Quand on veut pourfendre la b�tise et l�ignorance nul besoin d�aller les chercher hors de ses fronti�res. Ce sont les choses du monde arabe les mieux partag�es, comme dirait un ayatollah fra�chement install� � Beyrouth, comme en terrain conquis. Il suffit de regarder au bon endroit juste sous sa fen�tre ou de lire par-dessus l��paule du voisin de bus. Si toutefois vous avez la chance d�acc�der le premier aux places assises. Pour la b�tise, nous ne sommes pas plus favoris�s ni plus malchanceux que les autres. Elle est de vieille extraction et nous avons accumul� de s�rieuses r�f�rences en la mati�re depuis la fameuse partie de dames de Bab-Azzoun. En mati�re d�ignorance, toutefois, la production locale, assez insuffisante, est compens�e par un furieux recours aux importations, disons fraternelles. Nos �coles, nos universit�s, nos mosqu�es absorbent le plus gros budget pour l�acquisition de cette science rare qu�est l�ignorance. Cette denr�e qui figure sur tous nos �tals a ceci de particulier qu�elle est redistribu�e sans la plus-value traditionnelle. Elle n�alanguit pas le porte-monnaie, elle est l�g�re et ne passe donc pas � travers le sachet en nylon. Pour peu que vous ne consid�riez pas l�ignorance comme un fardeau trop lourd, vous �tes assur�s de la ramener intacte � la maison. C�est donc dans les foyers heureux, selon l�expression imb�cile, que la b�tise et l�ignorance s�accouplent pour le meilleur, parfois, et pour le pire, souvent. Bien que la b�tise et l�ignorance ne s�usent pas trop, m�me � l�usage fr�quent, il faut toujours constituer des r�serves. On ne sait jamais avec cette mondialisation dont nos imams permanents et occasionnels d�noncent, � juste titre, les m�faits. L�ignorance, tout comme l�amiti� et les tendrons, �a s�entretient et des exemples en veux-tu en voil�, puis�s dans la presse d�ici et de l�-bas. D�abord cette statistique impressionnante : 6 (bien lire six) Alg�riens se convertissent chaque jour au christianisme. Ce chiffre ne provient pas des services du minist�re de l�Int�rieur, ni de l�Office national des statistiques, ni d�un institut de sondage. Cette donn�e est avanc�e par le quotidien national Ennahar-al- Jadid, dans un article sur le sempiternel sujet de l�alerte au christianisme en Kabylie. On n��piloguera pas sur les sources de cette statistique non encore revendiqu�e mais si la pr�dication est juste, il y a de quoi r�fl�chir, en effet. Un simple calcul montre qu�en 2050, et � ce rythme, il y aura environ un peu plus de 90 000 chr�tiens. Rapport� � une population qui sera, selon les pr�visions, de 50 000 000 d�habitants, le chiffre a de quoi inqui�ter les �vang�lisateurs. Il est m�me d�risoire � l�aune des ambitions des uns et des calculs tordus des autres. En fait, l�article de notre confr�re explique tout : la journaliste qui a assist� � une des messes adventistes rapporte que les fid�les ont pri� Dieu pour qu�il accorde longue vie au pr�sident Bouteflika. L�auteur ne dit pas s�il a �t� question d�un troisi�me mandat mais le message est clair. On apprend aussi que les participants � la messe ont aussi fait appel au ciel pour que Bouteflika �loigne ses conseillers. Ce sont eux qui auraient sugg�r� au pr�sident de d�clencher la r�pression contre les pr�dicateurs chr�tiens. Moralit� : on en apprend beaucoup plus lors des messes adventistes que dans les messes basses du FLN. Un tel sens des opportunit�s peut expliquer pourquoi il n�y a que six Alg�riens par jour qui se convertissent en Kabylie. D�s lors, on saisit mieux pourquoi le pr�sident am�ricain qui tr�buche le plus, c'est-�-dire l�actuel, est un adepte de l�Eglise adventiste. En ce qui me concerne, ce genre de pri�re ne peut que m�inciter � rester calfeutr� dans le giron islamique m�me si statistiquement, il y a plus d�imb�ciles qu�en face. Amen ! C�est vrai qu�il y a des moments o� le doute vous assaille et que la tentation d�aller ailleurs vous taraude. Imaginez une �pouse fid�le, aimante, soumise � Dieu et � son mari et qui d�couvre un jour que son mari s�est converti au communisme. Que doit-elle faire ? C�est le cas de conscience qu�une dame a expos� au cheikh Chems Eddine, dans les colonnes de l�hedbdomadaire El-Mohakik. Le cheikh, qui est au rigorisme mal�kite ce que Ibn Al-Baz �tait au wahhabisme, n�y va pas par quatre chemins : �Le musulman qui embrasse le communisme et qui y persiste devient un apostat. Et s�il �pouse une musulmane alors qu�il �tait en �tat d�apostasie, son mariage est nul et constitue un p�ch� (�) Votre devoir est donc de le quitter.� A l�appui de sa fatwa, Chems Eddine cite la fatwa originelle �manant d�Al-Azhar. Celle-ci d�cr�te que si l�Islam interdit le mariage d�une musulmane avec un non musulman, cette interdiction s��tend, a fortiori, � ceux qui n�ont pas de religion. Si la question pos�e au mufti attitr� de plusieurs journaux nationaux est authentique, �a prouve que nous sommes en p�riode de surabondance et qu�il faut songer � �couler les surplus vers quelque contr�e encore plus na�ve. Quant aux �pouses non communistes de mes amis communistes, je leur conseille de temporiser. Il y a des �ges o� il vaut mieux ne rien brusquer. En Egypte, aussi, la stupidit� caracole all�grement sous les murailles d�Al-Azhar et les ventres affam�s d�montrent, a contrario, que les oreilles sont aussi fines que la consistance du pain local. Les oreilles d�vorent ce que l�estomac ne peut atteindre et la p�che miraculeuse de J�sus passerait pour du menu fretin, compar�e � la profusion de fatwas. Non contents de faire interdire la plupart de ses livres, les islamistes �gyptiens contestent � Nawal Saadaoui jusqu�� son �gyptianit�. La semaine derni�re, le tribunal administratif du Caire a examin� une requ�te d�pos�e par l�avocat Samir Sabri en vue de d�choir Nawal Saadaoui de sa nationalit�. La requ�te est fond�e sur la contestation du dernier ouvrage de la psychiatre, une pi�ce de th��tre au titre provocateur : Le Dieu pr�sente sa d�mission. Le plaignant affirme que cette pi�ce, interdite par Al- Azhar, peut semer la confusion et porte atteinte � l�entit� divine. Le tribunal a d�bout� Samir Sabri de sa requ�te, rapporte le quotidien Al-Misri al-youm, estimant que l�universit� Al-Azhar avait �d�j� fait son devoir en interdisant l��uvre�. M�me un h�ros national comme Issam Al-Hadari, le gardien de but de l��quipe d�Egypte, n��chappe pas � la vindicte des milieux religieux. Il avait fait d�j� soulev� la r�probation en quittant l�Egypte et en s�engageant avec le club suisse de Sion (Sionisme d�rive de Sion). Le mois dernier, il avait fait l�objet d�une campagne parce que sa femme �tait apparue sur les gradins du stade, en Suisse, la t�te nue alors qu�elle portait le hidjab en Egypte. Les associations satellites du mouvement des Fr�res musulmans avaient assimil� �a � une atteinte � l�Islam. Dans la foul�e, l�avocat Nabil Al- Wahch, connu pour ses charges contre les intellectuels, avait demand� que le vainqueur de la Coupe d�Afrique des nations soit d�chu de sa nationalit�. Cette fois-ci, les officine religieuses, Al-Azhar en t�te, ont exig� qu�il ne porte plus sur sa tenue des publicit�s pour l�alcool, comme tous les joueurs de son �quipe. Avec un bel ensemble, les int�gristes �gyptiens ont renouvel� leurs attaques contre Al- Hadari. Un seul homme a pris sa d�fense, le penseur Djamal Al- Bana. Il a estim� que le joueur n��tait pas coupable puisque se trouvant dans un pays o� les musulmans �taient minoritaires. Ce que les tenants de l�Islam politique se refusent � admettre : pour eux, un musulman doit se comporter comme en pays conquis et imposer ses convictions et sa loi.