Apprendre � lire et � �crire : une �vidence pour les uns, un r�ve pour les autres. Na Tassadit fait partie de cette cat�gorie de personnes qui ne caressent pas seulement un r�ve, mais font en sorte de le r�aliser. Retour sur un parcours d�une femme ordinaire avec un r�ve, �extraordinaire�. Ce n�est pas na Tassadit, �g�e de plus de 70 ans, qui raconte une seconde partie de sa vie, c�est plut�t son fils, Mohamed. Elle, par pudeur, par le poids des traditions, ne peut �voquer un sujet qui reste, estime-t-elle, tr�s sensible. Assise, au beau milieu du salon, na Tassadit, avec son foulard jaune clair et son gilet gris, donne l�image d�une vieille m�m�, tout droit sortie des contes pour petits enfants. Mon p�re lui a juste permis de diff�rencier les chiffres pour deux besoins bien distincts : conna�tre l�heure, pour dresser la table d�s son retour du travail, et pouvoir composer un num�ro de t�l�phone. Avec ses yeux rieurs et son sourire malicieux, elle inspire la sympathie d�s les premiers abords. Entour�e de ses petits-enfants, sa fiert�, elle l�a entre les mains, c�est un petit livre. Ce dernier est vraisemblablement destin� aux enfants : �C�est le bonheur de ma m�re : pouvoir faire la lecture � ses petits-enfants !� Eh oui, na Tassadit sait lire et �crire, ce qui n�est pas rien pour elle et pour ses cinq enfants. �Elle s�est mari�e tr�s jeune. Je pense qu�elle n�avait pas encore 15 ans, lorsque avec mon p�re, elle avait fond� un foyer. A cet �ge-l�, elle ne savait ni lire ni �crire, mais elle caressait le r�ve de conna�tre les secrets de cette science � laquelle elle n�avait pas acc�s. Et je pense que c�est pour cela qu�elle attachait autant d�importance � ce que tous ses enfants excellent dans les �tudes�, commence � raconter Mohamed, un peu g�n� de revenir sur le pass� de sa famille. �En tous les cas, je me suis toujours souvenu que ma m�re a toujours souhait� lire et �crire. Mon p�re s�est au d�part engag� � lui apprendre, mais tr�s vite, il a chang� d�avis. Il lui a juste permis de diff�rencier les chiffres pour deux besoins bien distincts : conna�tre l�heure, pour dresser la table d�s son retour du travail et pouvoir par la suite composer un num�ro de t�l�phone. Pour cela, il s�est content� de lui apprendre les chiffres de z�ro � douze. Je pense qu�elle a v�cu cela comme une trahison, et elle s�en est accommod�e durant un certain temps. Par la suite, lorsque nous avons grandi, elle a demand� � mon p�re de pouvoir s�inscrire aux cours d�alphab�tisation. Plus il prenait de l��ge, plus il devenait plus dur, surtout avec elle. Elle s�est r�fugi�e dans le silence en essayant de grappiller quelques mots par-ci, parl�. Mais, je suis conscient, comme tous ses autres enfants, qu�elle en souffrait �norm�ment. De temps en temps, ce sujet provoquait des col�res et des disputes entre eux. Ma m�re se f�chait quand mon p�re, malgr� son �ge avanc�, lui refusait cette petite libert�. Le plus �prouvant pour elle a �t� la naissance de ses petits-enfants. Dans son for int�rieur, elle sentait qu�elle ne pourrait pas �tre aussi proche d�eux que les autres grands-parents de cette g�n�ration�. Les �clats de rire des enfants interrompent le r�cit de Mohamed. Et pour cause na Tassadit, tout en lisant la petite histoire, mimait des voix et des gestes de sorci�res. Elle resplendissait de bonheur devant les fous-rires de ses petits. Mohamed reprend avec le sourire : �Mon p�re, de plus en plus acari�tre et presque m�chant, est tomb� soudain malade. Il y avait une grande diff�rence d��ge entre eux. Ma m�re s�est occup�e de lui jour et nuit, elle l�a fait par souci du devoir. Cela a dur� plusieurs mois, et puis il s�est �teint. Elle a fait son deuil et a respect� la p�riode o� elle ne devait pas sortir le soir. D�s que cette p�riode s�est achev�e, elle nous a tous r�unis. C��tait tr�s �mouvant. Ma m�re a commenc� � dire que du vivant de son mari, elle a de tout temps respect� ses d�cisions m�me si dans certains cas, elle n��tait pas d�accord. Elle a commenc� � apprendre les lettres, puis les mots et apr�s les phrases. �Ce qui nous surprenait, c�est qu�elle �tait stress�e et anxieuse lors des examens, ou encore tr�s heureuse quand on lui remettait son cahier de notes, comme une jeune �coli�re.� Les yeux larmoyants, elle nous a expliqu�s qu�elle avait maintenant le choix de pouvoir apprendre � lire et � �crire, et qu�elle esp�rait que ses enfants ne l�en emp�cheraient pas.� Tout en buvant une gorg�e d�eau, Mohamed a sorti un mouchoir de sa poche : �Pour nous, c��tait impensable de lui dire non. Personne n�a r�agi, ou plut�t, nous nous sommes regard�s et ma s�ur lui a dit : bien s�r maman. Nous, les gar�ons, par pudeur je pense, nous nous sommes tus.� Et comme pour ne pas fl�chir et continuer � aller de l�avant, na Tassadit s�est dirig�e le lendemain � la mosqu�e du quartier pour savoir o� peuvent s�inscrire les personnes �g�es voulant apprendre la lecture et l��criture. Sur place, elle a �t� orient�e vers un local de l�association Iqraa. �Pour elle, c�est une nouvelle naissance ou la d�livrance d�un poids qui pesait lourd sur elle. Ma m�re �tait plus s�re d�elle et plus heureuse�, confie en soupirant Mohamed, son fils a�n�, qui a pu constater tous les changements dans sa vie. Au fil des cours, elle a commenc� � apprendre les lettres, puis les mots et apr�s les phrases. �Ce qui nous surprenait, c�est qu�elle �tait stress�e et anxieuse lors des examens ou encore tr�s heureuse lorsqu�on lui remettait son cahier de notes comme une jeune �coli�re. Je n�oublierais jamais le jour o� elle a �t� class�e deuxi�me dans sa classe. C��tait une petite fille, toute fi�re, qui a, je dis bien, escalad� les escaliers du b�timent pour nous apporter son cahier. Pour tout vous dire, ce jour-l�, j��tais encore plus fier de ma m�re.� Pour na Tassadit, c��tait une victoire, mais aussi un pari qu�elle avait gagn�. �Aujourd�hui, c�est avec joie qu�elle fait r�citer � ses petits-enfants leurs le�ons. C�est extraordinaire toute cette patience qu�elle a � le faire. Nous, les parents, nous nous �nervons vite et sommes vite �puis�s. Pour ma m�re, c�est toujours un plaisir, elle ne se lasse jamais.� Pr�s de quatre ann�es plus tard, na Tassadit continue toujours � prendre ses cours. Aujourd�hui, son objectif est de parfaire son apprentissage afin qu�elle ait plus d�assurance pour relever d�autres d�fis. A nos lecteurs Cette page est la v�tre. Si vous avez �t� t�moin de faits qui vous ont parus hors du commun, de situations heureuses ou malheureuses, si vous connaissez des personnes qui m�nent une vie peu ordinaire, profitez de cet espace que nous vous offrons pour vous exprimer. Partagez-les avec nos lecteurs. Cette richesse d�exp�riences que vous allez leur conter les rendra, sans nul doute, un peu plus forts pour affronter avec courage la vie. Alors, � vos plumes !