Deuil n Saléha a perdu son époux, victime du terrorisme, son père, soupçonné de terrorisme, ainsi qu?un frère terroriste. Cette famille pardonne tout. Elle raconte son triple drame, soutenue par sa mère. «En 1996, les terroristes du voisinage sont venus chercher mon mari. Il m?a laissé six enfants dont le dernier que j?ai laissé chez la famille où j?ai accouché, car j?ai dû fuir après son assassinat, ayant moi-même été menacée. Mon époux a été assassiné, car il voulait prendre les armes pour être patriote. A sa mort, j?ai confié mon dernier-né, car je ne pouvais subvenir aux besoins de ma famille. Ma fille aînée est partie. Elle est sans domicile fixe. Elle est la seule qui est arrivée en terminale. Cette année-là, elle devait passer son bac. Elle n?a pas accepté la mort de son père.» Sa mère, Tassadit, 63 ans, prend alors la parole pour se replonger dans le triple drame qu?a vécu sa famille : «Mon fils était terroriste. Il a été égorgé par un de ses acolytes. Ma famille a été accusée de soutien aux terroristes par les services de sécurité qui ont emmené mon mari. Il a fait trois mois de prison puis il a été exécuté.» Tassadit poursuivra : «Il faut dire que des gens collaboraient avec les deux clans. Des gens, qui prenaient les sacs d?argent du racket, ont fait fortune. Ce sont eux qui s?en sont tirés à bon compte. Ce sont eux qui bénéficient de la protection des autorités. Ils ne sont pas inquiétés.» Faisant remarquer : «Vous voyez dans quelle situation nous vivons ?» en signalant au passage que son «autre fils est devenu patriote», elle conclut : «Je n?ai rien gagné d?aucune part.» «Que nous arrêtions de pleurer. Que s?arrête l?effusion de sang, pour ces enfants. Je dis «oui» à la réconciliation. Je pardonne tout, en espérant que les damnés retrouvent leurs droits.» A ces mots, des voisins interviennent : «Pardonnera-t-elle à ceux qui ont poussé sa fille et sa petite-fille à recourir à des moyens peu dignes d'elles pour subsister ?» En disant cela, les voisins ne jugent pas ni ne condamnent cette famille qu'ils considèrent, au contraire, comme doublement victime. Saleha touche tous les trois à quatre mois, une pension de 5 000 DA, selon ses dires. A ce sujet, elle confiera : «Je suis obligée de mendier pour nourrir mes enfants.»