De nombreuses décisions ont été annoncées lundi par le Président Hollande devant le congrès (Assemblée nationale et Sénat) suite à la série d'attentats terroristes de vendredi dernier. Un virage sécuritaire très prononcé appuyé par un discours et une terminologie toute nouvelle, celle précisément que l'on reprochait alors aux Algériens de tenir durant la décennie de sang dans leur résistance contre les GIA. Et si les annonces faites lundi par Hollande n'obéissaient dans une large mesure qu'à la conjoncture préélectorale en France et à la volonté de pomper dans les électeurs du Front National et damer le pion à sa présidente ? Dans cette hypothèse, et en grignotant dans le terrain du FN, le risque est de voir les idées du parti extrémiste se renforcer et faire que les étrangers en France et notamment notre communauté, essuient les affres de ce durcissement. Hollande n'est sûrement pas à la recherche d'un tel scénario. Si le Président français va soumettre dès mercredi la prolongation à trois mois de l'Etat d'urgence décidé immédiatement suite aux attentas de vendredi mais dont la durée ne peut excéder douze jours, le souhait exprimé dans son discours de lundi est de passer par un projet de révision constitutionnelle «un texte plus adapté à la situation actuelle et notamment un texte prenant en compte la durabilité des mesures, eu égard à la permanence des menaces. «Nous sommes en guerre, cette guerre d'un autre type appelle un régime constitutionnel permettant de gérer l'Etat de crise», a déclaré Hollande qui voit la nécessité de «clarifier le pouvoir». Outre le projet d'adaptation de la Constitution au nouveau contexte, le chef de l'Etat français a décidé de renforcer d'ores et déjà et sans se soucier des budgets, les forces de sécurité : création de 5 000 postes de policiers et gendarmes d'ici 2 ans ; 1 000 postes douaniers ; 2 500 postes supplémentaires pour la justice et enfin aucune réduction d'effectif dans l'armée d'ici 2019 et rappel de 59 000 réservistes. Au-delà des effectifs, Hollande a introduit une mesure qui ne manquera pas, à terme, de créer quelques soucis : «la légitime défense des policiers devra être traitée», a-t-il annoncé. L'abus d'utilisation d'une telle mesure si elle était adoptée serait un risque certain. La déchéance de la nationalité est la mesure la plus conséquente, annoncée par Hollande. Ainsi, il est envisagé que l'on pourra déchoir de leur nationalité des personnes condamnées pour terrorisme, ayant une double nationalité, y compris lorsque ces personnes sont nées françaises. En outre, l'expulsion des binationaux condamnés pour terrorisme sera facilitée et son retour sur le sol français interdit, sauf s'ils se soumettent, comme cela se fait en Grande-Bretagne à un dispositif de contrôle. Quant aux Français et résidents français qui seraient impliqués dans des activités terroristes à l'étranger, ceux-ci pourront solliciter à l'administration française qui leur délivrera un visa de retour à la condition de se soumettre aux contrôles, pouvant comprendre l'assignation à résidence et la soumission à un programme de déradicalisation. Qui aurait cru qu'un jour, du haut de sa tribune parlementaire, Hollande ou tout autre premier magistrat français, allait évoquer avec force la nécessaire «éradication» des terroristes. Cette éradication prônée par les démocrates et plus globalement par la population d'ici, victime des sanguinaires, a été perçue de l'autre côté de la Méditerranée dans les années noires comme l'offense suprême aux droits de l'Homme et à l'exercice des libertés. Faut-il bouder son plaisir de voir le tournant sécuritaire enfin décidé, alors que nous avons eu à observer durant des années, les autorités françaises (de droite comme de gauche) ouvrir grandes les portes de l'Hexagone aux criminels islamistes, à ceux qui ont installé un «terrorisme de guerre» découvert, nommé enfin et reconnu comme tel. Il reste toutefois que ces mesures, eu égard au discours quasi dominant en France, appelant à cesser l'immigration, à barrer la route aux migrants et autres appels de ce calibre, ne vont pas trouver là, l'occasion d'exiger que leurs revendications fassent l'objet de concessions d'un pouvoir aujourd'hui relativement en position de faiblesse, affaibli encore par les derniers actes terroristes commis à Paris. Il est vrai qu'Hollande a tenté d'appeler à ne pas faire d'amalgame comme il a déclaré que «la France n'est pas engagée dans une guerre de civilisation mais contre le terrorisme djihadiste» et que «nous éradiquerons le terrorisme parce que les Français veulent vivre ensemble».