Par Ahmed Halli [email protected] Faut-il se r�signer � subir la dictature d'un clan familial, d'une bande de coupe-jarrets en complet veston, sous pr�texte que leurs rempla�ants pourraient �tre pires ? C'est la question qu'on peut se poser ces temps-ci, en observant ce qui se passe en Tunisie, en �gypte et en Syrie. Attention ! nous dit-on de partout, ne crions pas sus � Bachar, de crainte que les islamistes ne ram�nent Muawya � Damas, r�alisant ainsi un nouveau projet am�ricain. Autrement dit, les �khalifats � qui se pr�cisent un peu partout dans le monde arabe ne seraient que l'aboutissement d'un complot occidental visant � octroyer le pouvoir aux islamistes. Cela signifierait que pour avoir le droit de boire une bi�re, d'origine et de qualit� douteuses, on devrait conjurer la peste � venir et coexister avec le chol�ra. On devrait ignorer les efforts que prodiguent nos mauvais gouvernements depuis des d�cennies pour nous fabriquer des citoyens et des �lecteurs en mesure de r�pondre pr�sents. Pour �viter les barbus issus du FLN, on nous somme d'accepter un FLN, en proie � des pouss�es de barbe d�sordonn�es, et flanqu� de sigles � moustaches. Je voudrais bien qu'on m'explique comment je dois soutenir Assad, menac� par une d�ferlante islamiste, pendant que les pseudo- h�ritiers de Ben-Boula�d se confondent d�j� en courbettes devant le tr�ne du khalifat. Quant aux Am�ricains qui seraient derri�re tout �a, autant avouer tout de suite qu'ils sont aussi responsables de tout ce qui nous arrive depuis la r�volte d'El-Mokrani. Ce sont les Am�ricains qui nous auraient concoct� les programmes de l'�cole fondamentale et nous auraient pouss�s � construire des milliers de mosqu�es, devenues autant de tribunes �lectorales. Oui, il faut avoir des craintes pour l'avenir de la Syrie, surtout si les Kurdes se mettent aussi � croire que le salut est dans le khalifat. Les Kurdes, c'est s�r, peuvent �tre de vrais Arabes lorsqu'ils se piquent aux jeux islamistes et se d�couvrent des vocations de proph�tes. Au demeurant, m�me les Syriens les plus ti�des, notamment ceux qui vivent en dehors de la Syrie, s'enhardissent peu � peu et s'engagent dans le combat en manifestant devant leurs ambassades � l'�tranger. Ceux qui vivent dans les pays arabes n'ont pas eu droit au m�me traitement, et il y a des pays o� la neutralit� bienveillante est encore de r�gle. Le probl�me ne s'est pas pos� apparemment � Alger o� toutes les manifestations sont interdites, qu'elles soient de soutien ou d'hostilit�. Ceci, en attendant que la plus grande mosqu�e du monde d�verse ses milliers de fid�les, � la sortie de la pri�re du vendredi, apr�s l'ouverture de la chasse aux la�cs et aux m�cr�ants. A Duba�, en revanche, les choses ont mal tourn� pour les Syriens qui ont manifest� contre Assad. Cet �mirat est rest� dans une prudente expectative, contrairement au Qatar qui appelle ouvertement � une intervention militaire �trang�re en Syrie. Aussi, les autorit�s de Duba� ont-elles d�cid� d'expulser les protestataires vers leur pays d'origine, ce qui a provoqu� l'inqui�tude des dirigeants de l'insurrection. Et c'est le moment que choisit Karadhaoui pour se rappeler � notre bon souvenir, si l'expression est de mise. Selon le grand aum�nier du Qatar et leader spirituel du mouvement des Fr�res musulmans, le la�c Borhane Ghalioune lui aurait demand� d'intervenir aupr�s du gouvernement de Duba� pour emp�cher l'expulsion des Syriens. Karadhaoui aurait r�pondu qu'il n'�tait pas en odeur de saintet� dans l'�mirat, mais qu'il agirait par ses sermons sur Al Jazeera. Et il en fut ainsi. Karadhaoui a donc somm� les responsables de Duba� de �craindre Dieu� et de faire revenir les Syriens expuls�s, tout en suspendant les mesures en cours. Du coup, c'est le chef de la police de Duba�, Dhahi Khelfane lui-m�me, qui est mont� au cr�neau, et a lanc� un mandat d'arr�t contre l'impr�cateur qatari. Le policier qui s'�tait notamment rendu c�l�bre en d�masquant le r�le du Mossad dans l'assassinat d'un leader du Hamas palestinien dans la capitale de l'�mirat s'est l�ch�. �Karadhaoui, a-t-il dit, a insult� le monde entier et il n'a �pargn� personne. Il ne restait plus que nous. Il a oubli� le jour o� il est parti en secret avec une jeune fille (!!). Il a laiss� un dossier noir en Alg�rie (??). Il a commis des actes inqualifiables �. (Les points d'exclamation et d'interrogation sont de notre cru et sont suppos�s exprimer � la fois l'�tonnement et la frustration devant des propos qui en disent trop ou pas assez. A suivre donc). Dhahi Khelfane a lanc� �galement une violente charge contre le mouvement des Fr�res musulmans. Il a affirm� que la police de Duba� avait attrap� plusieurs membres du mouvement en flagrant d�lit de commerce avec des prostitu�es. �La m�thode de Karadhaoui est simple, elle consiste � nous dire : ou vous laissez les Fr�res musulmans agir � leur guise � Duba�, ou nous vous attaquons sur Al Jazeera. Il parle de Syriens expuls�s, ce qui n'est pas vrai, mais il garde le silence sur la d�cision de Doha de retirer leur nationalit� � des centaines de citoyens du Qatar�, a lanc� le policier � l'adresse du th�ologien pr�f�r� des Arabes. Les Fr�res musulmans d'�gypte ont �t�, �videmment, les premiers � r�agir aux propos du commissaire Khelfane. L'un de leurs dirigeants a menac� de mobiliser tout le monde musulman contre les autorit�s de Duba�. Ce � quoi le Conseil de coop�ration du Golfe (CCG) a r�agi en condamnant les menaces des islamistes �gyptiens, mais sans s'arr�ter aux propos de KaradhaouI. Il y a quelques mois, Karadhaoui avait d�fray� la chronique et suscit� des protestations avec sa fatwa interdisant aux Arabes de se rendre � J�rusalem avec un visa isra�lien. Oubliant que la ville sainte �tait occup�e par les Isra�liens, le cheikh a ignor� le probl�me politique qu'elle repr�sentait. Pour nombre de Palestiniens qui luttent quotidiennement contre la juda�sation progressive de la ville (l'objectif d�clar� est de ramener la population � 15%), la fatwa est un appel � l'oubli. La fatwa de Karadhaoui demande purement et simplement aux Arabes de boycotter la ville occup�e et de tourner le dos aux op�rations qui s'y d�roulent. Bref, en attendant que le chef de la police de Duba� nos donne plus de d�tails sur les m�faits �alg�riens� de Karadhaoui, nous ne pouvons que lui dire merci pour cette sortie inattendue, mais �difiante.