Des notes ont résonné dans l'air matinal encore frais avec, en fond, klaxons, roucoulements de pigeons et bruits de chantier. Derrière la vitrine d'un magasin désaffecté de l'Upper West Side de New York s'élevait la musique de Debussy. Des joggeurs, quelques parents avec poussette et des personnes âgées se sont arrêtés pour tendre l'oreille et capter, via des haut-parleurs, le son du piano de Spencer Myer et du violoncelle de Michael Katz. Pas de salle de concert, pas de fauteuils, une vitre de séparation, mais c'est bien un concert, l'occasion pour deux musiciens «affamés» de contact humain, comme le dit Spencer Myer, de jouer ensemble et de retrouver un public. «Nous avons besoin de cette relation réciproque», explique après coup Michael Katz, qui s'est déjà produit dans la plupart des grandes salles classiques new-yorkaises. «Amener la musique aux gens comme nous l'avons fait, c'est vraiment quelque chose d'unique et d'extraordinaire.» À partir du 2 avril, les salles de spectacle seront autorisées à rouvrir au public à New York, mais avec une jauge limitée à 33% ou 100 personnes au maximum. Les 14 et 15 avril, le Philharmonique de New York fera son grand retour en personne au Shed, un espace culturel du centre de Manhattan. Mais il ne s'agira que d'un avant-goût, car le «Phil», qui a aussi organisé depuis septembre des petits concerts impromptus en plein air, est déjà tourné vers septembre, comme le Metropolitan Opera ou le New York City Ballet. En attendant, le Kaufman Music Center, lieu de concerts et d'enseignement musical, situé dans le quartier d'Upper West Side, a monté ce programme baptisé «Musical Storefronts» («les vitrines musicales»), qui permet à des musiciens de se produire dans le quartier, à l'abri d'une paroi de verre.
«Aussi essentiel que l'eau» Les organisateurs préfèrent ne pas ébruiter l'emplacement exact de la fameuse vitrine, pas plus que dévoiler à l'avance le calendrier des concerts, pour éviter les rassemblements trop importants, coronavirus oblige. «On essaye de programmer un peu de tout», explique Kate Sheeran, qui dirige le Kaufman Music Center, «des musiciens classiques aux gens de Broadway. On a même eu de l'improvisation expérimentale». Le projet «veut mettre en évidence le moteur artistique de New York et rappeler que les artistes ont besoin de travailler». Quelque 30% des adultes new-yorkais ont déjà reçu au moins une dose du vaccin contre le coronavirus, et avec l'arrivée du printemps, l'espoir renaît. La ville «est tout le temps comme ça. Quand quelque chose de grave survient, on improvise», s'enthousiasme Terry Lieberman, venue grapiller quelques mélodies de Debussy, Beethoven, Mendelssohn et Boulanger. «Les gens se ressaisissent et repartent. C'est merveilleux.» «L'un des enseignements de la pandémie, c'est le besoin de musique, de théâtre et de danse, de spectacle vivant en général qu'ont les gens», résume Michael Katz. «Ça leur est aussi essentiel que l'eau et la nourriture. Ce n'est pas que du divertissement, ou une marchandise.»