de la wilaya, où il est difficile de convaincre le citoyen de l'existence de la pandémie du Covid-19, se fraye non seulement un chemin, mais risque de provoquer une catastrophe sanitaire dans les prochaines semaines à Béjaïa. L'alerte a été lancée depuis les infrastructures sanitaires, et ce depuis le mois de mai, où des dizaines de patients commençaient à y être admis. Le directeur de la santé de la wilaya de Béjaïa, le Dr Driss Khodja, que nous avons joint par téléphone, hier lundi, estime que la situation est gravissime vu la multiplication des chiffres avérés des contaminations au virus depuis l'Aïd-el-Fitr. Ce même responsable avance le chiffre de 1 397 cas positifs relevés par PCR/scanner et pris en charge au niveau des différents hôpitaux de la wilaya, en plus des 559 cas identifiés par l'Institut Pasteur et 280 autres cas par le laboratoire du CHU local. Le DSP a, néanmoins, parlé de 1 081 cas guéris avec 142 confinements à domicile, depuis l'avènement de la maladie à travers la wilaya, tout en nous indiquant que 63 cas de décès ont été enregistrés et 29 autres suspectés de mort pour la même cause. «Nos médecins et nos infirmiers sont au bord de l'épuisement. Nos concitoyens doivent avoir une certaine reconnaissance et respect envers ces soldats blancs. Ils sont aussi issus du peuple. L'auto-confinement , le respect des gestes barrières, la distanciation sociale sont les seules solutions pour faire barrage à cette pandémie, et les citoyens doivent les respecter et les prendre en considération. Surtout le port du masque, qui est plus que nécessaire durant cette période», nous expliquera M. Driss Khodja. A Béjaïa, et à l'instar des autres villes, il est quasiment impossible de trouver un lit d'hospitalisation dans les couloirs réservés au Covid-19, et des familles entières sont évacuées quotidiennement vers ces infrastructures pour une prise en charge. «Les staffs médicaux sont au bout de leurs forces mentales et physiques. Il est vraiment urgent de prendre au sérieux nos alertes», nous dira Hafid Boudrahem, le surveillant médical de l'hôpital Khellil-Amrane, où pas moins de 42 personnes sont actuellement hospitalisées, dont certaines sont en réanimation. Il nous affirme ensuite qu'à l'hôpital Frantz-Fanon, 50 autres malades séjournent dans les services dédiés au Covid-19. «On n'arrête pas d'emménager des services pour cette cause. On est débordés de partout et le personnel médical n'en peut plus face à l'afflux des victimes de cette pandémie. Plusieurs infirmières et médecins ont choppé le virus et, par conséquent, d'autres ont la peur au ventre de confronter ces incessantes vagues». Le responsable du service médical ne mâche pas ses mots, en accusant carrément les autorités qui n'arrivent pas à mettre le holà aux contrevenants, qui affluent à la capitale des Hammadites, notamment en cette période estivale. «Je condamne fermement le laxisme des autorités qui, soi-disant, interdisent les baignades sur les plages devant les caméras, alors que depuis trois semaines, des milliers de citoyens se ruent en toute liberté sur les plages de Béjaïa. On vient de Sétif, de BBA et de partout, alors que ces régions sont infectées par le Covid-19». «L'heure est vraiment grave, croyez-moi, et je crains le pire pour notre région dans les jours à venir», conclut Hafid Boudramen à propos de cette alerte face à la pandémie. Kamel Gaci