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La «chkara», le chèque et la monnaie électronique
Publié dans Le Soir d'Algérie le 09 - 09 - 2015


Par Farouk Nemouchi, universitaire
L'évolution des formes de la monnaie est intimement liée au développement des systèmes économiques et sociaux. Dans une première étape historique, la monnaie a pris la forme de marchandise représentée principalement par les métaux précieux : or et argent. Dans une deuxième étape est apparue la monnaie papier appelée monnaie fiduciaire. La troisième étape est marquée par l'avènement de la monnaie scripturale constituée par les comptes des particuliers et des entreprises détenus auprès des banques commerciales et autres institutions de dépôt.
La monnaie scripturale est matérialisée par une simple écriture sur un compte bancaire et ne peut être utilisée directement comme moyen de paiement à l'instar des billets. Les banquiers vont faire preuve d'imagination en mettant au point des instruments qui assurent sa circulation. Les moyens depaiement scripturaux mis à la disposition de la clientèle sont le chèque, l'ordre de virement, l'ordre de prélèvement, les effets de commerce et la carte bancaire.
La quatrième étape consacre l'entrée dans l'ère de la monnaie électronique grâce aux nouvelles technologies. Elle apparaît sous la forme de porte-monnaie électronique destiné au règlement des transactions de faible montant et de monnaie virtuelle. Le porte-monnaie électronique représente une valeur monétaire stockée sur une carte à puce rechargeable alors que la monnaie virtuelle est stockée sur le disque dur d'un ordinateur et circule à travers des réseaux informatiques comme internet. De toutes les monnaies virtuelles créées, celle qui suscite le plus d'intérêt est le bitcon lancée en janvier 2009 par des informaticiens japonais. Cette monnaie présente la particularité d'être universelle et ne dépend d'aucun émetteur.
La généralisation du Smartphone a donné l'occasion à de grandes firmes comme Paypal, Google, Apple, Amazone et des opérateurs en télécommunication de créer des applications qui ont fait évoluer le téléphone mobile en un outil qui permet d'exécuter des opérations financières sans l'intervention des banques. Cela a permis à des millions de personnes, surtout en Afrique, qui étaient exclues du système bancaire, d'accéder à des services financiers qui répondent à leurs besoins et à des coûts modérés.
Les changements intervenus dans les moyens de paiement ont provoqué un recul important des règlements en argent liquide et par chèque. Dans certains pays, on s'achemine vers des systèmes monétaires sans espèces. En Suède, des commerçants refusent l'argent liquide et les banques apportent leur soutien à cette démarche en démantelant des distributeurs automatiques de billets. Des actions sont entreprises pour réduire le rôle du chèque et encourager l'usage de la carte bancaire. Le but recherché par les banques est de limiter leur approvisionnement en monnaie banque centrale et de réduire les coûts élevés induits par l'usage de la monnaie fiduciaire et du chèque. Pour les commerçants et les particuliers, les moyens de paiement électroniques offrent l'avantage de diminuer les risques liés à la détention des billets et de l'utilisation frauduleuse du chèque.
Au moment où l'industrie des moyens de paiement connaît un essor remarquable et annonce de grands bouleversements dans le futur, l'Algérie peine à promouvoir l'usage du chèque.
Au début des années 2000, des investissements importants ont été réalisés dans le domaine de la monétique pour encourager l'emploi des instruments de paiements cripturaux. Malheureusement cela n'a pas modifié les habitudes des Algériens des lors qu'ils restent attachés à l'argent liquide. La part de la monnaie sous forme de billets en circulation est passée de 921 milliards de dinars fin 2005 à 3 656,8 milliards de dinars(1) fin 2014.
Le gouvernement prend alors des mesures contraignantes avec une première loi qui impose le chèque pour les transactions dont la valeur est supérieure à
50 000 DA ensuite une deuxième loi qui fixe ce seuil à 500 000 DA. Ces deux tentatives ayant lamentablement échoué avant même leur entrée en application, le ministère des Finances revient à la charge avec un décret qui rend obligatoire l'utilisation du chèque pour les montants supérieurs à un million de dinars à partir de juillet 2015. Cette nouvelle décision a-t-elle de meilleures chances d'atteindre l'objectif recherché ? La masse monétaire est constituée de trois composantes : les billets en circulation ou monnaie fiduciaire, les comptes à vue et les comptes d'épargne à terme des particuliers et des entreprises auprès des banques commerciales, du Trésor et les comptes courants postaux. Lorsque la clientèle privilégie les billets comme moyen de paiement et d'accumulation des richesses, il en résulte une sortie d'argent du circuit bancaire. Les retraits effectués par les déposants sont contraignants pour les banques qui enregistrent des fuites monétaires et lorsqu'elles sont confrontées à un besoin de liquidités elles s'adressent à la Banque d'Algérie par le biais du refinancement. Or cette technique a l'inconvénient d'augmenter la quantité de monnaie en circulation et devient une source d'inflation.
Quelles sont les raisons qui incitent les Algériens à accorder leur préférence aux billets pour régler leurs dépenses ?
De multiples causes peuvent être avancées mais deux d'entre elles retiennent l'attention. La première est la faiblesse de l'inclusion financière et la seconde réside dans l'économie non observée.
Introduite dans les années 1990, la notion d'inclusion financière désigne la population adulte détentrice de comptes auprès des institutions financières formelles : banques, autres institutions financières et institution postale (Algérie Poste). La population incluse financièrement a accès aux services financiers offerts par le secteur financier formel tels que les instruments modernes de payement, le crédit et les produits d'épargne. L'information la plus complète disponible sur l'inclusion financière dans les pays est produite par la Banque mondiale(2).
D'après les résultats d'une enquête menée par cette institution internationale, en Algérie le nombre d'adultes titulaires de comptes auprès des institutions financières formelles en pourcentage de la population est de 50,5%(3).
Pour les femmes cet indicateur atteint 40% alors que dans les zones rurales il est de l'ordre de 42,3%. Le refus d'ouvrir un compte pour des raisons religieuses concerne 7,6%(4) de la population.
Cette étude indique que près de la moitié de la population algérienne est exclue du système financier et si l'on retient le critère de la bancarisation qui fait référence aux adultes titulaires de comptes bancaires, le taux d'exclusion financière est supérieur à 80%.
Le niveau de l'inclusion financière en Algérie rend illusoire toute initiative visant à assurer la promotion du chèque comme moyen de paiement. Une bancarisation restrictive qui s'adresse uniquement à ceux qui ont amassé de grosses fortunes en exerçant des activités non déclarées n'entraînera pas de changements notables dans le système de paiement.
Il faut promouvoir un système financier inclusif qui cible les salariés, les artisans, les petits commerçants et les agriculteurs. A cet effet, les institutions financières peuvent proposer une offre de services financiers attractifs, faciliter les opérations pour l'ouverture de compte et appliquer des tarifs raisonnables. Algérie Poste peut y contribuer en exploitant les 15 millions de comptes courants postaux et l'idée de la création d'une banque postale est susceptible de prendre en charge les besoins financiers des larges couches sociales.
L'institution postale peut aussi s'inspirer de l'expérience de certains pays africains en développant des services financiers sur mobile à travers un partenariat avec Algérie Télécom ou d'autres opérateurs de téléphonie.
La deuxième cause à l'origine de l'ampleur de la circulation fiduciaire en Algérie est l'économie non observée. Cette expression proposée dans le manuel de l'OCDE(5) a le mérite de recenser les diverses activités économiques qui sont réalisées en dehors de tout cadre règlementaire et échappent à la comptabilité nationale. Il y a en premier la production souterraine qui se réfère à la production légale et déclarée mais sous-estimée volontairement pour diminuer le résultat imposable. La deuxième catégorie est l'économie informelle qui représente une activité économique légale mais non déclarée, c'est-à-dire que ses acteurs ne possèdent pas un registre du commerce ou tout autre document qui atteste de leur existence sur un plan juridique. Le troisième type de l'économie non observée est l'activité économique illégale (drogue, produits de contrefaçon et de contrebande, argent de la corruption, etc.). Enfin la quatrième catégorie concerne la production des ménages pour leur propre usage.
L'économie non observée en Algérie est une réalité qui existe depuis la décennie 1980 et elle a connu un grand essor au cours des 20 dernières années. Toute la difficulté réside dans la mesure de son poids réel global par rapport au PIB et l'importance de chacun des secteurs qui la composent.L'économie non observée s'appuie sur une puissante organisation aux ramifications complexes qui a ses propres règles et possède des relais à l'échelle internationale. Les transactions sont payées exclusivement en espèces ou ce qu'il est devenu courant d'appeler la «chkara», c'est-à-dire le sac rempli de billets de banque. Il semblerait que le comptage des montants élevés se fait par pesage ou par la mesure de la longueur de grosses liasses à l'aide d'un instrument de précision utilisé en mécanique, le pied à coulisse. Au-delà du côté surréaliste de ces pratiques, le recours exclusif à l'espèce pour le règlement des transactions a l'avantage de garantir l'anonymat alors que le chèque renseigne sur la traçabilité des opérations d'où l'hostilité manifestée à son égard. Après avoir longtemps toléré, voire encouragé l'activité informelle, le gouvernement a décidé de faire basculer ces capitaux dans la sphère formelle.
A cet effet, il a institué une mesure dans le cadre de la loi de finances complémentaire 2015, un programme de conformité fiscale volontaire. Les sommes déposées, dans ce cadre, auprès des banques par toute personne, quelle que soit sa situation, font l'objet d'une taxation forfaitaire libératoire au taux de 7%.
Ainsi pour sortir ces capitaux de l'ombre, acquis dans l'opacité la plus totale et dont il sera difficile de déterminer de quel secteur de l'économie non observée ils proviennent, il suffit de s'acquitter d'une modeste caution. En attirant cette richesse monétaire vers le secteur bancaire, le gouvernement cherche à faire face aux conséquences de la baisse drastique du prix du pétrole : la baisse des recettes de l'Etat et la contraction de la liquidité des banques. La loi relative à la conformité fiscale laisse supposer que le capital informel est disposé à souscrire à l'opération de bancarisation car cela lui offrirait de meilleures perspectives économiques et financières et un statut légal. L'adhésion à la démarche initiée par le ministre des Finances risque de se heurter au moins à deux obstacles. Le premier est la disponibilité des détenteurs de capitaux informels à dévoiler leurs activités et se soumettre aux règles qui régissent l'économie formelle. Le second réside dans l'écart important entre le rendement du capital informel et la rémunération de l'épargne accordé par les banques.
Il est possible d'affirmer que cet écart est tel que le capital informel représente un sérieux concurrent des banques et dans un tel contexte, il y a de quoi émettre des doutes sur les retombées fiscales et monétaires de l'amnistie fiscale et se poser alors des questions sur ses motivations réelles.
Le privilège accordé à ceux qui ont fait fortune selon des procédés non admis par la loi et sans apporter une contrepartie à l'économie nationale apparaît comme une injustice pour les entrepreneurs qui créent de la richesse et s'acquittent régulièrement de leurs impôts (IBS à 19% et plus), taxes et cotisations sociales. Et comment faire admettre la justesse de cette mesure à ces millions de travailleurs algériens qui paient en tant que salariés l'IRG au taux de 10% et en tant que consommateurs supportant la TVA à 17% ? Le programme de conformité fiscale sanctionne négativement le capital et le travail, c'est-à-dire les facteurs de production qui assurent la croissance économique et provoquent une profonde frustration chez ceux qui contribuent le plus au budget de l'Etat.
La mesure d'amnistie fiscale est inacceptable sur le plan moral, injustifiable sur le plan juridique, contre-productive sur le plan économique et inefficace sur le plan financier. Le crédit à la consommation, la bancarisation du capital informel, l'usage obligatoire du chèque et peut-être demain l'annulation de la dette des entreprises sont des mesures superfétatoires qui font l'impasse sur les graves dysfonctionnements de l'économie nationale mis à nu par la chute brutale du prix du pétrole. Il ne suffit pas d'imposer le chèque et la bancarisation par des décisions administratives pour espérer augmenter les recettes fiscales et améliorer la liquidité des banques.
Les pratiques monétaires dominantes dans un pays ne sont pas neutres ; elles sont déterminées par son organisation économique, sociale et culturelle.
Le passage de la «chkara» à la monnaie électronique et l'extinction de toutes les activités informelles sont tributaires d'un processus de refondation de l'économie nationale et de l'émergence d'une nouvelle infrastructure institutionnelle.
Dans le contexte de crise actuelle, c'est le grand défi que doit relever l'Algérie car la fin de l'économie rentière est imminente.
F. N.
1) Banque d'Algérie.
2) World Bank, the little data on financial inclusion, 2015.
3) Les populations des régions du Sud n'ont pas été prises en compte. Il est souhaitable qu'une enquête nationale soit lancée sur l'inclusion financière en prenant appui sur la méthodologie de la Banque mondiale.
4) World Bank, global financial development report 2014, financial inclusion.
5) OCDE Manuel sur la mesure de l'économie non observée, 2003.


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