Par Ali Chérif Deroua J'avais fini mon article du 4 janvier 2015 par cette conclusion : «Au lecteur de constater, que malgré tous les qualificatifs et l'invective dont m'a gratifié M. Saïd Sadi, je suis resté lucide au point de relever, même «sénile», pour ne pas utiliser d'autres termes, toutes les anomalies contenues dans son best-seller. D'autres fusées sont prêtes au lancement, mais je déciderai de leur utilisation en fonction de l'évolution de cette saga.» Je remercie le lecteur d'avoir la patience de nous «subir». Avec cette conclusion, j'avais prévu que M. Saïd Sadi, à défaut d'arguments pour se défendre, allait, comme à son habitude, faire diversion, afin de ne pas avoir à commenter le contenu de cet article qui a fait très mal et auquel il ne pouvait en aucun cas trouver une parade, fusse-t-elle diabolique. Il ne pouvait pas trouver mieux que de s'attaquer à certaines figures emblématiques de l'Algérie (bonnes ou mauvaises figures, traitres ou pas, chaque lecteur a le droit d'avoir sa propre opinion à ce sujet). A ceux qui ne l'ont pas lu, j'aimerais les inviter à le faire («Contributions» Le Soir d'Algérie du 4 janvier 2015 sous le titre : M. Saïd sadi, des banderilles aux fusées). A titre de récapitulation, j'aimerais donner au lecteur un aperçu des remarques pertinentes que j'ai faites sur le fameux best-seller. 1 - Comment M. Saïd Sadi peut se faufiler dans une conférence à Boston (USA) à laquelle il y avait 15 000 personnes présentes dont 4 350 délégués mandatés pour la désignation de John Kerry en tant que candidat du Parti démocrate et se retrouver discutant avec la star du Congrès, M. Edward Ted Kennedy, et par là même faire passer le message d'Amirouche au peuple américain ? Mieux encore, en quelques minutes, il diagnostique la maladie de Kennedy, sans l'avoir ausculté. M. Kennedy lui-même ainsi que ses médecins ne se sont aperçus de cette tumeur au cerveau que 4 ans plus tard (page 354 de son best-seller). 2 - M. Saïd Sadi écoute des témoins qu'il sélectionne lui-même, dont il bidouille les témoignages et, lorsqu'il est pris en flagrant délit de faussaire de la Révolution, il ne se gêne nullement de faire porter le chapeau à ses propres témoins. C'est ainsi qu'il demande aux intellectuels, aux hommes politiques, aux universitaires et pourquoi pas à tous les lecteurs abusés de prendre contact avec ses témoins. Mieux, il dégage sa responsabilité en déclarant au café littéraire de Béjaïa le 24 janvier 2015, début de citation : «Mieux, je ne crois pas savoir qu'un critique ou un universitaire ait pris la peine de prendre langue avec les témoins que j'ai interviewés pour faire préciser un propos ou un événement ; ce qui eut été sain et utile pour ces acteurs, qui sont aussi des hommes âgés, peuvent avoir été pris en défaut sur tel ou tel aspect de leur narration.» Fin de citation. Tout juste s'il ne les traite pas de séniles après les avoir utilisés. M. Saïd Sadi doit savoir mieux que quiconque que c'est à l'écrivain de faire le tri de ses témoignages, de les analyser, de reconnaître leur crédibilité avant de les balancer au lecteur. En ce qui concerne le meeting d'Amirouche à Alma Talga avec la présence de 700 officiers et sous-officiers, M. Saïd Sadi est en contradiction irréfutable avec l'un de ses témoins, M. Ouali Aït Ahmed, ancien officier de l'ALN, qui écrit dans le journal le Soir d'Algérie ceci, parlant de cette réunion : «j'ajouterai que j'ai eu l'honneur d'assister, ce 11 novembre 1958, à ce vaste rassemblement... Ce regroupement devait : - déjouer la politique de la paix des braves prônée par le général de Gaulle, nouvellement élu à la tête de la V° République ; - expliquer à la base la portée de la création du GPRA le 19 septembre 1958, aux lieu et place du CCE comme instance exécutive ; - inviter les combattants à demeurer vigilants, d'autant plus que la Wilaya III n'avait pas reçu de munitions de l'extérieur depuis janvier 1958 et qu'à ce titre, il fallait opérer de telle sorte à ce que toute balle tirée fasse mouche, tout en évitant les accrochages frontaux avec l'ennemi ; - faire toucher du doigt à l'assistance l'interdiction de qualifier les éléments supposés impliqués dans la «bleuite» ; - avertir sur les éventuels problèmes qui pourraient survenir au sommet et qui mettraient en péril la Révolution. L'orateur (Amirouche) terminera son allocution en nous mettant en garde de ne jamais couper les contacts avec les masses populaires, d'autant plus qu'il allait s'absenter pour une mission imminente à l'intérieur du pays. Sans donner plus de précisions. On apprendra plus tard qu'il parlait de la réunion du Nord constantinois.» (le Soir d'Algérie du 19 janvier 2015). Ce rassemblement n'a donc rien à avoir avec celui que M. Saïd Sadi raconte dans son best-seller. Cet exemple démontre, à lui seul, que M. Saïd Sadi manipule et utilise à sa convenance les témoignages qu'il reçoit. Il n'est nullement question de voyage à Tunis, ni de règlements de comptes avec le GPRA. (Best-seller de Saïd Sadi page 275). 3 - M. Saïd Sadi devrait donner une explication au lecteur pour ce qu'il écrit dans son best-seller page 109 : «On verra plus loin dans ce récit que, dès le mois de mars, c'est-à-dire cinq mois avant le Congrès de la Soumman, Krim Belkacem, ignorant la mort de son compagnon, avait envoyé une invitation à Ben Boulaïd ainsi que le grade de colonel pour participer au Congrès en tant que chef des Aurès.» Il devrait expliquer au lecteur comment Krim Belkacem devait savoir en mars que le Congrès allait se tenir chez lui, d'autant plus que son organisateur, Abane, le situait le 3 avril 1956 chez Zirout dans le Nord constantinois. Comment il devait savoir cinq mois avant la réunion du Congrès qu'il allait y avoir des grades à distribuer? Comment, pourquoi et à quel titre Krim Belkacem pouvait se permettre d'envoyer le grade de colonel à Ben Boulaïd ? M. Saïd Sadi se doit de donner des explications de ce qu'il avance s'il veut avoir une crédibilité auprès du lecteur ou auditeur sur ce qu'il écrit. S'il ne répond pas à ces questions, il doit s'appliquer la réflexion de Yousef Oukaci avec laquelle il avait fini son article du 29 décembre 2015. A un manant qui le provoquait un jour de marché hebdomadaire pour faire parler de lui, l'homme de culture eut cette réponse qu'il gagnerait à méditer : * Si du moins tu étais de ceux d'Abizar * Si habiles à la gâchette * Et qui jamais ne fuient le combat * Mais issu des sans-repères * Si je te bats c'est une honte * Si tu me bats la honte est double. Soit il répond soit la honte est double. Mais comme il ne peut pas admettre la contradiction, voici qu'il se la ramène lors de son intervention au café littéraire de Béjaïa en déclarant : «Cela fait maintenant cinq ans que la première édition sur Amirouche est sortie. A ce jour et si l'on évacue les récentes provocations d'un fantasque agent du Malg, je n'ai pas entendu une seule contestation sur le contenu factuel du livre.» un pareil constat est raisonnable et plein de bon sens. malheureusement pour M. saïd sadi, quelque temps après il débite : «Le press-book (dossier d'articles sur le sujet) des charges lancées contre le livre dépasse les 1 500 pages.» A ce que je sache, l'agent du Malg n'a écrit à ce sujet en tout et pour tout qu'une vingtaine de pages. M. Saïd Sadi n'a qu'à nous éclairer sur ceux qui ont osé le contredire. Car pour lui, le calcul est simple : celui qui ne le croit pas sur parole, même contre sa conscience, est un ennemi à combattre, à accabler de qualificatifs qu'il a l'art de choisir, à lui faire subir l'invective dont il est un expert hors pair. C'est ainsi qu'après avoir classé les éléments du Malg en bon et mauvais cholestérol, il s'attaque maintenant à toute l'intelligentsia algérienne. Voici quelques lignes révélatrices du délire de M. Saïd Sadi : «Cette désertion intellectuelle et morale n'est pas le fait des médias parapublics conçus pour polluer la scène politique, elle est le fait de celles et ceux dont on était en droit de penser qu'ils refuseraient d'insulter l'avenir. L'élite n'est pas seulement démissionnaire, elle a renoncé à son devoir d'humanité et cela représente une vraie hypothèque sur le futur.» «Que nous disent, au-delà des personnes, ces afflictions morales, ces rigidités mentales et les désarrois intellectuels qu'on aurait tort d'ignorer, mais qu'on aurait tout aussi tort d'analyser sous le seul éclairage des profils psychologiques de leurs auteurs ? Autant de dérives et d'inconséquences constatées à ce niveau de responsabilités et de compétences ne saurait trouver des explications pertinentes et exhaustives dans les seuls tourments ou faiblesse des individus.» ce sont là d'abord des signes qui révèlent la profondeur de la crise éthique qui affecte notre intelligentsia. «Cependant, et il n'est pas superflu d'y revenir, dans ce charivari, les signes les plus péjoratifs pour notre avenir nous ont été offerts par les universitaires.» Inutile d'insister, la messe a été dite par le Messager et tout le monde doit s'y plier. Gare à ceux qui oseraient lever le petit doigt ! Les mauvais cholestérols du Malg doivent s'estimer heureux, comparés à ce que subit, dans sa totalité, l'intelligentsia algérienne. Pour clore cet article, pourquoi ne pas se rappeler au bon souvenir par une nouvelle fusée à laquelle, j'en suis sûr et certain, M. Saïd Sadi ne va trouver aucune parade. 4e Fusée Dans son best-seller page 73, M. Saïd Sadi écrit, parlant du martyr Saïd Babouche, devant lequel je m'incline pour son sacrifice afin que l'Algérie soit indépendante, début de citation : «Celui-ci (Saïd Babouche), rapidement arrêté, fut condamné à mort. Il sera exécuté. Il sera le deuxième patriote algérien à être guillotiné après Zabana.» Fin de citation. Je m'excuse auprès de la famille du martyr Saïd Babouche, mais je me dois de rétablir une vérité historique. J'apporte mon humble contribution sur le parcours de ce martyr. Né le 9 février 1921 à Yaskiène (Tizi Ouzou), il est parmi les hommes du 1er Novembre qui ont déclenché la Révolution. Il est arrêté le 10 février 1955. Condamné à mort, il est exécuté à Serkadji (ex-prison civile de Barberousse, Alger) le 8 avril 1957 à 4h 45 du matin. Repose en paix cher compagnon. Maintenant revenons au best-seller de M. Saïd Sadi. Tous les Algériens, à travers tout ce qui a été écrit un jour sur l'Histoire de la Révolution, tous ceux qui l'ont vécue et tout particulièrement les Algériens, à portée de voix de Serkadji, qui ont entendu les youyous des Algériennes de la Casbah, savent qu'Ahmed Zabana a été le premier martyr passé par la guillotine de la Révolution algérienne le 19 juin 1956 à 4h du matin et que 7 minutes plus tard, Abdelkader Farradj est passé à son tour sous le couperet de la guillotine. Donc, ce n'est pas Saïd Babouche. Ben M'hidi et Abane doivent se révolter dans leur tombe devant une pareille ineptie. Pour la jeunesse algérienne que M. Saïd Sadi veut tromper en falsifiant, sans vergogne, l'histoire de la Révolution algérienne, je lui signale que le nombre des condamnés qui sont passés à la guillotine avant Saïd Babouche est de 8 martyrs à Serkadji (Ahmed Zabana, Abdelkader Farradj, Mohamed Tifrouine, Fernand Yveton, Mohamed Lakhnèche, Mohamed Ouennouri, Mohamed Mazira, Amar Mamri), et de 37 à l'échelle nationale. Le premier martyr à la prison civile d'Oran se nomme Laïd Ben Mohamed, exécuté le 3 juillet 1956, et le premier martyr à la prison civile de Constantine se nomme Mahmoud Belkhairia, exécuté le 7 août 1956. Pourquoi cette falsification de l'Histoire et dans quel but ? Au lecteur de se faire sa propre lecture et d'en tirer les conclusions. Je me dois aussi de m'incliner devant la mémoire de mon frère de combat Abdelkader Farradj qui a été un éternel oublié de l'Histoire et auquel M. Saïd Sadi enlève la seconde place pour l'attribuer, pour je ne sais quelle raison, à Saïd Babouche. A ce titre, je donne au lecteur un aperçu de son parcours : né le 2 avril 1921 à Oued Aïssa, douar de Bourouta, commune de Kadiria, wilaya de Bouira. Enrôlé dans l'armée française pour le service militaire, il désertera dès le début du déclenchement de la Révolution. Arrêté après un accrochage le 26 mars 1926 dans la zone IV (future Wilaya IV), il sera condamné à mort le 3 mai 1956 pour avoir déserté avec armes et bagages et rejoint la Révolution, mais aussi pour avoir dressé une embuscade à un convoi de parachutistes le 25 février 1956. Il sera exécuté 7 minutes après Ahmed Zabana et sera à ce titre le deuxième condamné à être passé devant la guillotine. J'ose signaler à M. Saïd Sadi que ce martyr que je défends n'est pas de l'Ouest, ni de par son lieu de naissance ni de par la Wilaya où il a combattu. J'aimerais demander à M. Saïd Sadi pourquoi falsifier l'Histoire et là je ne vois pas comment lui, un intellectuel qui se charge de discréditer ses pairs, lui, expert autoproclamé de la Révolution algérienne, lui, l'homme politique hors du commun, lui, l'intelligence dans toute sa splendeur, puisse ignorer que Abdelkader Farradj est bien le deuxième condamné à mort à avoir été exécuté ? Lecteurs, citoyens, jeunesse algérienne, hommes et femmes de ce merveilleux pays, voici un aperçu de l'Histoire que vous propose M. Saïd Sadi. Même l'excuse berbère qu'il utilise à tout bout de champ ne s'applique pas dans cette circonstance, d'autant plus que parmi les 37 condamnés à mort qui sont passés avant Saïd Babouche, certains sont originaires de la Wilaya III. J'aimerais qu'il donne au lecteur les raisons qui l'ont poussé à une aberration de ce genre. J'espère qu'il ne va pas encore coller cette ineptie à un quelconque témoin qui revendiquera en être l'auteur pour ne pas avoir à subir les foudres du Messager. Il est même capable de la coller à un mauvais cholestérol du Malg et pourquoi pas à un membre de l'intelligentsia algérienne. Conclusion Je me suis rendu compte qu'il a changé de média pour faire diversion et ne plus avoir à s'expliquer sur ce qu'il a débité comme inepties sur l'Histoire de notre pays. Qu'il soit assuré, j'ai encore en réserve quelques belles perles et quelques fusées en cas de besoin.