Par Ahmed Halli [email protected] Peut-on �tre l'ami intime de Bouteflika au point de b�n�ficier de toute sa mansu�tude, aux frais du contribuable, et ne pas aimer l'Alg�rie ? La r�ponse est oui, et c'est la conclusion que pourrait tirer n'importe quel Alg�rien en apprenant la derni�re pantalonnade de notre ex-parent. Quand je vous disais que ce monsieur �tait fonci�rement anti-alg�rien, en d�pit, ou peut-�tre � cause, de son mariage avec l'une de nos oies blanches, vous m'avez accus�, comme d'habitude, de porter atteinte � l'un des nouveaux proph�tes de ce si�cle. Mes d�tracteurs attitr�s ont ressorti leur derni�re arme fatale : il faut �tre n� du bon c�t� de la barri�re pour s'autoriser la moindre critique contre les Arabes. Autrement dit, je serais arabe selon leur bon vouloir et aux heures et instants qui leur semblent ad�quats, sinon je reste, de par leur diktat, un Arabe annex�, et donc annexe. Ils m'ont fait comprendre que je pouvais, � la rigueur, appr�cier Oum Kalthoum, b�er d'admiration pour Hafez, mais il m'est interdit de d�tester publiquement les �h�ros� du moment. Or, Karadhaoui est l'un de ces objets qui animent mon ressentiment et ma juste col�re, ce qui me vaut une place de choix au pilori virtuel, dress� par ses �fans� exalt�s. Et je ne parle pas seulement des jeunes fondamentalistes dont il reste, vaille que vaille, l'un des ma�tres-penseurs. Quel est donc le nouveau coup de Jarnac du confesseur attitr� du Qatar et de la cha�ne Al Jazeera ? L'information se trouve sur la derni�re page du quotidien Al-Nahar, �dition du jeudi 14 juillet, ceci au cas o� vous voudriez vous �pargner une lecture plus longue, � partir de la �Une�. Selon ce journal, donc, le cheikh Karadhaoui, �galement pr�sident du �Haut Conseil islamique, institution officieuse qui suppl�e la vacance de l'OCI (Organisation de la conf�rence islamique), vient d'interdire l'importation et la consommation de viande congel�e venant de pays non musulmans�. La �fatwa� d�cr�te que la viande congel�e provenant de pays non unifi�s (par la religion) est impropre � la consommation, m�me si des minorit�s musulmanes vivent dans ces pays. Plus pr�cis encore, Karadhaoui impose l'embargo religieux aux viandes provenant de pays non monoth�istes, et donc ath�es selon l'entendement en vigueur. Or, de quel pays non monoth�iste l'Alg�rie importe-t-elle ses viandes, notamment en p�riode de Ramadan ? L'Inde, pardi, qui remplit toutes les conditions r�dhibitoires contenues dans le �cahier des charges� �labor� par le cheikh. L'Inde est un �tat la�que, avec une majorit� hindouiste, donc m�cr�ante, et une minorit� musulmane. Or, tout le monde sait, et cela a �t� rappel� il y a quelques jours, que les Alg�riens se sont adapt�s � la viande indienne, et en redemandent faute de mieux. Les autorit�s religieuses alg�riennes, qui veillent � la puret� du dogme, et � pr�server les Alg�riens des affres de l'enfer, ont certifi� la l�galit� de l'abattage rituel. Que nenni, r�torque le vieux �bonze� du Qatar, qui veut nous priver de la �chorba � l'indienne�, sous pr�texte qu'il n'a pas �t� sollicit� pour donner son avis sur le composant principal de cette �chorba�. Relisez tranquillement et avec s�r�nit� cette fatwa qui tombe comme un reste de cheveu de vieillard chenu dans notre �chorba�, et vous conviendrez comme moi qu'il n'y a rien de plus anti-alg�rien que �a. C'est � se demander si, en agissant de cette mani�re, Karadhaoui, l'emp�cheur de manger indien, ne fait pas le jeu des importateurs de b�uf fran�ais. Or, les Alg�riens viennent d'avaler une grosse couleuvre fran�aise, en la personne de Jean- Fran�ois Cop�, le plus lep�niste des dirigeants de droite fran�ais. Les Alg�riens ont le droit d'�tre fiers de leur sens de l'hospitalit�, mais il y a des choses qui restent en travers de la gorge. On peut se demander d'ailleurs si l'accueil �fraternel� r�serv� au raciste Cop� ne constitue pas une forme de r�ponse � la s�rie que publie actuellement le quotidien Echourouk sur le �Hizb Fran�a�. Le parti de la France, c'est un peu le parti de tout le monde, ministres malades de la prostate ou acheteurs d'immobilier parisien, prog�nitures des m�mes voulant r�ussir la France apr�s avoir �chou� au bac fran�ais. Mais il ne faut pas s'en r�clamer trop ouvertement pour ne pas donner aux Fran�ais l'impression que nous voulons qu'ils d�barquent � nouveau � Sidi- Ferruch. Au demeurant, il n'y a pas de quoi s'inqui�ter des m�faits �ventuels du �Hizb- Fran�a�, puisque les peuples latins, dont les Fran�ais, seraient des Arabes qui s'ignorent ou ne veulent pas l'admettre. C'est du moins sous cet angle que l'in�narrable Othmane Saadi nous pr�sente dans les colonnes du quotidien londonien Al-Quds, un livre �crit en fran�ais pour d�montrer que l'Arabe est l'anc�tre du latin. Saadi qui a vainement tent� de nous convaincre que nous �tions arabes, bien avant l'arriv�e des premiers cavaliers arabes et musulmans, veut nous faire aimer aussi ses lectures. Il s'agit en l'occurrence d'un livre intitul� Les racines arabes de la langue latine�, commis par un certain Abderrahmane Benattia. L'auteur affirme que ce sont les �trusques, premiers habitants de la p�ninsule italienne, qui sont � l'origine de l'introduction de l'Arabe, anc�tre de fait du Latin. Mu par une profonde affection pour les langues mortes, j'ai �tudi� le latin, bien apr�s avoir parl� le kabyle et l'arabe, et je suis donc d'autant plus � l'aise face � cette �tonnante nouvelle. Seulement, instruit par l'exp�rience et les extravagances linguistiques de Saadi, je pr�f�re renvoyer l'auteur du livre et son pr�sentateur au rayon des th�ories fumeuses. Si le cheikh Karadhaoui cherche, avec la plus grande mauvaise foi, � nous priver de viande indienne durant le prochain Ramadan, que dire du minist�re des Affaires religieuses qui veut nous priver de plages ? Une fatwa, encore une, vient de d�clarer que le fait de se baigner en bord de mer pendant la journ�e de je�ne est un acte �d�testable� (makrouh). Un musulman est r�compens� s'il s'abstient de commettre un acte d�testable, mais il n'est pas sanctionn� s'il le fait. Seulement, avec toutes les influences que nous subissons, le �d�testable�, p�ch� v�niel, est per�u comme une infraction capitale susceptible de vous pr�cipiter dans le feu de l'enfer. Alors, autant subir sto�quement celui d'ici-bas, en contemplant son climatiseur � l'arr�t faute d'�lectricit�, d'autant plus que les arguments sont �loquents : d'un c�t�, vous risquez d'avaler accidentellement de l'eau de mer en vous baignant et de rompre ainsi votre je�ne. D'un autre point de vue, vous risquez de vous heurter � des spectacles immoraux comme celui d'une femme sortant de l'eau, avec son �djilbab �, la moulant �troitement. De quoi vous donner une fausse id�e de ce qui se cache sous un �djilbab� mouill� et de vous conduire � des pens�es r�pr�hensibles. Quant aux maillots de bain � une ou deux pi�ces, il y a longtemps qu'ils ne figurent plus que comme objets de collection nostalgique au fond des malles des mamans et grands-m�res d'aujourd'hui.