L'ouvrage La mémoire mutilé a été édité chez Edilivre à Paris. L'auteur Mohamed Cherid a été enseignant de français à Chlef puis proviseur de lycée dans la même ville. Actuellement, il exerce à l'université. Le livre parle beaucoup de sa commune natale, Oued Fodda. Il y fait sa description, la beauté de ses paysages, la verdure luxuriante, les grands moments de convivialité entre amis à la piscine, pendant les parties de football et au bord du barrage. L'écrit fait une analyse sans concessions de la société algérienne qui a renié ses plus belles valeurs. La générosité, la solidarité, la compassion ont laissé place à un matérialisme froid, un égoïsme inquiétant jusqu'au sein même de la famille. Des passages très durs révèlent cette prise de position, surtout en ce qui concerne la dichotomie entre les pauvres et les nantis. «Est-ce la vie que d'être contraints de chercher la subsistance dans les restes de ceux qui ont trop mangé et qui jettent le surplus, refusant même de le servir à des animaux de compagnie?» «L'individu est l'ennemi potentiel de l'autre. N'oublions pas les frères ennemis. Tout les porte à s'entraider, à se soutenir mais la vie les dresse les uns contre les autres. Pourquoi ?» Pour Mohamed Cherid l'homme est animé «d'appétits voraces, égoïstes, au dessèchement du cœur, à l'absence de toute sensibilité. L'appât du gain sape sa logique, aveugle son jugement, dérange son cerveau, vide son cœur, le durcit, l'imperméabilise». L'ouvrage aborde aussi le problème de l'urbanisation sauvage, plutôt de la «rurbanisation» (terme cher à Mostefa Lacheraf) causée par l'exode rural. Il décrit sa ville natale, Oued Fodda, défigurée après l'indépendance par les nouveaux arrivants : «Les villas aux jardins correctement entretenus, à la propreté convenable se transformèrent. Les vérandas devinrent des lieux clos et les fenêtres devinrent aveugles... en raison d'une urbanisation effrénée qui dénatura la physionomie des villes et des villages où l'espace vital diminue et les barrières de séparation reflètent un repli sur soi.»Le livre est bien écrit. Il se lit facilement. L'auteur maîtrise la langue française.