Les économies de toute une année ont fondu comme neige au soleil. Tirelires asséchées, bas de laine vidés, fonds de tiroirs raclés, on n'a plus que nos yeux pour pleurer. Et pour cause, il a fallu honorer le mariage de la cousine, les fiançailles de la voisine, le bac du neveu, le brevet de la nièce et tout le toutim. Une liste interminable de cadeaux qui nous ont coûté un bras. Durant cette période budgétivore, on n'a cessé de mettre la main à la poche. Résultat des courses, à la rentrée, on tire le diable par la queue, ne sachant plus à quel walise vouer. Boubekeur, 31 ans Synonyme de fêtes et de réjouissances, l'été a charrié son infini lot de cartons d'invitations. «Dans ma famille, on a eu droit à quatre réussites au bac, trois brevets, une sixième, cinq mariages et deux circoncisions », raconte Boubekeur. «Beaucoup de satisfaction, certes, mais il a fallu néanmoins faire plaisir aux uns et aux autres en offrant de beaux cadeaux à tout ce beau monde. Inutile de vous dire que ça a sérieusement chauffé ma carte bancaire.» Assia, 51 ans Au rayon des dépenses, tapis rouge pour le Ramadhan qui a décroché la Palme d'or. Explosion des budgets des ménages surtout avec l'inénarrable spéculation des commerçants et la fièvre acheteuse des jeûneurs. «Pour notre famille composée de cinq personnes, nos dépenses pendant ce mois sacré se sont élevées à près de 70 000 DA !» nous révèle Assia. «J'ai un mari très exigeant et mes trois enfants âgés entre 14 et 19 ans ont un sacré coup de fourchette. Sans compter que nous avions souvent des invités à notre table. Ensuite, il a fallu débourser pour les gâteaux et les vêtements de l'Aïd. Et ce ne fut pas, puisque la rentrée a déboulé également avec ses inévitables frais, se chiffrant à plusieurs zéros avant la virgule. Toutes mes économies y sont passées et je crois bien que je vais devoir demander une avance sur salaire pour m'en sortir», déplore cette jeune quinquagénaire. Chérif, 41 ans Après l'Aïd, bon nombre de familles se sont accordé une parenthèse en montagne ou en bord de mer pour recharger leurs batteries avant de reprendre le chemin du travail ou de l'école. Et ce n'est pas gratuit. Là encore, la note a grimpé. «Partir en vacances quelques jours nécessite un gros sacrifice, notamment lorsque les moyens sont limités », nous dit Chérif. «En fait, le budget vacances s'est rétréci comme une peau de chagrin, rogné par le Ramadhan et l'Aïd. Pour louer un deux-pièces en bord de mer à Jijel pour une semaine avec ma femme et mes deux enfants, j'ai dû emprunter de l'argent à mes parents.» Farida, 36 ans Pas le temps de dire ouf qu'une autre dévoreuse de budget, à l'appétit gargantuesque pointe le bout du museau. Miss Rentrée. Fournitures scolaires, livres, cartables, tabliers... les ménages aux faibles revenus ne savent plus sur quel pied danser. «J'ai quatre enfants dont deux sont au primaire et les deux autres au collège et je peux vous affirmer qu'assurer leur rentrée, c'est carrément ruineux. Ajoutée aux dépenses du Ramadhan et de l'Aïd, la facture est trop salée», nous révèle Farida. L'été s'en va en laissant derrière lui un sentiment de ruine... pécuniaire. Les comptes bancaires sont en hypoglycémie. Ils attendent des jours meilleurs pour se refaire une santé. Fêtes, Ramadhan, Aïd, vacances... ont eu raison de tous les deniers. Et peut-être avons-nous aussi été plus cigale que fourmi, pour nous retrouver fort dépourvus quand la bise fut venue ?