Une autre fois, des suspicions p�sent sur un proc�s. La justice est en effet suspect�e dans le dossier sur le s�isme de Boumerd�s de connivence avec le pouvoir politique. La preuve, l�acharnement � juger co�te que co�te une poign�e de responsables et entrepreneurs activant dans le secteur de l�habitat et l�urbanisme de la wilaya de Boumerd�s. En d�pit de la mise en garde du premier juge d�instruction qui a longuement argument� par deux fois de suite son ordonnance et une troisi�me fois rendu une ordonnance le non-lieu, le procureur g�n�ral de la cour de Boumerd�s a par trois fois fait pression sur la chambre d�accusation de ladite cour pour maintenir le dossier en accusation. Il a �t� confi� � un autre juge d�instruction, plus compr�hensif, dit-on, en catimini. Le premier a �t� mut� � A�n-Defla, probablement par mesure disciplinaire. Par ailleurs, selon nos informations, la chancellerie en a �t� r�guli�rement tenue inform�e depuis le d�but de l�enqu�te judiciaire. Ce qui suppose que la pr�sidence de la R�publique l��tait �galement. Donc l�implication politique n�est pas �trang�re � cet acharnement. Il semblerait par ailleurs, d�apr�s ma�tre Miloud Brahimi, que notre pays et sa justice ont trouv� une mode pour s�occuper. Tenir de longs proc�s (Khalifa, BCIA,..) pour faire oublier les probl�mes aux populations. D�aucuns, les victimes plus encore, pensaient que le proc�s mettrait en accusation une partie du syst�me politicofinancier qui r�gente le secteur de la construction et dont la sinistre r�putation n�est un secret pour personne tant la fraude et la corruption l�ont gangren�. Il n�en fut point. Il �tait totalement l�gitime pour les victimes en particulier et les populations touch�es par la catastrophe en g�n�ral de conna�tre les causes de leurs malheurs d�un certain mercredi 21 mai 2003. Les vrais responsables n�ont pas �t� inqui�t�s, disent tous les d�fenseurs des accus�s. Dans cette affaire ; finalement, la justice ne s�en �tait pas sortie grandie. L�objectif �labor� dans les hautes sph�res du pouvoir pour faire du sacrifice des 38 accus�s comme exemple et pour servir de troph�e qu�on voulait exhiber comme gage de bonne gouvernance dans le pays a �t� rat�. La partition �tait de mauvais go�t. Dommage pour les deux brillants magistrats que sont le pr�sident Benabdellah Redouane et le procureur Belhadj Abdelaziz surtout, le pr�sident qui, c�est tout le monde qui en convient, �tait � la hauteur et � aucun moment de ce long proc�s, il n�a ni fl�chi ni laiss� la justice perdre totalement la face. C�est tout � leur honneur. �Ce sont de tr�s bons magistrats qui travaillent dans un mauvais syst�me�, nous soufflait un avocat. Certes, parmi le groupe jug� quelques individus m�ritent probablement d�aller en prison pour avoir s�vi durant des d�cennies en toute impunit�. Force cependant est de constater que le r�sultat est maigre. La justice de Boumerd�s dont on attendait �norm�ment n�a pas fait le proc�s du syst�me de corruption qui gangr�ne le secteur de la construction. Pourtant, elle a �t� mise en garde. Effectivement, le courage du premier juge d�instruction, parce que d�s le d�part, en 2003, les d�s �taient pip�s. Au lieu de d�baller publiquement ce que tout le monde savait sur ce secteur, on a tent� de prot�ger l�administration et ne pas l�impliquer de la mauvaise gestion de ce secteur. Chemin faisant, on a tent� de r�cup�rer ce proc�s. Les responsabilit�s de l�administration dans la catastrophe occult�es Il y a eu certainement des fautes graves commises par quelques-uns des accus�s, mais sont-ils les seuls responsables de la catastrophe du 21 mai 2003 ? Certainement pas. L�administration qui a pour obligation d��dicter la r�glemention dans le secteur et surtout de la faire respecter est montr�e du doigt dans ce dossier. Remontons quelque peu le temps. Lors d�un s�minaire national qu�avaient organis� conjointement le minist�re de l�Habitat et l�Urbanisme et la Banque mondiale (BM), les 21 et 22 septembre 2002, paradoxalement, � Boumerd�s, le d�partement de M. Hamimid avait pr�sent�, en 34 points, un �tat des lieux et quelques recommandations sur la politique nationale du logement, toutes formules assimil�es. Social, LSP, location vente,� Il �tait question de la ma�trise, par exemple du co�t du m�tre carr� du logement social qui �tait de 15 000 DA le m2, de l�affectation gratuite des terrains par les wilayas et de la r�duction des d�lais de r�alisation �dans le domaine du logement, le programme du gouvernement est ax� essentiellement sur le d�veloppement de l�offre de logements�, pouvait-on lire dans ce document. C�est la gestion politique synonyme d�anarchie, comme l�a laiss� entendre ma�tre Bourayou dans sa plaidoirie dans ce proc�s. Pour en revenir � ce s�minaire, en cours de discussion en apart� avec un expert de la Banque mondiale, qui a diagnostiqu� le secteur dans plusieurs pays, avait fini par nous confier : �Votre pays n�a pas de politique du logement. Il n�a pas de stock de terrains constructibles ou viabilis�s. Le gouvernement se contente de subventionner des entreprises boiteuses.� 7 mois apr�s, survient la catastrophe. A la fin de ce s�minaire, sous l�injonction des experts de la BM qui avait pilot� cette rencontre, 15 recommandations s�v�res ont �t� adopt�es. Le minist�re que g�rait M. Mohamed- Nadir Hamimid devait appliquer ces recommandations et par l� m�me les rendre publiques. Ces dispositions insistaient sur le volet foncier. On le sait, les mauvais choix des terrains de construction des logements ravag�s par le s�isme sont l�un des principaux arguments de l�accusation. Par ailleurs, lourdement impliqu�e, par la d�fense, aux motifs que l�administration s�est �rig�e en victime pour envoyer ses propres experts sur des sites qu�elle avait s�lectionn�s en vue de collecter en un laps de temps court des indices ayant servi de preuves contre les 38 accus�s. O� est donc la responsabilit� de la DUC (Direction de l�urbanisme et de la construction) qui a la charge d��laborer les PDAU (plans directeurs de l�urbanisme et de l�am�nagement) des communes, les POS (plans d�occupation des sols) et des permis de lotir ? C�est cette direction qui est �galement responsable de la d�livrance des permis de construire lesquels sont �tablis, selon la r�glementation en vigueur, � partir des documents techniques concernant les projets. Une source proche du pr�toire nous a fait part du d�p�t de plainte contre M. Mohamed-Nadir Hamimid, l�ancien ministre de l�Habitat et de l�Urbanisme par des victimes du tremblement de terre du 21 mai 2003. Pour l�heure, nous n�avons pas eu confirmation de cette d�marche. Effectivement, ce minist�re tout le long de ce proc�s a �t� montr� du doigt par les accus�s et leurs d�fenseurs. Ma�tre Benbraham Dalila, l�une des d�fenseurs du Pdg de l�EPLF parle �de falsification de donn�es sismotectoniques de l�Alg�rie par le minist�re de l�Habitat et de l�Urbanisme�. Le Laboratoire national de l�habitat et de la construction est aussi mis en cause pour avoir livr� des conclusions erron�es sur les analyses du sol de certains projets qui ont �t� touch�s par la secousse tellurique. Il a �t� aussi question de la mauvaise qualit� du fer import� que ni le minist�re du Commerce, ni celui de secteur concern� n�ont jug� utile d�interdire sa commercialisation dans notre pays. Le choix controvers� des sites, objet de ce proc�s Le choix d�lib�r� des sites � cause desquels les 38 inculp�s se sont retrouv�s devant le juge a �t� l�un des sujets � controverses. Selon la pr�sidente de l�une des commissions minist�rielles, Mme A�t-Mesbah Saliha lorsqu�elle a �t� auditionn�e par le tribunal le 18 juillet, a affirm� que c�est la DLEP (Direction du logement et des �quipements publics) de Boumerd�s, une d�concentration du minist�re de l�Habitat et de l�Uranisme, qui leur avait d�sign� 31 sites de logements et 33 sites d��quipements publics. Ces sites ont �t�, selon elle, visit�s durant trois jours (les 27, 28 et 30 mai 2003) pour les constatations et les pr�l�vements des �chantillons des b�tons. La question qui ne manquera s�rement d��tre pos�e : sur quelles bases techniques et juridiques ces sites ont �t� list�s pour constituer les motifs des accusations ? Dans le bilan officiel arr�t� par les services de la wilaya de Boumerd�s, il est question de 1 391 d�c�s. Dans l�arr�t de renvoi, il n�est mentionn� que 5 sites o� ont �t� d�plor�es 299 victimes (d�c�d�es). Toujours dans le m�me document du juge d�instruction, les inculp�s ont �t� poursuivis pour les destructions survenues dans 11 sites dont certains �taient dans un �tat neuf (promotion Derriche, cit� universitaire de Corso, 50 logements de Dellys, et les 132 et 80 logements de Zemmouri). Par contre, certains avaient �t� lanc�s (122 et 252 logent EPLF de Corso et des Issers) ou r�ceptionn�s par l�OPGI (210 logements Tidjelabine et 102 logements Corso) dans les ann�es 1980. Donc si une partie des accus�s est poursuivie pour les pertes humaines, l�autre pour les dommages mat�riels. De m�me qu�il n�a pas �t� tenu compte du d�lai de garantie ou de prescription. Dans ce cas, pourquoi les destructions et les pertes humaines survenues dans d�autres sites n�ont pas valu de poursuites judiciaires � leurs b�tisseurs ? L�exemple concret de l�H�tel des finances de la wilaya qui venait � peine d��tre r�ceptionn�, mais qui a �t� compl�tement ravag�. Son confortement a co�t� le prix de la construction. Cependant, les exemples les plus dramatiques concernent la cit� des 1200-Logements du cheflieu de la wilaya o� 14 b�timents se sont effondr�s pour tuer plus de 600 personnes, les �croulements des coop�ratives de Boumerd�s, de Boudouaou, la cit� populaire de Bousba� � Bordj-Mena�el et d�autres b�timents ont laiss� �galement un lourd bilan. Des �coles, des coll�ges, des �coles primaires des centres de formations, des salles de jeunes, des polycliniques, des centres de sant� et de dizaines d�infrastructures dont la construction n�avait pas plus de 10 ans ont �t� oubli�s dans cette affaire. Selon le bilan de la wilaya de Boumerd�s, 19 744 logements collectifs ont �t� endommag�s et 3 191 autres logements collectifs ont �t� compl�tements d�truits. Dans l�arr�t de renvoi, il n�est question que de 860 logements effondr�s ou endommag�s et une seule infrastructure collective ( la cit� universitaire) La d�fense met en exergue les insuffisances de l�enqu�te Le parquet s�est bas� sur les conclusions des deux commissions institu�es par le minist�re de l�Habitat et de l�Urbanisme pour lancer des accusations. Or, ma�tre Benbraham, d�fenseur de M. Selkim, croit dur comme fer que l�instruction pr�sidentielle se rapportait � une enqu�te sur le retard mis par les services de l�Etat pour intervenir au lendemain de la catastrophe. Selon elle, il y a eu d�tournement de l�instruction. Ce qui n��tait pas �vident dans la conjoncture politique de 2003, o� tout se d�cidait dans un cercle restreint. A noter, d�apr�s nos informations, que M. Noureddine Moussa qui faisait partie des commissions install�es par M. Hamimid, et qui a succ�d� � ce dernier, aurait refus� de parapher les rapports des deux commissions. Un autre membre qui n��tait pas d�accord avec le contenu avait �galement refus� d��marger les documents. Tous les avocats se sont �vertu�s � d�molir ces expertises qui, selon eux, contiennent des contradictions, mais aussi perplexes sur la base juridique qui �tait floue. Tous les membres de ces instances occupaient, certains sont toujours en poste, des postes importants au sein du minist�re de l�Habitat. Pour la d�fense, ces hauts fonctionnaires ont travaill� selon les orientations de leur ministre. Ils ne sont pas asserment�s donc ils n�ont pas qualit� de police judiciaire. La mission de d�nigrer les rapports des experts judicaires a �t� facilit�e par le fait que ces derniers n�ont pas travaill� sur les ruines du s�isme, mais uniquement sur la base des rapports des commissions minist�rielles. Ce qui font d�eux, selon ma�tre Chabane, de parfaits copieurs. Durant le proc�s, les observateurs sont rest�s perplexes par le fait que les t�moins nombreux � �tre convoqu�s mais sans que le tribunal puisse les entendre ni la d�fense � poser des questions d�usage. Le cas de l�expert Chelghoum Abdelkrim, sp�cialiste en g�nie parasismique qui a �labor� un rapport d�expertise, � la demande du juge d�instruction, reste �nigmatique. Pourtant, il a �t� pr�sent dans la salle durant tout le proc�s. Il y a �galement le fait que des victimes soient convoqu�es sans pour autant avoir d�pos� plainte. Le pr�sident les a invit�es � formuler des demandes de d�dommagements. L�une d�elles n�a pas h�sit� � exiger pas moins de 50 milliards de centimes. Or, ma�tre Chabane fait observer au tribunal que le double d�dommagement est interdit par la loi. En effet, l�Etat par le biais d�un d�cret ex�cutif a indemnis� les victimes du s�isme du 21 mai 2003, soit pour les habitations perdues ou endommag�es soit pour les pertes humaines. Donc, seules les victimes des sites, objet de ce proc�s, ont la possibilit� de demander des dommages. Et les autres victimes � travers les autres sites de Boumerd�s et d�Alger sont-elles exclues ? Une autre question n�a pas trouv� de r�ponse, pourquoi � Alger personne n�est poursuivi alors que 883 victimes ont �t� d�plor�es et plus de 40 000 logements ont atteints ? Les enjeux du proc�s Ce proc�s ne manquera s�rement pas de laisser dans son sillage d�autres victimes du s�isme de 2003 : une poign�e de responsables des entreprises et d�institutions publiques et quelques entrepreneurs seront probablement sacrifi�s. Il y a �galement des forces tapies dans l�ombre qui aiguisent d�ores et d�j� leur app�tit. Et pour cause, ils attendent le fl�chissement du patron du groupe EPLF de Boumerd�s, Selkim Mohamed pour tenter de s�emparer du butin. Il y a en effet un immense butin constitu� d�un portefeuille de presque 1 000 000 m�tres carr�s de terrains constructibles situ�s autour des grandes agglom�rations Alger, Constantine et Oran. A cela s�ajoutent des villas et des appartements de haut standing que d�tient cette entreprise de promotion immobili�re.