Il n'y a rien de plus pathétique que cette propension à répondre à des personnes en vue à partir de son propre réduit. On a l'impression de dialoguer, mais c'est un sens unique. L'autre ne lit même pas ce que tu écris. Et tes lecteurs, eux, n'ont pas lu ce à quoi tu réponds. Donc, à quoi bon ? Normalement... Pourtant, cette fois-ci, difficile d'encaisser sans réagir une chronique de Tahar Ben Jelloun parue dans Le Point, visiblement l'hebdo du Maghreb des souverains et des suzerains. Evaluant la tension des rapports entre le Maroc et la France, ne voilà-t-il pas que l'écrivain marocain, antique chouchou de l'édition parisienne, trouve là l'opportunité de taper éhontément sur l'Algérie et, bien sûr, sur « la junte militaire ». Fastoche ! À aucun moment, il ne lui serait venu à l'idée que, dans la tension entre nos deux pays, le Makhzen, allié d'Israël et des Etats-Unis, puisse y être pour quelque chose. Il y a des silences qui se perdent... Ben Jelloun réinvente le chauvinisme bas de gamme ! En homme de paix, Tahar Benjelloun exalte la fraternité entre nos deux peuples, mais dans la cause des dommages subis par cette fraternité, il incrimine la seule politique d'Alger sans jamais évoquer les sanctions que le Makhzen prend contre les Marocains — et ils sont nombreux — qui manifestent leur opposition. Il évoque l'affaire Pegasus, mais c'est pour la mettre au conditionnel et nous dire que rien n'est prouvé et que le Palais a intenté des procès, qui sont en cours. Et que même si c'était vrai, pourquoi ne parle-t-on que du Maroc et pas de l'Allemagne qui aurait utilisé Pegasus. À court d'arguments, le mec ! Nous n'attendons certes pas qu'il soutienne l'Algérie, mais au moins qu'il fasse preuve d'un minimum d'honnêteté en reconnaissant aussi la responsabilité du Makhzen dans le désordre régional. On connaissait son hostilité à la limite du viscéral à l'égard de l'Algérie et des Algériens, mais ce niveau de sujétion aux palais, celui du roi du Maroc et celui de l'Elysée, a rarement été atteint. A. T.