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Les manifestations du 11 Décembre 1960 ont précipité la fin de l'ère coloniale
Publié dans Le Soir d'Algérie le 09 - 12 - 2021


Par Kamel Bouchama, auteur
Parler de la participation du peuple pendant la lutte de Libération nationale est tellement complexe et passionnant à la fois qu'on ne peut, en ce 61e anniversaire des manifestations du 11 Décembre 1960, cerner l'exaltante mission qui fut la sienne, tant il est vrai qu'il a été l'élément moteur de toutes les actions au cours de notre révolution. Ainsi, parler de sa participation, c'est en fait revenir à la réalité – une réalité qui nous interpelle avec force – pour connaître toutes sortes de raisons profondes, multiples et naturelles, qui ont été le ferment qui a soutenu et ravivé son combat légitime, tout au long de l'histoire coloniale de notre pays. Enfin, parler de sa participation, c'est aussi pour apprécier, après le recouvrement de notre souveraineté nationale, l'impérieuse nécessité de sa contribution sincère et honnête à la préparation de l'avenir et à la consolidation des acquis de cette magnifique révolution.
En voici, fixée modestement, une des péripéties de cette glorieuse épopée de notre peuple, afin que son combat puisse être répercuté comme un exemple de courage, d'abnégation et de foi, pour permettre à la génération d'aujourd'hui la conjonction entre les différentes forces sociales, par la mobilisation des hommes et des moyens..., ces instruments indispensables pour réaliser les transformations capables d'assurer le progrès et le bien-être.
En effet, le combat de notre peuple, et il est important de le souligner, découlait de ces constantes qui ont rythmé notre Histoire dont le goût de l'indépendance, de l'unité, la farouche volonté de protéger notre identité et l'avidité de justice sociale. C'est alors que de Massinissa à Firmus, à Tacfarinas, à Abdelkader, à Cheikh Ahaddad, et de Bouamama à Fathma N'Soumer, de Belouizdad à Louni Arezki à Abdelmalek Ramdane, à Lotfi, à Zabana, à Ben M'hidi, à Amirouche, à Malika Gaïd, à Lalla Zouleikha Oudaï, à Ourida Meddad, ainsi qu'à des milliers, voire des millions d'autres hommes et femmes qui combattaient en permanence et qui étaient face à leur destin, l'Algérie n'a pas eu de répit parce qu'elle a toujours opposé de farouches résistances aux différents impérialismes qui venaient – comme ils prétendaient dans leur euphémisme colonial – pacifier notre pays...
Et quand, à partir d'Ighil Imoula, ce petit village des versants de l'imposant Djurdjura, d'où est sorti l'«Appel du 1er Novembre», l'on entendait, en cette nuit glaciale d'un hiver rigoureux, les échos du majestueux mont des Aurès qui répondaient à cette historique proclamation du FLN, l'on comprenait que la révolution de 1954 venait de commencer et qu'elle n'était pas une simple révolte de mercenaires ou de «hors-la-loi». Elle s'inscrivait dans la continuité de la lutte à travers un long processus de décolonisation qui poussait de toutes ses racines. On comprenait également que les jeunes, ces combattants de la liberté, allaient donner à cette lutte de libération sa justesse et son ampleur, parce qu'ils voulaient démontrer que ce n'était pas, comme le clamaient les colonialistes français, simplement un mouvement insurrectionnel qui allait en s'amplifiant à certaines régions, mais un juste combat pour le recouvrement de la souveraineté nationale. Celui-ci était soigneusement préparé, mûrement réfléchi et allait être consciemment mené à travers un engagement légitime, sur le terrain du militantisme, avec fougue, ardeur et sacrifice suprême. Et en l'espace de quelques années, difficiles et rudes pour l'ensemble du peuple algérien, les jeunes et les moins jeunes, qui n'ont fait que renforcer leur audience et celle du FLN, par leur engagement total dans le combat, ont relevé la conscience nationale chez les masses qui se sont mobilisées davantage afin de rester prêtes et donner le maximum pour ce qu'elles jugeaient indispensable pour le renforcement de la lutte. Ces masses militantes, plongées dans cette ambiance de participation effective et concrète, ne voulaient plus «être vaincues et rejetées dans le statut colonial», pour reprendre une expression éloquente d'un historien. Un autre combattant de la guerre de libération confirmait cette disponibilité et cet engagement en écrivant : «On peut demander au peuple, et il donne tout, à partir du moment où il a compris qu'on lui réclame l'action que l'on entreprend avec lui et pour lui. Il donne ses enfants, son argent, sa maison, sa vie.»
Les étudiants, cette caste qu'on disait de privilégiés, n'étaient pas en marge de cette mobilisation et de ce soutien indéfectible à la révolution. N'étaient-ce pas eux qui disaient, le 19 mai 1956, lors de la proclamation de la grève générale des cours et des examens, décidée par l'Ugema (Union générale des étudiants musulmans algériens) : «Avec un diplôme en plus, nous ne ferons pas de meilleurs cadavres !» Ainsi, les étudiants qui ont rejoint le maquis ont voulu démontrer que «cette entrée dans la lutte de la jeunesse intellectuelle symbolise de façon éclatante l'unité nationale qui se forge», précisait Henri Alleg. Et de continuer : «Ainsi, pour les combattants, eux aussi très jeunes, qui voient arriver ces étudiants, c'est la preuve que la ville, tout le pays, désormais, est avec eux.»
La Révolution de 54 appartient à tout le peuple algérien
C'était clair, que chez l'ensemble du peuple et notamment les jeunes, cette révolution représentait le fruit et l'essence même du combat que menait la masse des Algériens, un combat où tous ont juré ne pas baisser les bras devant le plus abject et le plus sale régime de répression que connaissait le monde en cette période de l'Histoire contemporaine. Il n'y avait que les Français, je veux dire les colonialistes français, qui essayaient de faire croire à l'opinion internationale que ce qui arrivait en Algérie, depuis cette fameuse nuit de la Toussaint de 1954, n'était qu'un des aspects sauvages de trublions qui s'essaimaient à travers les djebels ou qui occupaient certains quartiers des grandes villes pour semer la terreur chez nos populations qui manifestaient constamment leur respect pour la France, qui conservaient de meilleures assurances avec ce «droit à la fraternisation» ; enfin, qui n'aspiraient qu'à vivre dans la paix, à l'ombre du drapeau tricolore.
Cependant, ceux qui voulaient mettre en exergue ces idées rejetées par la réalité du terrain, c'est-à-dire qu'ils voulaient démontrer ce refus du peuple algérien de lutter pour sa libération et, par voie de conséquence, son attrait pour les bienfaits de la colonisation – la leur bien sûr – pouvaient-ils cacher à la face du monde les massacres de populations, même s'ils se défendaient de les avoir commis ? Pouvaient-ils oublier ces assassinats collectifs, ces viols et ces pillages perpétrés par ce détachement de l'armée française, dans les Aurès, en juin 1956, et qu'un administrateur civil – plus sage et plus humain – avait dénoncés en ces termes : «Il faut que soit bien affirmé que nous nous désolidarisons de tous ces procédés barbares.» C'était la conclusion de son rapport. Pouvaient-ils ne pas se rappeler ces scènes d'horreur qui se sont déroulées à Annaba, anciennement Bône, en ce 19 août de la même année, quand, après un attentat commis par un de nos vaillants fidayine – ils les appelaient des «terroristes» –, l'armée coloniale a semé la terreur ? Oui, elle a commis l'irréparable. D'ailleurs, c'est une historienne française, Georgette Elgey, qui en parle avec écœurement et répugnance : «La population musulmane, terrorisée, subissait l'assaut d'une foule de militaires, pour la plupart permissionnaires, armés seulement de poignards, de gourdins, de morceaux de chaises ou d'objets divers saisis à la terrasse des cafés maures. Cela dura au moins 90 minutes... Le bilan final fut de 21 morts et 17 blessés graves... La plupart des morts sont, comme les blessés, des pauvres gens dont le seul tort, si c'en est un, fut de se trouver sur le chemin des hordes déchaînées et de ne pas savoir fuir assez vite... Il est difficile d'imaginer que des soldats français puissent commettre des atrocités. C'est pourtant le cas ici.» Pouvaient-ils occulter ce massacre, pire, ce génocide des 4 et 5 mai 1959, lorsque cette même armée de mercenaires a abattu, froidement, à la grenade, dans la grotte du Kouif, 112 Algériens, en majorité des femmes et des enfants ? Je ne donne ici que quelques échantillons de cette sale guerre menée avec barbarie et dont les «forces de l'ordre» s'étaient illustrées, en de fréquentes circonstances, depuis leur débarquement à Sidi Fredj, en ce jour funeste du 5 juillet 1830. Je n'ai pas ouvert le registre des Bugeaud, Rovigo, Saint-Arnaud, Vallée, Randon, Cavaignac, Belcourt et autres, les Clauzel ou Montagnac. Ils étaient tellement nombreux, ces sanguinaires, dans notre paysage, qu'on ne peut oublier leurs monstrueuses opérations qui n'avaient rien à envier à celles de Tamerlan, Attila et consorts, ces véritables barbares. Montagnac n'écrivait-il pas avec beaucoup de mépris et de cynisme : «Selon moi, toutes les populations qui n'acceptent pas nos conditions doivent être rasées. Tout doit être pris, saccagé sans distinction d'âge ni de sexe. L'herbe ne doit plus pousser où l'armée française a mis le pied...» ?
Le voyage de De Gaulle..., le détonateur
Le Journal L'Expression du 10-12-2001 écrivait sous la plume de Saïd Mouas : «Aïn-Témouchent venait d'annoncer la couleur. Le voyage du général ne fait que commencer. À Saïda, Mostaganem, Orléansville, Alger, Tizi Ouzou, ce seront les mêmes scènes de colère, de violence et de haine tandis que de Gaulle s'avançait à pas feutrés dans un discours appelant à l'unité de la patrie et à l'harmonie des communautés musulmane et française.»
Dans le journal Le Maghreb du 12-12-2015, nous lisons : «Ayant débuté un 9 décembre 1960, à la place centrale de Aïn-Temouchent, où le président français, le général de Gaulle, devait prononcer son discours sur l'Algérie française, les manifestations populaires ont exprimé haut et fort le rejet des propositions de la France au sujet de l'avenir de l'Algérie et conforté l'adhésion totale du peuple algérien à sa révolution armée, précipitant la fin de l'ère coloniale.»
Ainsi, le responsable de wilaya de l'Association nationale des invalides de la guerre de Libération nationale, Mechat Mokhtar, rapporte que la défunte Amama a été la première femme algérienne à brandir le drapeau national lors de ces manifestations. «Ce drapeau a été cousu par une autre femme, Kheira, habitant le quartier populaire de Sidi Saïd», a-t-il précisé.
Quant à l'historien Cheikh Bouchikhi, il a affirmé, pour sa part, que «les manifestations du 9 Décembre 1960 de Aïn-Temouchent avaient «scellé, définitivement, la fin de l'Algérie française», en surprenant le général de Gaule qui n'a pu prononcer son discours prévu à la place baptisée, actuellement, «place du 9 Décembre 1960» où une tribune avait été montée en face de la mairie.
Sous le titre «En décembre 1960, de Gaulle a compris, Aït Ali Boubekeur écrivait dans le Quotidien d'Oran, le 10-12-2009 : «Les Algériens de Cherchell, Blida, Tizi Ouzou, Béjaïa, Teleghma et Batna ont accueilli le général avec des slogans tels que ''Vive de Gaulle ! Vive Ferhat Abbas ! Négociation, Algérie indépendante, etc.'' Ces manifestations revêtaient une importance capitale dans la mesure où leurs représentants ont été désormais considérés comme les dignes porte-drapeaux du peuple algérien.»
Mathieu Rigouste écrivait dans Le Monde Diplomatique en décembre 2020, sous le titre «Décembre 1960, les Algériens se soulèvent» : «Le 11 décembre 1960, des cortèges formés d'habitants des bidonvilles et des quartiers misérables, souvent composés d'anciens et d'un nombre important de femmes et d'enfants, envahirent les quartiers européens au péril de leur vie. Ces protestations suscitèrent une répression féroce, que l'Etat français a depuis dissimulée. Mais elles réussirent à bouleverser l'ordre colonial et permirent d'arracher l'indépendance. Elles illustrent l'engagement décisif des classes populaires au cœur de la lutte de libération algérienne.»
Et de continuer son papier ainsi : «La tournée du président français coïncide avec l'examen par l'Assemblée générale des Nations Unies de la Déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux pays et peuples coloniaux, le 14 décembre 1960, puis avec la discussion, dans la même enceinte, sur la ''question algérienne'', le 19 décembre. L'insurrection a lieu devant les journalistes du monde entier et trouve un écho direct à New York. Il n'est plus possible pour l'Etat français de prétendre être soutenu par la majorité des Algériens face à des ''terroristes'' minoritaires. La déclaration est adoptée, ainsi que la résolution qui reconnaît le ''droit de libre détermination comme base pour la solution du problème algérien''.»
«Nous sommes tous avec le FLN !»
Un élan indescriptible a jeté les jeunes hors de chez eux.
Cet acharnement du colonialisme français venait pour faire taire ces millions d'Algériens qui ont décidé d'entrer en scène, ouvertement, en bravant la mitraille, parce que trop offensés par un régime qui ne répondait pas à leur attente. Et c'est à partir de là, que, le 11 Décembre 1960, le peuple algérien, drainé et encadré par ses jeunes et même par ses enfants, descendait dans la rue pour créer, comme d'aucuns l'appelaient, un «Dien Bien Phu» politique aux forces colonialistes.
D'El Madania à Belcourt – aujourd'hui Belouizdad – et à El Harrach et de La Casbah au Climat-de-France, de même que dans toutes les villes du pays, des centaines de milliers de jeunes et de moins jeunes défilaient bruyamment, drapeaux algériens en tête, bravant les chars et les importants cordons de sécurité. Aux cris de «Vive le FLN !» et «Algérie algérienne !», les jeunes ont démontré au monde entier l'élan indescriptible qui les a jetés hors de chez eux pour lui apprendre, avec éclat, la puissance, l'extraordinaire résistance de notre peuple que les colonialistes invétérés disaient affaissé, cloué au sol par la «pacification», la torture et la peur.
«Ils n'ont pas d'armes, mais rien ne les arrêtera !» écrivait Roland Faure du quotidien français L'Aurore. Bien sûr que rien n'a pu arrêter ces jeunes qui n'avaient d'autres alternatives que de manifester, les mains nues, leur désapprobation à l'encontre d'un régime sourd et aveugle et mourir sous les balles assassines, pour un idéal qu'ils chérissaient depuis de longues décennies. Un autre journal français, Le Petit Matin, du 13 décembre 1960, relatait : «À Maison-Carrée, un jeune musulman monte à un poteau pour accrocher un drapeau FLN. Invité à descendre, le musulman persiste dans son dessein. Il est tué. Puis son corps enroulé dans le drapeau vert et blanc, frappé de l'étoile et du croissant rouge, est promené sur le pare-chocs d'un camion militaire, dans le quartier musulman.»
Claude Estier, cet autre journaliste français de Libération, témoignait lui aussi en écrivant dans les colonnes de son journal le 14 décembre 1960 : «Un jeune musulman avec lequel je venais d'engager la conversation m'a dit, sans se préoccuper du soldat qui était à quelques mètres de nous : ''Ces inscriptions ont été payées du sang de beaucoup de nos frères. Soyez sûrs qu'elles ne sont pas près de disparaître !''»
C'est dans cette ampleur que se sont déroulées les manifestations du 11 Décembre 1960 où le peuple et surtout les jeunes étaient sortis, les mains vides, pour crier leur refus du colonialisme et de l'exploitation. C'est dans ce décor apocalyptique que ces manifestants étaient tombés sous de vraies balles..., assassines ! La plupart, des jeunes et des enfants ! Ils n'eurent même pas le temps de relever la tête pour faire leur dernière prière. Les mitrailleuses colonialistes étaient là, pointées avec insolence, pour ravir l'innocence de ces pauvres gamins.
Le journal Le Monde annonçait «135 000 soldats, cinq compagnies de CRS et de gendarmes mobiles qui étaient sur le pied de guerre, dans la seule ville d'Alger». Le Figaro écrivait, après avoir décrit des scènes «hallucinantes», et invraisemblables – termes qu'il avait employés : «Un avion d'observation donnait l'alerte. Gendarmes mobiles et ''paras'' interviennent rapidement... L'accrochage a fait des morts et des blessés. Les mêmes scènes sanglantes devaient se répéter à Miliana, Bérard, Zéralda et en de nombreuses localités de l'Algérois.»
C'est pour cela, que l'on dit que le 11 Décembre 1960 a été un tournant décisif dans la lutte de libération nationale que menait avec courage et détermination notre peuple. Il a été une étape importante dans notre révolution, qui a laissé une facture douloureuse. Beaucoup de martyrs sont bombés pour l'amour de ce pays. Beaucoup d'enfants surtout, ceux qui, il y avait quelques jours seulement, lançaient à tue-tête des hymnes patriotiques au visage des soldats français qui patrouillaient dans les rues de la capitale. Rien ne pouvait arrêter ces jeunes et ces enfants, devant ce système avilissant qui les oppressait depuis plus d'un siècle. Leur liberté..., ils ne pouvaient se l'imaginer qu'à travers une véritable indépendance dont le prix était cher, très cher. Ainsi, ils devaient le payer, malgré tout, avec leur sang, avec leur vie. N'est-elle pas vaillante, cette démonstration de l'inébranlable volonté..., interprétée par ce cri d'un jeune qui agonisait, après avoir reçu dans le dos une rafale de mitraillette..., et qui étreignait fort contre sa poitrine les lambeaux du drapeau national, lui aussi déchiré par la mitraille : «Maintenant, c'est fini, nous nous sommes dressés, nous ne reculerons plus. Nous sommes tous avec le FLN !»
Toute l'Algérie s'est embrasée, jusqu'à l'indépendance
En effet, tout le pays s'est embrasé et les mêmes manifestations s'organisaient partout en Algérie, parce qu'il faut préciser que ce mouvement s'étalait et se perpétuait jusqu'au recouvrement de notre souveraineté nationale. À Constantine, Annaba, Sétif, Oran, Tlemcen, Sidi-Bel-Abbès, Blida et partout ailleurs, les jeunes encadraient ces manifestations populaires en criant leur refus du colonialisme et de l'exploitation.
C'était un succès éclatant pour la révolution qui prenait de plus en plus d'ampleur et qui empruntait un tournant décisif dans le cadre de cette lutte opiniâtre qui rentrait dans une autre étape, celle où les masses populaires faisaient la démonstration, au monde entier, que le FLN n'était pas le seul sur le terrain pour réclamer l'indépendance de l'Algérie. Ainsi, les manifestations de Décembre 60 ont été d'un apport considérable, un apport qui ne pouvait que mettre en évidence cet attachement du peuple algérien aux nobles idéaux qui l'ont toujours secoué et contraint à se mobiliser pour son émancipation. Ces manifestations donc ont été l'un des principaux instruments, si ce n'était l'essentiel, qui ont accéléré le processus de décolonisation de notre pays. Et s'il n'y avait cet élan populaire, que traduisait cette déclaration irréfutable de la désapprobation générale d'une politique révolue, en même temps qu'une démonstration d'un engagement public avec les dirigeants et les organes de la révolution, la solution aurait été peut-être différée à d'autres décennies ou, à tout le moins, aurait traîné devant les assises internationales – comme c'est le cas de plusieurs causes justes à travers le monde – et l'indépendance aurait été, certainement, retardée de plusieurs années...
Enfin, les manifestations de Décembre 1960 ne s'étaient pas arrêtées. Elles ont continué dans le temps, jusqu'à pratiquement juillet 62, et nous l'avons déjà dit. Partout, en Algérie, le peuple hissait l'emblème national, quelquefois confectionné à la hâte, pour plébisciter le GPRA, le FLN et l'ALN. C'était une manière à lui, somme toute naturelle, de traduire cette communion d'idées et de demander avec persistance la reconnaissance du droit aux Algériens à disposer d'eux-mêmes. Et c'est grâce à ces hommes, à ces femmes et à ces jeunes, qui vivaient consciemment la révolution, défiant les forces coloniales, en inscrivant tous les jours de nouveaux succès qui s'ajoutaient à ceux de nos braves combattants, que les organisations internationales et les Nations Unies ont été obligées de reconnaître le combat légitime du peuple algérien. Oui, «les répercussions politiques et militaires de ces manifestations de Décembre 1960 ont été réelles pour la France coloniale, soumise à des pressions internationales et régionales», disait un ancien responsable de l'ANM.
En effet, et c'est grâce à toutes ces actions déterminantes que vinrent Evian, ensuite Lugrin, ensuite Les Rousses et une autre fois Evian. C'est grâce à eux, à leur volonté inébranlable et à leur unanimité de briser le joug colonialiste, que l'adversaire a été contraint d'abandonner ses vieilles positions de l'Algérie française et à admettre le droit à la souveraineté nationale de notre pays. Ainsi, de Gaulle, alors chef de l'Etat français, était obligé de reconnaître le 3 juillet 1962, dans une lettre envoyée aux autorités algériennes de transition, que : «La France a pris acte des résultats du scrutin d'autodétermination du 1er juillet 1962 et de la mise en vigueur des déclarations du 19 mars 1962. Elle a reconnu l'indépendance de l'Algérie... En cette solennelle circonstance, je tiens à vous exprimer, Monsieur le Président, les vœux profonds, sincères, qu'avec la France tout entière, je forme pour l'avenir de l'Algérie.»
Ainsi, le 11 Décembre 1960 a été une étape fondamentale dans la révolution algérienne. Et le slogan «Un seul héros, le peuple !» n'est pas de trop dans notre Histoire ; bien plus, il aura constamment la saveur d'une épopée qui témoignera de l'une des périodes les plus engagées, les plus brillantes et les plus productives du peuple algérien...
K. B.


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