Egil Magne Hovdenak est norvégien. Il a séjourné en Algérie (en Kabylie) durant la période coloniale. Il a eu l'occasion d'y revenir dans les années 1960 et 80. Egil est arrivé en Algérie avec une équipe de bénévoles. Sa présence en Kabylie, notamment dans la région de Ouacifs, était motivée par un projet de développement. À titre bénévole, le Norvégien met en place une aide sanitaire dans une dizaine de villages kabyles. Une philosophie d'un travail humanitaire avec Quakers, une association à but non lucratif et apolitique. «Mes contacts avec l'Algérie s'étendent de la fin de la période coloniale aux premières années de l'indépendance. C'est ma rencontre avec les habitants de Ouacifs et la culture kabyle qu'est né le projet relaté dans ces pages. J'ai visité des villages pauvres, sans école, sans eau, sans accès aux soins, sans possibilité de travail...», note- t-il dans l'avant-propos. Cet ouvrage préfacé par Tassadit Yacine est paru dans sa première version en 2016 en Norvège sous le titre Algeriske erfaringer. Les éditions Dalimen le proposent aux lecteurs algériens en français, traduit par Hélène Celdran, professeur de français et maître de conférences. En débloquant des fonds, Egil Magne Hovdenak et son équipe ont pu construire des écoles, des châteaux d'eau, créer de l'emploi et apporter des soins aux populations locales complètement démunies. Une grande amitié est née entre Egil et ceux qu'il appelle «mes amis de la montagne». Tout au long de cette coopération, l'homme a pris des notes et tenu une sorte de journal de bord. Ce sont ces documents qui nous sont restitués aujourd'hui à travers cet ouvrage. Ces récits racontent ses rencontres avec les villageois et leurs conditions de vie à cette époque-là. Petit texte en guise de préambule : «A mes amis de la montagne. Qui m'avez fait confiance et m'avez reçu comme un ami. J'étais un étranger, vous m'avez reçu comme l'un des vôtres (...) Partagé avec moi votre humble demeure, une poignée de figues, un morceau de galette (...) Je dédie ce récit à la mémoire de vous tous qui avez donné un sens à ma vie, et partagé avec moi le rêve d'une existence libre et digne.» Le premier séjour de l'auteur a eu lieu en 1952. Ce premier contact avec le peuple de la montagne est gravé dans son esprit : «J'arrivai d'Alger en bus à la petite ville d'El Kseur sur le coup de midi. Là, on m'indiqua un raccourci sur le flanc de la montagne. Le camp se trouvait juste derrière djebel Arbalou.» Egil signe son second retour en Kabylie une année plus tard. C'est dans le village d'Agouni Bourar qu'il réside de l'automne 1953 jusqu'au printemps 1954. Il prodigue des soins aux villageois. «Le matin, je reçois ceux qui ont besoin de soins. L'après-midi, je me rends dans les villages avec ma trousse de soins : Tablabalt, Boudja, Ifnaien, Afernakou, Abouda, Oufellah, Tigrouïn....» À la veille du déclenchement de la guerre de Libération, Egil Magne Hovdenak retourne dans son pays. Il revient en Algérie en octobre 1962 et consacre plusieurs années au travail humanitaire, soutenu par le service Quaker de Norvège. Il témoigne de la désolation laissée par l'armée française : «La guerre qui a fait rage ici pendant plus de sept ans a laissé des traces bien visibles : des versants entiers de collines brûlées disent la violence qui s'est abattue sur le pays. Colline après colline, la forêt a brûlé.» En 1963, le programme Quaker pour la Kabylie voit le jour. Pour aider au développement de Ouacifs et de sa région, une équipe de bénévoles arrive en renfort : Turid, l'épouse d'Egil (enseignante), et ses deux enfants Espen et Are, une sage-femme, un architecte, un ingénieur en électricité... «Nous recensons les besoins les plus urgents avec les autorités locales. Le projet d'approvisionnement en eau a suscité l'enthousiasme et la reconnaissance de la population locale. Le manque d'eau, en effet, est criant dans plusieurs villages. De corvée d'eau, les femmes retournent par des chemins abrupts vers leurs villages avec des bidons de 20 litres sur le dos. Les hommes ne portent pas l'eau. S'il faut en chercher le soir, un homme peut accompagner sa femme.» Les bénévoles sont bien intégrés. Ils partagent la vie quotidienne des villageois et sont invités aux fêtes. Les filles prennent des cours de tricot et de couture : «Le Croissant-Rouge de Tizi-Ouzou nous a fourni une machine à coudre, de la laine et du tissu. Nous allons pouvoir ouvrir la première classe. Le village a sélectionné 15 filles âgées de 8 à 14 ans. Des jeunes femmes mariées viennent deux après-midi par semaine pour apprendre à tricoter et à coudre.» Le quatrième séjour des Norvégiens en Kabylie se déroule entre 1967 et 1969 : «Vivre en famille parmi les habitants nous a permis à la fois de gagner leur confiance et de nous intégrer. Nos enfants jouaient avec ceux du village, notre fils aîné allait à l'école du village, où notre dernier enfant est aussi né.» En 1986, Egil effectue un voyage d'études en Kabylie avec un groupe d'étudiants. Il y reviendra en famille en 1989 dans un bus aménagé en camping-car. Cette expédition permet au couple Hovdenak, accompagné de leurs enfants, dont deux sont nés en Kabylie, de retrouver leurs anciens amis de Kabylie : «Nous poursuivons notre périple, de village en village, et chaque jour nous apporte son lot de petits événements. Partout, nous ne retrouvons que des amis. Certains d'entre eux, qui étaient des amis très proches, nous reçoivent comme leur propre famille. Beaucoup se souviennent de nos enfants, aujourd'hui devenus adultes.» Un récit palpitant, des photos et des documents inédits à découvrir dans ce bel ouvrage. Né en 1927, Egil Magne Hovdenak vit actuellement en Norvège. La traductrice Hélène Celdran est née à Oran en 1961. Elle vit en Norvège depuis 1988. Elle est traductrice et maître de conférences au Collège universitaire d'Østfold, où elle enseigne la littérature française. Soraya Naili À mes amis de la montagne de Egil Magne Hovdenak. Editions Dalimen. Juin 2021. 229 p.