Ceux qui n'ont pas mis � profit l'�t� pour pr�parer le Ramadhan en seront pour leurs frais. Et ces derniers sont �lev�s � voir les prix des denr�es alimentaires. Les commer�ants pourront toujours invoquer les lois du march� qui supplantent aux �tals les inqui�tudes spirituelles. Ces ph�nom�nes n'�meuvent plus outre mesure, tant ils sont devenus coutumiers. Ce serait plut�t leur disparition qui poserait probl�me. La tradition ne se contourne pas aussi facilement que la r�glementation fiscale. Ceci dit, pr�par� ou non notre Ramadhan 2006 s'annonce des plus sereins puisque les sujets qui f�chent ne semblent pas devoir �tre invit�s. A propose de sujets qui f�chent, je dois pr�ciser � quelques irascibles lecteurs de mes amis, et du reste, que je n'�cris pas pour leur empoisonner la vie. Je ne mets pas en �vidence des opinions minoritaires pour le simple plaisir d'essuyer leurs critiques, voire leurs anath�mes. En fait, je cite souvent des auteurs qui restent marginaux au sein de la Grande "Ouma", unie derri�re la banni�re de la foi une et indivisible. Je pars du principe que si les minorit�s ne participent pas � la conqu�te du monde, elles le font, du moins, avancer. Il faut donc porter sinon r�pandre la parole des intellectuels qui professent un point de vue minoritaire au sein de leur soci�t�. Ceci tendrait � montrer que ladite soci�t� est tol�rante et a le souci de respecter la libert� d'opinion. C'est bon pour l'image de marque et �a emp�che les d�fenseurs des droits de l'homme de nous assimiler � un canton du Darfour. Et puis, les �mules de Muawiya qui sont aux affaires peuvent vous l'expliquer mieux que moi : comment d�masquer un opposant intellectuel minoritaire si vous le censurez ? Halte � la censure donc au nom de salut de la communaut� et de l'immuable tranquillit� de ses �lites dirigeantes ! C'est dans cet esprit que nos soci�t�s g�n�rent de fins limiers � dessein de relever toutes les pistes non conformes � celles de la meute officielle. Gr�ce aux m�dias, prompts � rapporter toutes atteintes � la parfaite image, nous pouvons communier dans la col�re et l'indignation. Sans les m�dias qui ont d�mont� � temps les m�canismes du dernier complot papal, nous serions rest�s dans l'ignorance des pens�es dissimul�es du pape Beno�t XVI. Cependant, nous disent nos guides de montagnes spirituelles, il faut surtout d�busquer les adversaires les plus dangereux de nos certitudes : ceux qui vivent parmi nous ou se r�clament de nous. Un de nos redoutables chasseurs de m�cr�ants et d'apostats a r�ussi un exploit � la veille du Ramadhan : lire jusqu'au bout le dernier roman de l'�crivain alg�rien Anouar Benmalek, O Maria. Pourquoi ? Dans le seul but d'y r�colter des phrases, des dialogues, des mots qui, livr�s p�le-m�le, tendraient � faire passer l'auteur pour un nouveau Salman Rushdie. Le r�sultat de ces investigations litt�raires a paru jeudi dernier � la Une du quotidien Al-Khabar. Il ressort de ce rapport inquisitorial que Anouar Benmalek aurait bafou� l'Islam sur plusieurs pages de son roman. Pour bien corser ce r�quisitoire aux desseins homicides, le procureur de l'Index y a ajout� le d�tail de trop : Anouar Benmalek est n� � Casablanca, au Maroc. Ce qui sugg�re, amis et ennemis lecteurs, que cet �crivain reconnu et au talent ind�niable, n'est pas totalement alg�rien. Voil� qui d�note, avec le m�pris pour nos voisins, un chauvinisme �troit que l'on ne rencontre plus que chez les mortellement patriotes born�s. Je sais que je ne suis pas dans mon cr�neau habituel en �voquant cet acte d'intimidation � l'encontre de notre �crivain mais il fallait que ce soit dit. Et comme nous parlons du Maroc, je ne laisserai pas passer l'occasion de vous parler des derni�res frasques de Karadhaoui chez nos voisins de l'ouest. Voici les faits : la semaine derni�re, le journal de la mouvance islamiste marocaine a publi� une fetwa du mufti du Qatar et des provinces futures du califat. Karadhaoui qui n'est pas plus marocain que Benmalek a empi�t� sur le domaine r�serv� du Commandeur des croyants et insult� le royaume. La fetwa autorise, en effet, les Marocains � contracter des taux avec int�r�ts pour acheter leurs logements. Karadhaoui se base sur le fait qu'il a d�j� autoris� les Marocains vivant en Europe � en faire de m�me. Ce qui revient � dire que les Marocains vivant au Maroc sont �trangers chez eux et que le Maroc n'est pas un Etat musulman stricto sensu. Autrement dit, le Maroc est assimil� � un pays europ�en et ses lois ne sont pas conformes � l'Islam. Toll� chez les autorit�s religieuses du pays qui consid�rent que le cheikh qatari leur fait le coup du m�pris. Non content de venir plastronner au Maroc l'�t� dernier et de donner des conseils, Karadhaoui se m�le de l�gif�rer en leur lieu et place. Selon le quotidien kowe�tien Al-Ra�, m�me les officiels marocains auraient �t� offusqu�s par l'attitude de Karadhaoui. Un haut fonctionnaire du minist�re des Affaires religieuses local a affirm� que le th�ologien qatari "n'avait pas le droit de parler au nom de l'Islam". De telles fetwas, a-t-il ajout�, d�truisent au lieu de construire et divisent au lieu d'unir" et Karadhaoui s'est plac� "au-dessus de la commanderie des croyants". R�agissant � l'article, un lecteur marocain a lanc� : "Pourquoi Youssef Karadhaoui ne se proclame-t-il pas khalife du Proph�te Mohammed sur cette nation qui a le malheur d'�tre accabl�e par un tel ramassis d'imposteurs et d'hypocrites ?" En fait, ce qui d�range le plus les autorit�s marocaines, ce sont les relations que Karadhaoui entretient avec la mouvance int�griste marocaine. Le mois dernier, celle-ci a organis� une grande messe en son honneur � Mekn�s. Et tout ce que le Maroc comptait de barbus et de "niqabs" a afflu� vers la cit� rivale de F�s. Outre son discours sur le juste milieu qu'il entend faire partager aux musulmans, Karadhaoui a donn� sa b�n�diction � la chanson religieuse. Recevant une jeune chanteuse palestinienne, Maissa Chelch. Celle-ci chante des textes religieux en s'accompagnant � l'orgue, un instrument tr�s islamique comme chacun sait. Apr�s l'avoir �cout�e, en m�me temps que l'assistance �bahie, il l'a autoris�e � chanter devant les hommes et � �diter des cassettes. Il a pr�cis� toutefois que sa b�n�diction ne couvrait que le seul secteur de la "chanson engag�e". Ce qui exclut de fait toutes les autres chanteuses et les expose � la col�re divine, selon Karadhaoui. Aux derni�res nouvelles, enfin, le cheikh qatari n'a pas eu beaucoup de succ�s avec son appel � une journ�e de col�re contre le pape vendredi dernier. Mis � part l'ex�cution en Indon�sie de citoyens chr�tiens, condamn�s auparavant pour apologie de la violence, il n'y a pas eu d'embrasement. Echec � Karadhaoui et �chec aussi � ceux qui voulaient envoyer en prison la romanci�re turque, Elif Safak. Un tribunal l'a acquitt�e la semaine derni�re du crime de d�nonciation du g�nocide arm�nien. Elif Safak est minoritaire mais elle vit dans un pays contraint � la d�mocratie pour cause de d�sir d'appartenir � l'Europe. Les Turcs sont peut-�tre de bons musulmans mais ils sont loin d'�tre fous.