Les Alg�riens payeront cher le rituel sacrifice de l�A�d cette ann�e. Et pour cause, la g�n�rosit� du ciel, gr�ce � une pluviom�trie appr�ciable, devrait en principe r�duire les co�ts et, de facto, faire baisser les prix du mouton au m�me titre que la suppression par l�Etat, d�but septembre dernier, de la TVA sur les aliments import�s pour b�tail. Des co�ts de revient relativement bas qui n�ont, d�ailleurs, pas emp�ch� les �leveurs v�reux de recourir � des m�thodes d�engraissement bon march�, mettant en p�ril la sant� du consommateur. Selon les chiffres arr�t�s au terme de la campagne annuelle de vaccination, qui a touch� environ 70 % du cheptel � travers le territoire national, on compte, au moins, dix-neuf millions de t�tes ovines. Les �leveurs font �tat d�un exc�dent qui avoisine trois millions. Un exc�dent qui, cependant, n�a pas frein� l�envol�e des prix du mouton, � un mois de l�A�d. � titre d�exemple, le prix de l�antenais, qui fr�le d�j� la barre de 25 000 DA, a enregistr� une hausse de plus de 15 000 DA par rapport � ceux du mois de mars dernier, estime un �leveur de la r�gion de Constantine. Des prix qui ont pratiquement tripl� en peu de temps ! �Ces prix pourront doubler la veille de l�A�d�, pr�voit-il. En l�absence d�une autorit� de r�gulation, les diff�rents intervenants dans l��levage des ovins expliquent cet �tat de fait par un d�r�glement de la cha�ne de commercialisation, d� � la �sp�culation� qui est, � leurs yeux, le principal facteur de cette hausse des prix, au demeurant conjoncturelle. Le march� du mouton, affirment-ils, est contr�l� par des maquignons qui, � l�approche de ce rituel, ach�tent d�importants troupeaux, � des prix injustement bas pour les �leveurs et qui, parfois, ne couvrent m�me pas les charges inh�rentes � la production, et imposent leur diktat. �En tout �tat de cause, les �leveurs, eux, ne mettent pas la totalit� de leurs troupeaux en vente lorsque la saison s�annonce pluvieuse. La baisse de l�offre fait donc augmenter les prix. Par contre, et en l�absence de pr�cipitations, les p�turages ne se r�g�n�rent pas et les co�ts de la nourriture augmentent, ce qui contraint ces �leveurs � �liquider� leur b�tail. L�augmentation de l�offre fait baisser les prix�, souligne en outre un autre �leveur. Bref, la flamb�e des prix compense, selon cet �leveur, les pertes des ann�es de �vaches maigres�. Des prix qui ne se fixent pas en fonction des co�ts de l��levage mais, au gr� de dame nature, m�me si la sp�culation est pour quelque chose dans la hausse conjoncturelle des prix du mouton � l�occasion de l�A�d. Aussi, l�option de r�gulation s�impose, selon M. Mohamed Aggoune, fellah et non moins syndicaliste de l�Union des paysans ind�pendants. �La cr�ation d�un office se consacrant � l�achat des produits pour ovins aupr�s des �leveurs serait la solution appropri�e. Comme c�est le cas pour les c�r�ales. D�une part, l�Etat peut contr�ler les prix et la qualit� des produits, d�autre part, l�agriculteur sera assur� d�un march� stable�, sugg�re-t-il. Attention aux moutons engraiss�s � �la finition� ! Selon Mohamed Haroun, v�t�rinaire de formation et non moins �leveur, le probl�me qui se pose en cette conjoncture est plut�t d�ordre qualitatif. Selon lui, des revendeurs profitent de ce rite et dupent les consommateurs pour s�enrichir, parfois au d�triment de la sant� publique. Ces derniers ach�tent des antenais un mois de l�A�d et les engraissent avec des aliments destin�s en principe, aux poulets de chair. Une pratique op�r�e y compris par certains �leveurs, selon un autre v�t�rinaire. Selon les dires de M. Haroun, ce concentr� d�engraissement contient une grande quantit� de soja (28%), ce qui engraisse rapidement le mouton. �Le concentr� d�engraissement destin� aux ovins ne contient pas de soja, mais il est compos� essentiellement d�orge. Le mouton prend ainsi le temps n�cessaire pour grossir et sa viande devient de bonne qualit�. N�anmoins, le concentr� � base de soja, appel� commun�ment �la finition�, d�veloppera chez le mouton une graisse de tr�s mauvaise qualit� et �ventuellement des substances canc�rig�nes. En plus de la qualit� de la viande qui laisse � d�sirer, ceci engendre des risques �normes pour la sant� du consommateur, � cause surtout du taux �lev� de cholest�rol�, avertira-t-il. Le consommateur, ajoute M. Haroun, pourra rep�rer le mouton ayant consomm� ce concentr� � partir de son odeur. Enfin, le chiffre de dixneuf millions de t�tes est loin d��tre satisfaisant en mati�re d��levage pour un pays qui dispose de grandes surfaces steppiques o� l��levage des races ovines est l�un des plus f�conds de par le monde : Ouled Djellal et ses races, El Hamra et Rembi. Cette derni�re, qui repr�sente, selon les sp�cialistes, la plus grande carcasse de mouton d�Alg�rie et fait jusqu�� un quintal de viande et 10 kg de laine, a �t� export�e durant l��poque coloniale en Australie. Elle fait actuellement la fortune de ce pays apr�s avoir �t� coupl�e � une race europ�enne. Ces sp�cialistes regrettent en fait la destruction de la steppe, avec le lancement de la r�volution agraire. Une entreprise qui, h�las, est venue � bout des grands �levages dans la r�gion.