Ils squattent trottoirs et portes cochères, prennent des airs de chiens battus et en appellent à votre bon cœur pour remplir leur escarcelle en espèces sonnantes et trébuchantes. Une nouvelle race de mendiants a fait son apparition à Alger. Agressifs, mordants et sarcastiques, ils font feu de tout bois pour s'assurer une rente qui ferait pâlir de jalousie un simple salarié. Gare à vous si votre obole ne dépasse pas 10 da, ils vous dévisageront d'un air méprisant et lâcheront d'un air offusqué «hada makan ?» (c'est tout ?). Ces nouveaux nababs des trottoirs ne vous remercieront que si «l'aumône» correspond à leur attente : à partir de 100 DA, autrement, vous aurez droit à un regard haineux accompagné parfois d'un chapelet d'insultes. Certaines mendiantes n'hésitent pas à louer des bébés afin de jouer sur la corde sensible des passants et titiller leur pitié. Les bébés qu'elles bercent dans leurs bras ne sont jamais les mêmes. Ces entourloupes phagocytent toute envie de mettre la main au porte-monnaie et attisent la colère des passants. Zineb, 45 ans «Les faux mendiants pullulent dans notre société. Ils ont trouvé le bon filon pour s'assurer un bon pactole sans se fouler la rate. Il y a cette femme sur une piétonne d'Alger qui est constamment enceinte. 48 heures après son accouchement, on la retrouve à son «poste» tenant un nourrisson dans les bras. J'ai appris récemment que son mari a un boulot tout ce qu'il y a de plus convenable et qu'il la dépose tous les matins sur son ‘'lieu de travail'. Le soir, il récupère la smala et compte ‘'la paie'' de sa femme. Le lendemain rebelote, et gare à celui qui s'aventurera à lui chiper sa place stratégique sur ce trottoir très fréquenté. Une fois, je l'ai vu pousser un pauvre type en haillons qui avait osé se poster sur ‘'son territoire''. Le bougre en a pris pour son grade : insultes et coups de pied ! De nos jours, on ne sait plus qui est vraiment dans le besoin et qui joue la comédie pour s'en mettre plein les poches en jouant avec la crédulité des gens !» Hamid, 34 ans «C'est indéniable. Les faux mendiants qui écument nos rues et nos boulevards ont trouvé un subterfuge pour gagner de l'argent facile. Personnellement, je ne donne plus rien sauf à de vrais nécessiteux que je connais. Une fois, j'ai été alpagué par une mendiante qui pleurait à chaudes larmes. Selon elle, son mari venait de mourir suite à un accident de voiture la laissant sans ressource et avec cinq enfants sur les bras. Un mois plus tard, en repassant par le même chemin, je la croise à nouveau. Mais cette fois-ci, j'ai eu droit à une nouvelle version. ‘'Mon mari est atteint d'un cancer en phase finale et blablabla.'' Ecœuré, j'ai passé mon chemin en me jurant de ne plus jamais tomber dans le panneau. Un ami commerçant m'a affirmé que beaucoup de faux mendiants roulent en carrosse. Ils se pointent en fin de journée pour reconvertir la monnaie en billets. «Les recettes peuvent atteindre jusqu'à 8000 DA certains jours !», m'a-t-il affirmé, de quoi avoir envie de changer de métier !» (Rires). Sabrina, 43 ans «Je fuis les mendiants comme la peste. Un jour, en donnant une pièce de 10 da à un mendiant, je me suis vu rappelée à l'ordre comme une malpropre. Ce dernier n'a pas hésité à me traiter de ‘'mechhaha'' et de mauvaise musulmane. Il a continué à s'acharner sur moi en aboyant que, vu la manière élégante avec laquelle j'étais sapée, je pourrai faire un effort. J'ai repris ma pièce et j'ai continué mon chemin sous ses insultes. En racontant cette anecdote à mes proches, j'ai appris que je n'étais pas la seule à avoir vécu ce genre de mésaventure. De là à ce que ces quémandeurs d'un nouveau genre exigent des chèques libellés à leur nom, il n'y a qu'un pas à faire ! Dans quel monde vivons-nous, je me le demande.» Lakhdar, 53 ans «Ce qui me gêne avec les mendiants que l'on rencontre aujourd'hui, c'est leur capacité à vouloir nous gruger tout le temps. L'exemple le plus frappant est celui de ces pseudos mendiants qui agitent une ordonnance sous votre nez en vous suppliant de leur acheter des médicaments. Mais lorsque vous leur proposez d'aller à la pharmacie du coin, ils stoppent votre élan en vous réclamant de leur remettre l'argent directement. Ça sent l'arnaque à plein nez. Du coup, on n'a plus envie de faire sa bonne action.» Ces comportements ont tendance à semer le doute chez les citoyens et à freiner tout élan de générosité de leur part. Ces mendiants véreux font de l'ombre aux vrais nécessiteux. A nous de faire la part des choses !