Les pays de l'Opep, réunis hier à Vienne, ont trouvé un accord, le premier depuis 2008, pour la réduction de la production de 1,2 million de barils/jour, à 32,5 millions de barils. L'accord était quasiment acquis dès lors que les déclarations optimistes se sont succédé durant la journée. Du coup, le pétrole a bondi au-dessus des 50 dollars après cette annonce. En fin d'après-midi, les membres de l'Opep se penchaient actuellement à la rédaction du communiqué final de la réunion tenue à huis clos. Younès Djama - Alger (Le Soir) - La proposition algérienne de baisse de la production soumise à la réunion ministérielle de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) a été adoptée hier mercredi à Vienne, a rapporté hier l'APS auprès de «sources sûres». Cette proposition retenue comme base de travail par le Haut-Comité d'experts de l'organisation porte sur une réduction d'environ 1,2 million de barils par jour à opérer par les pays de l'Opep. L'Algérie devrait baisser sa production de 50.000 barils/jour dans le cadre de l'accord de réduction de la production adopté hier par la réunion ministérielle ordinaire de l'Opep à Vienne, a appris également l'APS. La production pétrolière algérienne avait été, en octobre dernier, de 1,1 million barils/jour. Plusieurs ministres de pays membres de l'Opep ont souligné à Vienne la capacité de cette organisation à parvenir à sceller un accord de baisse de la production comme proposé par l'Algérie. Le ministre de l'Energie, Noureddine Bouterfa, s'est dit «confiant» que l'Opep parvienne à un accord de baisse de sa production ajoutant qu'avec un accord, «le marché se régulera plus vite et c'est là notre objectif. Il y aura un consensus. On est très positif». Il a aussi relevé les efforts consentis par l'Algérie en vue de concrétiser l'accord obtenu à Alger en septembre dernier. «Je pense que l'humeur est généralement optimiste et positive», a déclaré de son côté le ministre saoudien de l'Energie Khalid Al-Falih, juste avant le début de la réunion. Dans un ultime effort de conciliation, les ministres se sont réunis pour un petit-déjeuner informel, pour rapprocher les points de vue pour définir des quotas par pays destinés à relancer les prix du brut, déprimés par une surabondance d'offre depuis l'été 2014. Le ministre émirati de l'Energie Suhail Al-Mazroui s'est lui aussi voulu positif après ces premières discussions : «Tout le monde travaille vraiment dur, nous nous attendons à une réunion vraiment positive et j'espère que nous vous donnerons de bonnes nouvelles quand nous aurons fini», a-t-il lancé, peu avant le début des travaux. Son homologue irakien Jabbar Al-Louaïbi a assuré qu'il y avait «de l'espoir, beaucoup d'espoir» et le ministre iranien du Pétrole, Bijan Namdar Zanganeh, s'est également dit «optimiste. En réaction, le baril de Brent s'est envolé de plus de 8% ce mercredi 30 novembre pour dépasser le seuil des 50 dollars et atteindre un maximum de 51,37 dollars. Le ministre algérien de l'Energie Noureddine Bouterfa et son homologue vénézuélien Eulogio del Pino se sont rendus lundi à Moscou pour tenter de convaincre la Russie d'abaisser sa production de 600 000 barils par jour (bj), soit plus que les 500 000 bj de baisse que lui proposait jusqu'ici le cartel. Mais alors que l'Arabie Saoudite, poids lourd du cartel, semblait jusqu'alors juger «impératif» qu'un consensus soit trouvé pour appliquer l'accord d'Alger, elle a jeté un froid ce week-end en avançant qu'une baisse de l'offre n'était pas obligatoire et que les prix du pétrole allaient se stabiliser même sans intervention du cartel. Y. D. DES EXPERTS S'EXPRIMENT «La proposition algérienne semblait l'hypothèse la plus probable» «La proposition algérienne de baisse de la production soumise à la réunion ministérielle de l'Opep avait de très grandes chances d'être adoptée», avons-nous appris de sources proches de la réunion. Une information confirmée également par l'APS. Retenue par le Haut-Comité d'experts de l'Opep, cette proposition algérienne porte sur une réduction d'environ 1,1 million de barils par jour à opérer par les pays de l'Opep. Peu avant l'ouverture de la réunion, le ministre de l'Energie, Nouredine Bouterfa, a déclaré à la presse que «nous sommes confiants». Francis Perrin, président de Stratégies et Politiques énergétiques, estime que la proposition algérienne semblait l'hypothèse la plus probable car les points de vue se sont rapprochés hier (mardi) et ce matin (mercredi matin) avant l'ouverture de la réunion de la conférence. Si un accord était conclu, cela permettrait de rééquilibrer le marché pétrolier mondial en 2017 alors que celui-ci est marqué par un excédent de l'offre sur la demande depuis 2014. «Tout n'est pas finalisé mais les choses se précisent, nous avait-il déclaré pendant que la réunion s'était ouverte. Le temps est compté cependant et il est dommage que l'Opep n'ait pas réussi à se mettre d'accord avant le jour J après deux mois de discussion depuis l'Accord d'Alger le 28 septembre.» Selon lui, ces incertitudes «ont fait baisser les prix du pétrole et font courir le risque d'un échec à Vienne même si je pense qu'un accord est plus probable». Enfin, il juge que la proposition algérienne était une demande à la fois ambitieuse et réaliste. «Cela réduirait l'offre pétrolière mondiale de 1,7 million de b/j, ce qui est significatif, et ramènerait la production de brut de l'Opep à 32,5 Mb/j environ.» Signer un accord n'est pas suffisant, il faut le mettre en œuvre et ce n'est pas la partie la moins difficile. Pour sa part, l'expert pétrolier Saïd Beghoul estime que ce qui compte, c'est l'après-réunion: quelle augmentation des prix et pour quelle durée. «Moi, je reste un peu sceptique quant à la durée car les pays Opep ne respectent jamais leur engagement. Aussi, depuis septembre, réunion d'Alger, les ministres des pays les plus touchés (Algérie, Venezuela...) ainsi que le secrétaire général de l'Opep, n'ont pas cessé de crier haut leur optimisme et ils ne peuvent que le faire davantage en pleine réunion. Ce n'est pas ça qu'on cherche. On cherche un bon prix pour une période raisonnablement longue car les schistes vont rebondir et faire tout écrouler. Si la réduction sera de 1,7 million b/j (1,1 m/b/j+0,6), c'est parfait. Tout le surplus (1,5 million b/j) sera épongé et le marché aura un gap de 200 000 b/j. Auquel cas, le prix monterait vers les 60 dollars mais progressivement. Pour le spécialiste du pétrole, le président du cabinet Emergy, la proposition algérienne était difficile à atteindre. «Ça me semble difficile à atteindre. Les Russes disent pour nous il s'agit d'une réduction entre 200 000 et 3 00 000 b/j, il faut savoir que la position russe est très difficile à anticiper, sachant que le Président Poutine dit oui tandis que son ministre du Pétrole affirme que son pays ne peut pas accepter cette réduction.» Ajoutez à cela le fait que des pays «comme le Mexique, l'Azerbaïdjan, le sultanat d'Oman et le Brésil ne se sentent pas concernés par toutes ces discussions». «Pour s'équilibrer, le marché a besoin d'une réduction d'au moins 1,2 à 1,5 million de barils par jour. Même si le marché tend à s'équilibrer d'ici la fin de l'année. Cependant, le fait que des pays de l'Opep se soient mis d'accord sur la réduction est un signal positif pour le marché», estime M. Preure. «En fait, le marché va essayer de décoder l'impact des rivalités Iran-Arabie Saoudite et la posture que peut prendre la Russie par rapport aux décisions de l'Opep, en ce sens que le marché intègre un certain nombre de paramètres. Il reste qu'il y a toujours une épée de Damoclès qui pèse sur l'Opep: elle a en face d'elle une offre flexible de la part des schistes américains. C'est-à-dire quand les prix du pétrole vont monter, la production des huiles de schiste US va elle aussi augmenter, sachant que ces derniers ajustent le marché pour confisquer à l'Opep le rôle de swing producer ou producteur résiduel», conclut M. Preure.