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Lettre de province
Elections : front commun et listes uniques chez les islamistes ?
Publié dans Le Soir d'Algérie le 07 - 01 - 2017


Par Boubakeur Hamidechi
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L'obédience islamiste est-elle en train de renouveler l'ensemble de sa stratégie après avoir connu un véritable éloignement du premier cercle du pouvoir ? Même s'il semble complexe d'analyser sa composante partisane à partir du seul rapport de proximité qu'elle entretient avec le régime, il n'en demeure pas moins qu'en l'état actuel de son activité politique, nous constatons que ce sont justement ses animateurs traditionnels qui s'expriment présentement. Il suffirait de croiser les déclarations des uns et des autres pour se convaincre que les chapelles islamistes ont d'ores et déjà trouvé des terrains d'entente en vue des prochaines élections tout en scrutant le contexte politique pour sceller leur fusion et donner naissance à un véritable bloc unitaire. C'est-à-dire une «koutla» semblable au FIS en terme de rayonnement dans les mosquées tout en demeurant légitimiste dans son rapport avec le système. C'est, par conséquent, le spectre de certains remakes électoraux (juin 1990 APC-APW et législatives de décembre 1992) qui pourrait bien laminer le pôle républicain avant même que la fraude habituelle organisée par le pouvoir ne fausse les futurs scrutins. Doit-on craindre que de confortables scores qu'ils pourraient réaliser disqualifieraient de fait la majorité actuelle obligeant le palais à rogner sur l'influence surfaite du FLN et du RND afin de replacer les islamistes.
La question taraudera sans doute les dirigeants de l'increvable binôme (FLN- RND) tout au long de la future campagne sans pour autant qu'ils puissent y opposer la moindre contre-attaque. C'est que nul ne peu s'aventurer dans les pronostics de l'abstention. En effet, elle est la grande inconnue qui pénalise la multitude des listes sans intérêts notables et qui permet au pôle islamiste de rafler des sièges. Sa capacité de mobilisation, voire la réactivité de ses réseaux le jour même du vote n'y seraient pas pour peu dans le succès. Installé dans la durée et présent aussi bien dans les mosquées qu'au sein de l'appareil d'Etat l'islamisme n'a en réalité jamais été combattu. En plus de son travail de conditionnement de la société, il bénéficie encore et toujours de la toile de son influence. Mieux encore, ses appareils composant son armature politique, ne sont-ils pas agréés désormais par la tentaculaire association maraboutique dont l'onction accordée au régime de Bouteflika fait fonction de garde-fou spirituel ? Qui mieux que les campagnes référendaires pour la «concorde» puis la «réconciliation» traduit ce deal ? Rappelons-nous les rapprochements tonitruants du pouvoir et des leaders islamistes en l'an 2000. Ceux qui avaient permis à Nahnahet Djaballah de monter en premières lignes pour plaider la cause des «soldats perdus» du GIA et de l'AIS. Et ce fut précisément au fondateur du Hamas, redevenu entre-temps MSP, qu'avait été dévolue la mission d'évoquer publiquement la possibilité d'une grande convention «algérianiste» ; un néo-djazarisme où seraient conviées toutes les factions de l'islamisme. A son tour, Djaballah viendra à la rescousse du projet en précisant sémantiquement le sens de la démarche pourtant inspirée par le sommet du pouvoir. Et ce fut lui qui insista sur le fait «qu'il ne pourrait y avoir de réelles possibilités de concrétisation de l'idée sans la présence, tout au moins, individuelle des ex-militants du FIS». Coup de froid dans l'entourage du Président et notamment au sein des appareils les plus proches (FLN et RND). La formule alors capote, non pas parce qu'il était exclu d'associer la nomenklatura du FIS au grand dessein du Président, mais parce qu'elle était tout simplement prématurée au moment où le projet de la loi sur la réconciliation était en gestion avancée. Ne désirant guère fournir le moindre prétexte aux courants «éradicateurs», Bouteflika balaya promptement la proposition afin que la paix qu'il allait acter n'apparaisse pas comme une désolante capitulation de l'Etat.
Même si avec le recul, Bouteflika apparut sous les traits d'un redoutable tacticien, ses atouts de grand joueur d'échec ne sont pourtant pas parvenus à dévitaliser définitivement l'islamisme. Or, le constat de l'échec que l'on a tendance à lui imputer est étonnamment inexact. Car, même s'il n'est pas foncièrement un traditionaliste obtus, il n'en demeure pas moins un pragmatique qui se méfie de la «chirurgie» révolutionnaire. Pour lui, si l'islamisme relève d'abord de la sphère cultuelle, il peut également trouver sa place et son rôle dans l'encadrement de la société. Ce que le cynisme politique qualifie de «béquilles» éthiques des gouvernements sur lesquelles il n'a eu de cesse de s'appuyer depuis son arrivée au pouvoir. Bon an, mal an, il bonifiera ou placardera les courants islamistes selon ses objectifs du moment, au point qu'ils connurent une phase de déclin après leur épanouissement entre 2001 et 2005. Or, parmi tous les leaders, c'est Djaballah qui illustre le mieux le mouvement en «yo-yo» du fondamentalisme algérien. Une trajectoire qui commencera par la prédication entre Skikda et Constantine avant d'accéder à l'original statut d'imprécateur politique. A lui seul, ce fondateur d'Ennahda puis d'El Islah est parvenu à catalyser l'intérêt. Le fait même qu'il fut en mesure de réussir un come-back en juillet 2011 en annonçant la création d'un 3e parti baptisé FJD (Front pour la justice et le développement) suscita tout de même certaines curiosités interrogatives. C'est que ce paria, traqué sans cesse et dépouillé par deux fois, ne pouvait réussir ce magistral retour en politique sans un «ticket de sortie» en bonne et due forme délivré par le pouvoir. Celui qui, actuellement, multiplie les contacts pour promouvoir l'idée de listes communes selon les circonscriptions où la popularité des militants candidats est favorable à l'un ou l'autre parti montre bien que l'objectif à terme serait de ressusciter un «frontisme» à part entière pour faire pièce à l'archaïsme du FLN, mais pas seulement. Car, ce Djaballah qui s'est doté avant toutes les autres devantures d'un acronyme portant la lettre «F», synonyme de front, ne souhaite pas rejouer les mauvais scénarios du FIS. Il vise justement à séculariser purement et simplement l'idéologie de son courant afin de désarmer les polémiques et lever les suspicions puis de postuler aux responsabilités nationales sans a priori. Globalement, les différents acteurs de la mouvance partagent cette forme de toilettage de l'image de l'obédience, telle qu'en elle-même, et dans le même temps se donnent pour objectifs de fusionner. En se mettant en perspective de la sorte, les islamistes ne marquent aucune défiance au pouvoir. Bien au contraire, tous les discours laissent croire qu'ils saluent le fameux credo de la «transition pacifique» dont le palais se drape depuis des années jusqu'à ressembler à une «Arlésienne». Mais que leur importe le temps qu'il faut à ce pays pour que ce changement s'opère pourvu qu'ils demeurent toujours dans les wagons de l'Etat ? En somme, seuls les islamistes font preuve de réalisme cynique en faisant clairement des offres de services au pouvoir au moment où, dans la nébuleuse composée de sigles imprononçables, parce que peu évocateurs, l'on multiplie les arguments fallacieux afin de camoufler une pitoyable reddition en contrepartie de quelques faux maroquins.


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