La flambée qui caractérise le marché informel de la devise est-elle justifiée ? Non, s'accordent à dire les experts car «on n'enregistre ni départs massifs de pèlerins ni de touristes». Younès Djama - Alger (Le Soir) - Selon Ferhat Aït Ali, expert financier, contacté par nos soins, il faut donc chercher la clientèle ailleurs pour justifier une hausse de la demande, «et cette clientèle ne peut être constituée que d'exportateurs de capitaux pour des motifs de sécurisation de fonds pour crainte sur l'avenir économique du pays, ou d'exportation de dividendes et autres recettes réalisées sans déclaration par des entreprises établies localement et n'ayant pas possibilité de transfert facile dans le circuit normal». Et ceci s'applique particulièrement aux petits artisans chinois, aux Turcs et Syriens établis dans le bâtiment ou la confection et vente de produits en tous genres, souligne l'expert qui pense qu'il y a aussi l'effet de la sous-facturation pour la zone sud-est asiatique fortement taxée et qui ne peut être bénéficiaire si elle déclare tous ses achats vers l'Algérie à leur vrai montant. «Le gros de la hausse est induit par des transferts importants effectués par d'autres secteurs que les particuliers, dont les capacités de financement se sont réduites pour ce genre de dépenses et sont appelées à se réduire encore plus dans les mois à venir», note Ferhat Aït Ali. Selon lui, il faut vérifier de près le secteur de la téléphonie mobile «aux méthodes de comptabilisation assez suspectes, et aux transactions par cash très importantes», mais aussi «les milliers de petits intervenants sur le marché des travaux généraux informels qui ne peuvent ni déclarer leurs activités faute de permis de travail ni même réexporter leurs avoirs par d'autres moyens». Pourquoi l'on se méfie du secteur bancaire ? Pour l'expert, le circuit bancaire «n'existe tout simplement pas» pour la majeure partie des transactions courantes en Algérie. «La devise étant perçue comme une source de réserve en or intouchable pour le commun des mortels, la balance des paiements et ses signaux rouges étant le cauchemar de la banque centrale et des pouvoirs publics, il est évident que le seul moyen d'importer et d'exporter de la devise est de passer par le circuit dit informel, qui s'alimente en devises et les ressert dans les mêmes conditions d'opacité et de quasi-illégalité tolérée faute justement de palliatif correct», explique notre interlocuteur. Sur ce qui se cache derrière la flambée du marché de la devise, Aït Ali affirme que ce phénomène est dû à de multiples facteurs aussi bien objectifs que subjectifs, matériels et immatériels, l'alimentation (en devises) provenant principalement de deux circuits, les pensions de retraites et les produits de la surfacturation des importations. Or, constate l'expert, nous assistons en même temps à des obstacles divers au retrait de ces pensions ou de tous les fonds détenus en banque par les particuliers de manière discrétionnaire et à la limite illégale par les banques et postes, et à une surveillance plus assidue des surfacturations en amont par les services de contrôle, ce qui réduit le flux des deux affluents de ce marché». Il met en avant le «manque de confiance» en l'avenir économique du pays de la part des opérateurs aussi bien locaux qu'étrangers, mais aussi leur mépris intégral des capacités de l'Etat «à se protéger autrement que par des mesures conjoncturelles, anarchiques et faciles à contourner dans l'absolu».