Depuis que les Quinze de l'Union europ�enne (moins la Hollande) et les douze pays du pourtour m�diterran�en se sont r�unis � Barcelone en d�cembre 1995 beaucoup d'eau a coul� sous les ponts de l'espace euro-m�diterran�en envisag� sous le signe initial d'" espace commun de paix et de s�curit� ". L'�tablissement progressif d'une zone de libre-�change entre les pays de la rive sud de la M�diterran�e et l'Union europ�enne, vers 2010, a pris beaucoup de retard. Le ministre des Affaires �trang�res, M. Abdelaziz Belkhadem, reconna�t que �l'Alg�rie a perdu beaucoup de temps par rapport aux pays voisins�. Pour les pays d�j� signataires, les proc�dures de ratification prennent g�n�ralement quatre ans. Pour nous, cela a pris dix ans. Depuis Barcelone en d�cembre 1995, il a fallu attendre 2001 pour que l'accord soit sign� � Bruxelles, le 22 avril 2002 pour qu'il soit ratifi� � Valence et le 14 mars 2005 pour que l'APN l'ent�rine. Les p�riodes de transition pr�vues pour la mise � niveau des �conomies m�diterran�ennes sont de douze ans. L'Alg�rie dispose ainsi jusqu'� 2017 pour esp�rer entrer de plain-pied dans le d�mant�lement douanier et tarifaire pr�conis�. D'ici l�, elle est condamn�e � acc�l�rer la mise � niveau de son outil �conomique. Ce qui est loin d'�tre une mince affaire. Les avis convergent pour soutenir qu'� moins d'un miracle, elle ne sera pas au rendez-vous. On est plus optimiste pour la Tunisie qui, de l'avis g�n�ral, peut esp�rer �tre pr�te d'ici 2010. Le processus en cours consacre avant tout la volont� europ�enne d'adopter une approche globale sur la M�diterran�e. Jusque-l�, elle s'�tait heurt�e aux diff�rends politiques intra-m�diterran�ens : les accords et l'aide �taient n�goci�s au cas par cas, pays par pays. L'int�gration �conomique entre les deux rives ne date pas d'hier. Elle a progress� sur la base des premiers accords post-coloniaux � partir des ann�es 1960 par la mise en place de pr�f�rences commerciales qui ont substantiellement ouvert le march� europ�en aux produits industriels m�diterran�ens. Un param�tre de mesure permet de le confirmer : le taux d'ouverture des pays de la zone m�diterran�enne, c'est-�-dire la somme des exportations et des importations divis�es par deux et rapport�es au PIB. Ce taux s‘'est notablement �largi en vingt ans en passant de 13,2 % en 1970 � 18,7 % en 1993, avec toutefois des disparit�s d'un pays � l'autre. Il y a d'abord les bons vieux �l�ves de l'Europe : c'est le cas de la Turquie, du Maroc et de la Tunisie, qui ont totalement modifi� la structure de leurs exportations vers l'Union europ�enne en orientant leur �conomie vers l'exportation, notamment dans le secteur textile. La Tunisie, mod�le de r�ussite d'une �conomie de petite taille qui r�alise l'essentiel de ses �changes avec l'Union europ�enne, a �t� la premi�re � signer un nouvel accord d'association avec l'Europe. Elle sera sans doute le pays qui subira le plus fort impact macro-�conomique du libre-�change. La part des biens de consommation dans les exportations (� destination de l'UE) est pass�e, en vingt ans, de 15 % au Maroc et en Tunisie et 2 % en Turquie � plus de 50 %. Ils ont ainsi am�lior� leur insertion internationale gr�ce � une promotion des exportations. Les deux pays voisins ont ainsi accru leurs exportations manufacturi�res dans des proportions qui ont largement ins�r� leurs �conomies dans les �changes avec l'Europe. Mais ils ne sont pas assur�s de s'y maintenir face � la �d�ferlante chinoise� qu'on observe sous la couverture multilat�rale de l'OMC. Il y a enfin les r�calcitrants, comme l'Alg�rie et l'Egypte, dont les �conomies renti�res n'ont pas r�ussi leur diversification. Ici, les pr�f�rences commerciales ont eu un impact beaucoup plus faible : l'Alg�rie est ainsi rest�e dans une logique de rente, en conservant une sp�cialisation bas�e sur les hydrocarbures. Pour les �conomies m�diterran�ennes, le libre-�change est un pari d'autant plus important que l'Union europ�enne est leur principal partenaire commercial. Elles r�alisent aujourd'hui la moiti� de leurs �changes avec elle. Le Maghreb est astreint � des liens de d�pendance encore plus marqu�s : l'Alg�rie et le Maroc commercent � plus de 65 % avec l'Europe, la Tunisie � 76 %. A l'inverse, la zone m�diterran�enne repr�sente une faible part du commerce ext�rieur de l'UE (5,8 % des importations et 8,6 % des exportations en 1993). Le pourtour m�diterran�en constitue la zone avec laquelle l'UE obtient son plus fort exc�dent commercial (18 milliards de dollars en 1993). A court terme, l'ouverture des fronti�res provoquera deux effets m�caniques, l'un �conomique, l'autre politique. Au plan commercial, la hausse des importations aggravera fortement le d�ficit commercial. Jusqu'� pr�sent les pays de la rive sud b�n�ficiaient de pr�f�rences commerciales sur le march� europ�en, mais demeuraient fortement prot�g�s. D�sormais, ils devront affronter la concurrence des produits industriels europ�ens en leur ouvrant leurs march�s � partir de 2010. De plus, la suppression de droits de douane va consid�rablement r�duire les recettes de l'administration, ce qui la contraindra � moderniser radicalement ses syst�mes fiscaux, notamment l'imposition des revenus. Dans le cas alg�rien, le d�mant�lement tarifaire se traduira par des pertes de recouvrement de droits et taxes estim�es � 1,5 – 2% du PIB � l'horizon 2018. Il faut savoir que les recettes douani�res repr�sentent aujourd'hui 28 % du produit fiscal. Les pays m�diterran�ens doivent aussi moderniser leurs soci�t�s et notamment le r�le des pouvoirs publics. En d�pit des r�formes �conomiques sans cesse proclam�es, le poids de l'Etat reste souvent important et surtout arbitraire. Cela cr�e un climat peu favorable � l'investissement, aussi bien interne qu'externe. Les pays m�diterran�ens, cloisonn�s en march�s nationaux exigus, s'av�rent peu attractifs pour les investisseurs : ils ne drainent que 5 % des investissements directs � l'�tranger dans les pays �mergents. Pour que le lib�ralisme �conomique produise tous ses effets, il reste donc � lui associer une lib�ralisation des relations euro-m�diterran�ennes et un pr�cieux verrou s�curitaire contre les menaces �islamiste� et migratoire qui hantent la rive nord. Dans ce jeu, comme au bon vieux temps, la politique de la carotte est naturellement primordiale : la Commission a ainsi propos� la cr�ation progressive d'une zone de libre-�change assortie d'un triplement du volume de son aide qui reste toutefois relativement faible (4,7 milliards d'�cus). �L'ajustement progressif � requis par l'article 42 de l'accord pr�voit qu'� la fin de la cinqui�me ann�e aucune �discrimination� ne persistera dans l'approvisionnement et la commercialisation des marchandises. Et non des ressortissants. Comme quoi, la Corr�ze passe toujours avant Lamb�ze.