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BISKRA, SORTILÈGES D'UNE OASIS DE ROGER BENJAMIN Le pouvoir d'évocation des images et des artistes
Publié dans Le Soir d'Algérie le 01 - 01 - 2018

L'Australien Roger Benjamin est historien de l'art. C'est sûrement ce qui explique que, dans Biskra, sortilèges d'une oasis, il donne à partager une passionnante évocation visuelle de la ville oasis.
Son livre est édité par l'Institut du monde arabe, Paris, à l'occasion de l'exposition éponyme du 23 septembre 2016 au 22 janvier 2017. «Biskra est devenue une ville quasi mythique au cours de mes recherches», s'enthousiasme l'auteur dès l'entame de son texte introductif. Depuis qu'il l'a visitée, il est alors tombé sous le charme de cette cité à l'histoire complexe. Esthétiquement, son ouvrage s'impose comme un beau-livre, tant la conception éditoriale, belle et soignée fait ressortir la diversité des thèmes, des artistes et des illustrations. L'auteur ouvre d'autres fenêtres sur Biskra grâce au texte et aux légendes qui accompagnent, décryptent et enrichissent les documents iconographiques. Le lecteur a ainsi l'occasion de voyager confortablement dans le passé (plaisir visuel et lecture guidée) tout en gardant un œil critique (celui de pouvoir interroger et déconstruire l'écriture de l'histoire). Jack Lang, président de l'Institut du monde arabe, souligne dans l'avant-propos : «On doit à l'universitaire australien Roger Benjamin, exempt de tout parti-pris ou préjugé, ce regard presque ingénu qui guide cette (re) découverte d'un Biskra que l'on devine derrière les clichés plus complexe, plus nuancé dans sa société et son environnement. Un Biskra qui, à l'instar du procédé photographique, agit tel un ‘‘révélateur'' d'âme...» Quant à Eric Delpont, directeur du musée de l'IMA, il pointe notamment ce paradoxe : «L'essor de Biskra comme station d'hivernage et thermale, drainant des curistes et davantage de touristes aisés ou fortunés, est indissociable de la conquête sanglante de l'Algérie ; de leur côté, les artistes qui s'y rendent, profitant des infrastructures (et accessoirement du confort) que cet essor a mis en place — chemin de fer, hôtels —, n'ont de cesse que d'y trouver un retour à l'essentiel, à l'authentique.» Pour Eric Delpont, «les peintures, les photographies et cartes postales réunies dans l'exposition ravivent des souvenirs oubliés, voire occultés en raison des traumatismes vivaces de la guerre d'Algérie. Elles font s'interroger sur le regard que l'on a porté et que l'on porte sur l'Autre. Et c'est là que les artistes nous enjoignent à regarder sans cesse avec des yeux nouveaux, en laissant de côté les certitudes de la société à laquelle on appartient». Bien entendu, ce point de vue est discutable. S'agissant du livre, le lecteur ne peut pas avoir un regard neutre ou purement «esthétique». Il peut aussi s'interroger s'il existe des artistes personnels, créatifs, qui affirment, surtout, les droits de la conscience individuelle face à la société coloniale, face à la condition humaine et à la vie. Jack Lang a trouvé la bonne formule avec ce «regard presque ingénu» de Roger Benjamin... Ce n'est déjà pas si mal pour ce voyage à la (re)découverte de Biskra. L'idée, la maturation puis la réalisation du projet, c'est donc essentiellement cet universitaire australien. Il en rappelle la genèse, sa démarche et le but recherché dans l'introduction. «Je rencontre ce nom (Biskra) pour la première fois en 1977, lors de mes études d'histoire de l'art à l'université de Melbourne ; dans la légende du tableau d'Henri Matisse : Nu bleu (Souvenir de Biskra). Après avoir rassemblé de nombreux documents, c'est finalement en 2013 que je découvre la réalité de ce lieu», écrit-il. Et de préciser aussi : «Mes collègues biskris, dont maître Salim Bacha, qui a été d'un grand soutien et un partenaire actif de cette exposition, ont insisté pour que celle-ci ne devienne pas un éloge du colonialisme et du développement touristique de l'époque.» L'exercice semble périlleux. A l'évidence, «la difficulté d'établir un discours équilibré sur l'histoire visuelle de Biskra tient à l'hégémonie des représentations émanant d'Européens et colons français. La majorité des documents accessibles sont des photographies, tableaux, cartes postales, films, livres de voyage, produits par ceux-ci. Biskra est le reflet de cette histoire d'avant-guerre. Il y avait à l'époque presque autant d'Italiens que de Français, ainsi qu'une population importante de juifs, dont peu de traces subsistent». En contrepoint, l'auteur dit s'être basé sur les travaux de Abdelhamid Zerdoum, doyen des historiens de Biskra et qui «adopte un point de vue anticolonial et patriote fort instructif». Il s'est également référé à Paul Pizzaferri, auteur, en 2011, de «quatre gros volumes qui sont, eux aussi, très peu diffusés alors qu'ils offrent une importante documentation — 2 500 illustrations, surtout des photographies, des cartes postales et des documents d'archives de l'époque française». Roger Benjamin a structuré son livre en cinq grands chapitres : architecture et urbanisme ; le tourisme, la peinture, la photographie (avec un focus sur la famille Maure, réalisé par Gilles Dupont) ; la sensibilité d'avantgarde. Dans la partie «architecture et urbanisme», l'auteur revient sur l'historie de la cité oasis depuis le temps les plus lointains, sur les caractéristiques de son évolution... «La situation urbaine à Biskra a toujours été dynamique. Ce qui était, en 1816, un chapelet de six hameaux entourant une citadelle basse au milieu de vastes palmeraies est devenu, en 2016, une métropole méridionale de 300 000 habitants. Les palmeraies se sont déplacées, mais demeure la structure urbaine de six faubourgs et, quelques kilomètres plus au nord, une ville quadrillée bâtie à partir de 1847. Aujourd'hui, celle-ci constitue le ‘‘centre-ville'' de Biskra». En raison de son importance stratégique, les Ottomans y ont installé une garnison permanente. Et c'est Salah Bey, gouverneur de Constantine, qui prit «des mesures décisives afin de résoudre l'éternel problème de la juste distribution de la ressource la plus précieuse de la région : l'eau». Nécessaire retour sur «ce système d'irrigation pour les palmiers-dattiers et les arbres fruitiers (qui) a fondamentalement façonné l'oasis, son écosystème et les pratiques sociales». Ce qu'il faut savoir aussi, c'est que «les Ottomans, en installant leur fort et la garnison à la source des eaux, avaient le pouvoir de couper l'eau, et ainsi d'asservir le peuple de l'oasis. Le contrôle de l'eau était un moyen de forcer le paiement de l'impôt et de réprimer la dissidence politique ou militaire. Ce système de contrôle a été maintenu par les Français après la prise de l'oasis de Biskra, en 1844». Quant au palmier-dattier, il «a eu un impact écologique et économique considérable sur la vie des oasis et joué un rôle essentiel dans l'identité culturelle et les pratiques sociales dans les Ziban». Le voyage par l'image et le texte se poursuit. Gros plan sur les six villages et les six mosquées formant le «Vieux-Biskra» : «Pour les maisons du Vieux-Biskra, les témoignages visuels viennent surtout des toiles de Guillaumet et Bridgman et des photographies de Maure. Ces artistes ont privilégié les intérieurs de maisons modestes. (...) En revanche aucune photographie ne paraît montrer, par exemple, l'intérieur de la résidence de la richissime famille Ben Gana.» L'histoire visuelle de Biskra suit, pas à pas, la nouvelle configuration urbaine qui se met en place sous la colonisation : les rues, les nouveaux bâtiments et édifices, les entrepôts, magasins et fondouks, la route de Touggourt, le «village nègre», le marché de Biskra, le quartier des Ouled- Naïls... «Le plan de Biskra-Ville, en damier, n'a rien d'exceptionnel ; il ressemble aux autres villes nouvelles militaires des années 1840», rappelle l'auteur. Zoom sur le célèbre casino de Biskra, «sans doute (...) le bâtiment- clef du centre-ville de Biskra en termes de patrimoine architectural». Inauguré en 1893, le casino est l'œuvre de l'architecte Albert Ballu qui «a conçu d'autres monuments comme la medersa de Constantine (1909), ou la gare et la cathédrale d'Oran (1913)». Le théâtre du casino, le Palace Hôtel et l'hôtel de ville (achevé en 1893) sont également incontournables. Parmi les hôtels de standing (plus d'une douzaine en 1914) qui ont servi l'industrie du tourisme : l'hôtel du Sahara (1858) ; l'Oasis, «où résidèrent Lavigerie et Gide» (1880) ; le Royal Hôtel (1892- 1894) ; le Transatlantique (1920). Ces hôtes ont accompagné le développement du tourisme, les autorités coloniales ayant su mettre à profit les conditions climatiques de la région pour promouvoir l'hydrothérapie, l'hivernage, voire une culture des bains de grand luxe. Dans le chapitre consacré au tourisme, l'auteur revisite l'histoire des bains chauds à Biskra. Il fait remarquer, à ce propos, que «les écrits, qu'ils soient scientifiques ou littéraires, nous renseignent peu sur les pratiques corporelles des curistes au Hammam Salahine». Les bains sont «également très peu représentés dans la peinture ou dans la photographie». En ville, le site touristique le plus important était le jardin Landon, un lieu mythique d'une dizaine d'hectares «fondé vers 1872 par l'aristocrate français, le comte Albert Landon de Longueville ». Le jardin a notamment inspiré le journaliste et romancier anglais Robert Hichens, qui «dès 1904 produit une image puissante du jardin dans la littérature populaire». Son roman The Garden of Allah, a été un succès phénoménal en librairie, il a été adapté au théâtre et trois fois au cinéma (en 1916, 1927 et 1936, avec Marlene Dietrich dans cette troisième production hollywoodienne). L'essor du tourisme, c'est aussi les excursions, les randonnées en automobile, la chasse au gibier, aux gazelles et au faucon... Alors que «le désert devient un champ d'expérience esthétique pour tous les peintres venus à Biskra», le témoignage visuel le plus important reste cependant la photographie. Les chapitres suivants sont dédiés à ces deux thèmes (peinture et photographie) et à leurs représentants. Eugène Fromentin, Auguste Salzmann, Gustave Guillaumet, Frederick Arthur Bridgman (un Américain) ont été beaucoup inspirés par Biskra. De belles pages illustrées de leurs œuvres sont proposées dans ce livre. Ils sont suivis par la vague des
peintres orientalistes, une génération «beaucoup plus nombreuse, grâce à la voie ferrée reliant l'oasis à Alger». Parmi eux Maurice Bompard, Paul Lazerges, Paul Leroy, Maurice Romberg de Vaucorbeil. Les femmes peintres sont également de la partie, dont Marie Lucas- Robiquet et Marie Claire-Tonoir (les plus connues). «Les tableaux de Biskra qu'on vient de passer en revue appartiennent globalement à l'académisme, teinté d'un impressionnisme tardif. Il faut attendre le début du XXe siècle pour que la vision de l'oasis — comme celle de l'Algérie en général — se modernise», écrit l'auteur dans le sous-chapitre L'art moderne arrive à Biskra. Et de relever que, «au même moment, en 1906, les premiers films (...) sont tournés à Biskra ». Ces peintres «modernes» ont pour nom Henry Valensi, Maurice Denis, le grand peintre autrichien Oskar Kokoschka, Henri Clamens... Après cette rétrospective détaillée et superbement illustrée, Roger Benjamin rétablit quelque peu son discours (jusque-là à sens unique) sur l'histoire visuelle de Biskra. La peinture algérienne a droit aux «cimaises», avec les artistes de Biskra que sont Tahar Ouamane, Slimane Becha et Noureddine Tabrha. Un passionnant voyage à travers la photographie et la carte postale illustrée est proposé dans le chapitre suivant (évolution, développement des techniques, auteurs connus et anonymes, studios de photographie, édition de cartes postales). «Après le déclin subit du tourisme de luxe dans les années 1930, la réputation internationale de Biskra s'est maintenue grâce au souvenir du passage de quelques artistes d'avant-garde : peintres, écrivains, musiciens. Après l'indépendance de l'Algérie, leur aura dans les universités, les concerts et les expositions d'art a perpétué le nom de cette ville excentrée de l'Afrique du Nord», écrit l'auteur à l'entame du chapitre consacré à «La sensibilité d'avant-garde». Et ce sont quatre grands artistes à qui échoit l'honneur de clôturer le périple, par l'image et le texte, que Roger Benjamin offre au lecteur : André Gide, sans doute le plus célèbre ; Henri Evenpoël, peintre et surtout photographe de renom ; Henri Matisse, «le premier à apporter à Biskra les procédés de l'avant-garde picturale» ; Béla Bartók, compositeur hongrois dont le moindre des talents est d'être reconnu «pour être un des pionniers de l'ethnomusicologie». Le voyage de recontextualisation se termine, «sans prétendre fournir une histoire exhaustive ». Néanmoins, «il y aura et il doit y avoir d'autres expositions sur Biskra, surtout celles prenant en compte le point de vue algérien», promet l'universitaire australien. Nécessairement. Car, dans le cas contraire, le Biskra, sortilèges d'une oasis restera la vision d'un œil bleu faussement «ingénu».
Hocine Tamou
Roger Benjamin, Biskra, sortilèges
d'une oasis, édité par l'Institut du
monde arabe, Paris 2016, 180 pages.


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