Il est 13h30, en ce mercredi 28 d�cembre. Dans le hall de l�a�roport Houari-Boumediene (vols int�rieurs) les marathoniens �trangers entour�s de leurs sacs � dos, valises et autres bagages attendent l�annonce du d�part � destination de Gharda�a. M. Rezkane Madjid, initiateur et organisateur de la manifestation, prodigue les derni�res consignes avant l�embarquement. Parmi la foule compacte un couple sexag�naire, le sourire aux l�vres � il ne les quittera d�ailleurs pas durant tout le s�jour �, observent les lieux. Ils sont belges et viennent de Li�ge. C�est la premi�re fois qu�ils foulent le sol alg�rien. Eux marcheront, ils ne courront pas. En fait, le marathon n�est qu�un pr�texte � leur �vasion. La d�couverte de nouvelles cultures, de nouveaux sites, c�est cela leur bonheur. Ils ne seront pas d��us puisqu�ils comptent y revenir. �Cinq jours c�est court�, nous dira Lisette Pr�gardi�re ravie de son voyage. 16h30. L�avion d�Air Alg�rie atterrit sur le tarmac de l�a�roport de Gharda�a. Ne d�rogeant pas aux r�gles de l�hospitalit�, les Mozabites ont fait honneur � leurs h�tes. Une troupe locale de zorna a accueilli ses visiteurs � coups de baroud. De d�licieuses dattes mielleuses accompagn�es de lait rafra�chissant ont fait la joie des �trangers et des nationaux. Les participants guid�s par de parfaits organisateurs originaires du M�zab rejoignent les bus menant � Zelfana, distante de la ville de Gharda�a de 65 km. C�est dans cette commune r�put�e pour les bienfaits de ses eaux thermales que sera donn� le coup d�envoi de cette comp�tition. Le centre de cure et de repos des travailleurs des P et T, mis � la disposition des marathoniens par le maire de la ville, sera baptis� pour la circonstance �Le village du marathon�. C�est l� que sera h�berg�e et restaur�e la majorit� des coureurs. Quant aux journalistes �trangers et nationaux, ils logeront � l�auberge de jeunesse qu�ils inaugureront d�ailleurs : un petit bijou. Les marathoniens devront avaler 42 km en trois �tapes diff�rentes de 14 km chacune, en trois jours : Zelfana, El-Atteuf, Bounoura. Dans la cat�gorie de 18/39 ans, la Palme d�or a �t� attribu�e, � Abed Boualem, 34 ans, un �l�ment de la Protection civile suivi de deux autres du m�me corps. Dans la cat�gorie des v�t�rans de plus de 60 ans Arbi Ghazi, originaire de B�char, a �pat� plus d�un. Il franchira la ligne rubiconde parmi les 30 premiers et en t�te de sa cat�gorie, presque sans essoufflement. Arbi, apr�s avoir �t� un bon sportif a d� abandonner son activit� durant 10 ann�es pour cause de maladie. Il reprendra la course apr�s que Morsli lui est apparu dans le r�ve en 1995, �voque-t-il : �J�ai couru pour la paix suite � l�assassinat par les terroristes � Gdyel de Djamel Zaher. Ensuite, j�ai continu� en 2001, 2002, 2003 et 2004 � Djanet puis � Taghit. J�ai �galement particip� au super-marathon du tour du pays de Caen en France o� j�ai parcouru 39 km. Ma derni�re comp�tition date d�ao�t 2005 � Saint-S�bastien (Espagne) o� j��tais le seul Alg�rien, mieux, le seul Africain.� S�lectionn� par la F�d�ration des v�t�rans, il compte participer en mars prochain au Championnat du monde qui se d�roulera en Autriche. T�m�raire, cet athl�te au corps souple et mince n�a rien � envier aux plus jeunes, d�j� bedonnants qui n�ont pas pu le suivre dans son �lan. Il a fait le d�placement seul par route � partir d�Oran. L�organisateur du marathon lui fera une faveur, celle de ne pas payer les 14 000 DA de frais de participation. il rentrera chez lui, fier de son classement en emportant dans son bagage sa coupe et sa r�compense, une modeste somme de 4 000 DA. Notre v�t�ran s�est toujours pris en charge et n�a jamais b�n�fici� d�aide de quelque autorit� que ce soit. Cette fois, il esp�re cette aide qu�il n�a jamais demand�e : �Je souhaiterais vivement participer au championnat d�Autriche, cela me tient � c�ur, mais c�est surtout pour faire honneur au drapeau alg�rien.� Pour bon nombre d��trangers, Madjid Rezkane n�est plus � pr�senter, beaucoup l�ont d�j� suivi dans l�oasis Rouge � Timimoun, ils y ont pris go�t, et pour cette 6e �dition, ils d�couvrent Gharda�a, la ville du M�zab. Pour d�autres �Abdel�, comme ils l�appellent, ils le suivent pour la premi�re fois en Alg�rie. Lisette et son �poux Willy Pr�gardi�re, Gharda�a ils la d�couvrent. Ils ne regrettent pas le d�placement, fascin�s par l�accueil chaleureux qui leur a �t� r�serv�. Douce, souriante, expressive, cette sexag�naire adore le contact avec le genre humain, issu d�un autre peuple que le sien. Communiquer, c�est son dada, d�ailleurs elle nous parle souvent de son ami du Burkina Faso, qui a l��ge de son fils et qu�elle affectionne. �Courir, ce n�est pas le but, ne cessera-t-elle de r�p�ter, c�est la rencontre de l�autre, la d�couverte de la diff�rence, qui est le plus enrichissant. C�est en se rapprochant des gens, en les c�toyant que nous forgeons nos propres id�es. Nous sommes �pat�s mon �poux et moi par votre hospitalit�, votre accueil et la beaut� pittoresque des lieux.� En effet, la ville sainte de B�ni-Izgu�ne l�a subjugu�e. �Le Kseur Tabilelte Tadjedjedte, cette cit� de 753 logements sociaux participatifs (LSP) a laiss� en adoration tous les visiteurs. Une cit�e ferm�e comme le veut la tradition mozabite tout en �tant ouverte � ses h�tes. Ses habitations construits avec des mat�riaux locaux, de la pierre, de la terre et bien s�r du b�ton discret, l� o� il faut, ont conserv� leur cachet architectural traditionnel. C�est en fait une r�plique de l�ancienne ville de Beni-Izgu�ne. Des ruelles �troites et propres, des maisons peu hautes, orn�es de petites lucarnes permettant � l�habitant d�observer ce qui se passe dans sa cit�e sans �tre vu par le visiteur. Les portes sont closes et les femmes sont les gardiennes de la maison. La cit� flambant neuve a �t� b�tie en 1998, inaugur�e en 2004 par le pr�sident de la R�publique. Elle aura co�t� 500 000 DA � chacun de ses propri�taires, somme payable en plusieurs tranches. Pour immortaliser cette visite, les invit�s des lieux munis de leurs cam�ras ou de leurs appareils photo s�en donnent � c�ur joie. Perch�s sur les terrasses des maisons, la cit� surplombe le �Vieux B�ni- Izgu�ne�. La vue imprenable laisse pantois l�observateur. On ne peut quitter B�ni-Izgu�ne sans effectuer une halte � son march� aux ench�res et assister � la vente � la cri�e de tapis et objets anciens. Cette premi�re vir�e touristique fut un r�gal pour tous. L�exploration ne s�arr�tera pas l�, puisque � l�occasion de la seconde �tape du marathon, c�est la ville d�El Atteuf qui a f�t� son mill�naire qui fascinera les groupes. Ces derniers n�oublieront pas de sit�t le go�teux couscous offert par le maire de cette ville qui, avec son staff, n�a rien laiss� au hasard et a veill� � ce que l�organisation de ce d�jeuner soit sans faille. Ils se souviendront aussi, et pendant longtemps, de la beaut� de la palmeraie o� un athl�te de chaque nationalit� a plant� son arbre. (�a se bousculait au portillon !) Une �tendue florissante � perte de vue qui a troqu� son sable contre des plantations d�arbres fruitiers et de l�gumes. Les vaches se faisaient un plaisir de brouter une herbe verte et fra�che sous un soleil radieux. Lisette ne cesse de s��merveiller : �Les gens sont si gentils, les sites si beaux, cela valait vraiment le d�tour.� Willy son mari, bien que r�serv�, ne pouvait s�emp�cher de la suivre dans son �merveillement : �On est tellement bien ici, et ce que l�on voit est tellement diff�rent de tout ce que l�on a pu entendre chez nous !� C�est dans une ambiance festive que s�annoncent les soir�es au �Village du marathon�. Relax�s, repos�s apr�s un bain chaud, dans les irr�sistibles thermes de Zelfana, des petits groupes, constitu�s selon affinit�s, se dirigent vers les tentes dress�es pour l��v�nement. Les discussions � b�tons rompus vont bon train autour d�un th� fumant pr�par� instantan�ment tous les soirs par des mains de profs. Des cacahuettes locales, douces et croustillantes accompagnent le breuvage concoct� sur un feu de braise qui r�chauffe les nuits glaciales de Zelfana. Il suffit de lever les yeux pour tomber sous le charme d�un ciel constell�e de mille �toiles. Sous des airs de musique targuie chaouie, ou ra�, certains entra�n�s par les rythmes ne peuvent s�emp�cher d�ex�cuter des pas de danse. Les �trangers novices en la mati�re provoquent l�hilarit� des �spectateurs� qui les acclament quand m�me. William, qui a f�t� son demi-si�cle le 30 d�cembre a eu droit apr�s d�ner � un �joyeux anniversaire� au m�me titre que Rezkane (qui, lui, a pr�f�r� taire son �ge�. William sera la coqueluche de cette manifestation. Ce bout-en-train aux yeux d�un bleu d�azur, p�tillants de vie vient d�Italie. Il a boucl� son 601e marathon. Petit mais robuste, il a parcouru les cinq continents et visit� 72 pays. L�Alg�rie, il la d�couvre. Maniant avec difficult� la langue fran�aise, c�est avec un langage gestuelle qu�il communique et se retrouve souvent au centre des d�bats. Les soir�es sont sans conteste les moments forts de la journ�e. Nationaux et �trangers se retrouvent dans la gaiet� pour faire plus ample connaissance, des liens d�amiti� se tissent et l�on appr�hende le moment du retour. Lisette est combl�e mais reste sur sa faim. Le Grand Sud, le Tassili, le Hoggar, la mer, les montagnes, on les lui a tellement bien d�crit qu�elle a fait la promesse de les visiter. La derni�re halte avant le d�part vers Alger fut r�serv�e aux achats souvenirs aussi le march� de Gharda�a fut pris d�assaut par les touristes au grand bonheur des commer�ants qui appr�cient la reprise du tourisme. Tapis, dattes, babouches, ch�ches et autres objets, chacun emportera dans sa valise des pr�sents qui immortaliseront leur passage � Gharda�a. Lisette et Willy ont d�j� pris rendez-vous en �t� pour un plus long s�jour afin de mieux appr�cier leur voyage. Aujourd�hui, ils voient l�Alg�rie avec leurs yeux. Ils se sont fait leur propre opinion en se d�barrassant des id�es pr�con�ues et des a priori. �L�Alg�rie, c�est sur Internet, � travers les journaux locaux, que je suivais ses �v�nements, Le Soir d�Alg�rie, Libert�, El Khabar, je les lisais. A pr�sent, je suis contente car je suis arriv�e � mettre un visage sur un nom, et cela change tout.� Le retour fut l�instant le plus triste. Arriv�s � l�a�roport d�Alger, les mines sont tristonnettes et les sourires sont moins pr�sents. La gorge nou�e, les yeux embu�s, on s�embrasse, on se congratule, on ne se dit pas adieu, mais au revoir. Pour beaucoup, le rendez-vous est pris pour le prochain marathon, pour d�autres, 12 mois c�est long ! �Nous reviendrons en �t�, nous dira Lisette, c�est promis.� Son �poux acquiesce avec un sourire plein de tristesse. Leur avion � destination de Paris les attend.