Merci et bravo d'avoir enfin compris - et admis - que tu prêchais dans un désert qui, de surcroît, s'élargit comme l'incontrôlable désertification, chez nous comme ailleurs... Autre parallèle avec la nature ! Ta défense de notre mère-la-terre t'honore plus que tout du fait que cela rend inopérant et factice tout débat théorique sur les «sciences» et les choix politiques et économiques. Tu as réussi à transcender les querelles d'école et à hisser ton cri du cœur en faveur de l'humanité souffrante à un niveau global dont on n'a pas souvent conscience. Le grand paradoxe est que tout a une fin... sauf la croissance, sacralisée, devenue une fin en soi et n'ayant cure des moyens mis en œuvre pour son maintien et surtout son développement, coûte que coûte, dans un monde monétarisé et au profit d'une élite. De plus en plus de gens croient qu'un coin de l'espace finira par être colonisé par celle-ci qui s'y réfugiera avant le désastre final qui mettra fin à la vie sur terre... De quoi accélérer l'apocalypse programmée par le Créateur, comme les évangélistes soutiennent les yeux fermés le sionisme pour accélérer les pas du Messie qui se traîne les pieds... à l'époque moderne où tout va très vite ! Avant, les voies du Seigneur étaient impénétrables et respectées, avec même leur lot de Mystères ; aujourd'hui, elles doivent se soumettre aux desiderata des puissants de ce monde en manque de pistes d'accélération. Nous sommes donc revenus au paganisme avec le culte d'idoles dont la Déesse Croissance qui trône, tel Zeus au sommet du Panthéon. Nous voilà de retour à la Jahiliya, non pas celle de rares poètes et ascètes, mais celle des ténèbres... L'humanité a cru probablement trop vite que le monothéisme et la science avaient réussi à éliminer la pensée magique, mettant ainsi de l'ordre dans l'existence, dans la pensée, et dans notre appréhension de l'univers et de la nature. C'était sans compter avec l'homme-prédateur, pilleur et dilapidateur, indigne d'ailleurs en islam, de sa mission de représentant (Khalifa) de Dieu sur terre. Dans leur soif de domination, «les possédants sont possédés par leurs possessions» (Charles de Gaulle cité par Alain Peyrefitte dans C'était de Gaulle – Gallimard). Merci aussi et surtout, Omar, d'avoir réussi, de la manière la plus succincte, à vulgariser au profit des profanes que nous sommes, au-delà de l'économie, l'aveuglement volontaire des élites qui entraîne inexorablement l'humanité (la majorité dominée et aliénée), vers un abîme dont personne ne peut sonder la profondeur. Cela ne dispense tout de même pas de la lecture des ouvrages remarquables de ta contribution à une prise de conscience éclairée à l'échelle. Mais il faut que tu saches, Omar, que ton travail et ton engagement n'auront pas été vains ! Même aux HEC – Montréal, dans ce temple du capitalisme où tu résistes contre vents et marées depuis des décennies. Tes livres sont-ils lus en Algérie? Rien n'est moins sûr puisqu'une majorité d'Arabo-Berbères musulmans ignorent – hors du «parler musulman» à la mode – le premier décret divin du Texte sacré, adressé au Prophète al-Oummi : « Iqra ! » (lis!). La culture qui sauve et élève a été sacrifiée, en Algérie, sur l'autel de la relative abondance de ressources fossiles encore disponibles et dont le prix est décidé par les Etats les plus puissants de ce monde, à leur profit («Les dettes publiques USA-Europe-Japon condamnées à croître : la baisse du cours du pétrole, une solution ?» Mejdoub Hamed, El Watan, 29 09 2016). Ton œuvre est précieuse ; si tu tires un bilan à ce stade de ta vie, tu dois te dire : mission accomplie ! Si tu n'as pas été souvent écouté et encore moins suivi, c'est que tu as toujours préservé ta probité et ta liberté et cela est tout à ton honneur. Les livres, l'enseignement et la pensée incisive d'Omar Aktouf – soucieuse rationnellement et généreusement de l'humain – te survivront, telles des semailles en dormance ! Même si nous ne serons plus de ce monde que nous allons quitter comme les écorchés vifs que nous avons été tout au long de l'existence, avec angoisse certes, mais aussi avec l'espoir, celui de l'Espérance. Bonne santé cher ami et Dieu te garde !