A partir du 31 janvier, dix artistes exposeront leurs œuvres à l'espace «la baignoire» qui s'est fait connaître l'an dernier avec l'exposition «Picturie générale 2», un florilège savoureux de tout ce que l'Algérie compte comme jeunes créateurs d'art contemporain. Pour cette fois-ci, ce sera la «walk-photo» et probablement les dix meilleurs talents du domaine qui seront donnés à voir au public algérois. Intitulée «Chawari3» (Rues), cette exposition réunit des regards croisés sur l'espace urbain algérien qui ne cesse d'inspirer les jeunes photographes tant il renferme une espèce de magnétisme artistique grâce notamment à son architecture, sa topographie mais aussi la vie quotidienne bouillonnante qui s'y déroule. Parmi les dix photographes «marcheurs» dont les œuvres seront visibles du 31 janvier à fin février, Youcef Krache est probablement l'un des plus intéressants. Son graphisme révèle non seulement une maîtrise technique mais aussi une démarche singulière qui sublime les tonalités d'un paysage urbain sans pour autant en enjoliver le contenu. Il faut dire que l'esthétique de ses photographies tire sa force d'une harmonieuse rencontre entre un épais réalisme et un aspect éthéré qui confère à l'objet ou à la personne photographiés une aura mystique, voire intemporelle. Sa sensibilité aiguisée se réapproprie la ville et ses habitants et transforme les composantes de l'image à telle enseigne que le spectateur a toujours cette double impression de familiarité et d'étrangeté avec la photo qu'il regarde. Alger, lieu de prédilection de l'artiste avec lequel il affectionne le noir et blanc, devient donc un espace de l'entre-deux, dont Youcef Krache célèbre le mystère sans vouloir le percer, et s'ingénie à en révéler une facette rarement visible dans les photographies conventionnelles. En effet, il n'est pas question dans son travail d'aborder la cité d'un point de vue global où les bâtisses et les hommes deviennent une fin en soi. Au contraire, l'image apparaît comme une invitation à la transcendance et au questionnement : elle ne se résume pas uniquement aux éléments matériels qui la construisent mais suscite une curiosité intellectuelle envers ce qu'elle ne dit pas explicitement. C'est pour cela que chacune des œuvres de Krache retient le regard et renferme en elle quelque chose de plus insaisissable que ce que l'on perçoit «à l'œil nu». A cela, s'ajoute une intelligence manifeste dans le choix des compositions à l'instar de cette image où on voit la statue de l'émir Abdelkader de dos, son épée semblant vouloir s'abattre sur les antennes paraboliques encombrant les toits d'en face ! Ou encore ce jeu de miroirs dans un café algérois où les clients donnent faussement l'impression d'être des personnages vivant dans d'autres photographies... Malek Bellahsen est, quant à lui, plus attiré par les portraits. Sa subjectivité le mène à la rencontre d'anonymes dont l'attrait semble être avant tout l'expressivité du visage et du regard. Enfants ou adultes, ils sont tantôt photographiés, de loin, dans un cadre large, tantôt approchés au plus près. Un intimisme certain se dégage de nombreuses œuvres où l'on retrouve parfois cette sempiternelle problématique du rapport de l'humain à son espace mais aussi ses relations souvent tendues avec sa propre image. Silhouettes, visages, sourires et regards indéchiffrables, les photos de Bellahsen tentent d'interroger la psychologie de chacun sans jamais verser dans le voyeurisme car on y palpe une indéniable tendresse mais aussi du respect envers la personne photographiée. Les huit autres artistes proposent des styles différents avec, comme point commun, une acuité du regard et une démarche esthétique propre. A découvrir donc le 31 janvier lors du vernissage de l'exposition à 15h à l'espace «la baignoire», 3 rue des Frères Oukid, square Port-Saïd. Alger.