El-Biar, jeudi matin, jour du scrutin pr�sidentiel. Des fourgons des forces anti-�meutes sont stationn�s devant les locaux du parti de Sa�d Sadi, le Rassemblement pour la culture et la d�mocratie (RCD). L��tendard noir, �rig� en signe de deuil, tr�ne toujours � l�entr�e du si�ge national de ce parti qui a d�cid� de boycotter l��lection pr�sidentielle, dont le r�sultat �tait d�j� connu d�avance. Ly�s Menacer - Alger (Le Soir) - Il est huit heures trente et le si�ge national du RCD conna�t une animation quasi habituelle en ce jour de vote pour la pr�sidentielle du 9 avril 2009. Quelques militants discutent dans la cour avant de rejoindre, chacun son �quipe, leurs bureaux o� ils resteront en contact avec les bureaux r�gionaux pendant toute la journ�e. Le pr�sident du parti, le docteur Sa�d Sadi, est install� dans son bureau, � la fois serein et inquiet. �Je suis serein parce que je suis convaincu de la justesse de notre combat. Mais l�avenir du pays m�inqui�te �norm�ment parce qu�il risque de s�enfoncer davantage dans la crise�, s�explique-t-il devant le ballet ininterrompu de journalistes nationaux et �trangers. A dix heures, les premiers chiffres du taux de participation qui ont �t� collect�s par les militants dans certains bureaux tombent. �A Sidi A�ch, dans la wilaya de B�ja�a, le taux de participation est de seulement 1% � dix heures�, indique Sa�d Sadi. Quelques minutes plus tard, une journaliste d�un quotidien espagnol arrive et l�interroge sur ces files de bus qui transportent les gens dans les bureaux de vote � Alger et dans certaines villes du pays. �Ce sont des �l�ments des forces de s�curit� qu�on ram�ne voter dans des bureaux pour donner l�impression que les gens votent vraiment. C�est le film de Marseille qu�ils ont reproduit ici en Alg�rie pour justifier le fort taux de participation qu�ils nous ont pr�par� �, ironise-t-il. L�entretien sera plusieurs fois interrompu par les collaborateurs de Sadi qui l�informent � la minute pr�s de l��volution de la situation � travers le territoire national et des v�ritables taux de participation. A l�ext�rieur, des agents de renseignement en civil sont � l�aff�t de la moindre information. Ils interrogent toute personne qui quitte le si�ge du RCD et ils posent la m�me question. La peur de voir Sadi sortir dans la rue le jour m�me du vote les a tenus sur le qui-vive toute la journ�e. Retour au si�ge du RCD. Les rapports de situation continuent d�arriver. Le t�l�phone du secr�tariat de Sa�d Sadi n�arr�te pas de sonner. Des t�l�visons, des radios et de nombreux titres de la presse �crite �trang�re demandent au pr�sident du parti des interviews. Ce dernier profite de chaque intervention pour d�livrer de nouvelles informations sur les cas d�intimidation et de menaces prof�r�es � l�encontre des citoyens, surtout la cat�gorie des fonctionnaires, que les diff�rents cercles du pouvoir auraient oblig�s � aller voter. C�est le cas de deux jeunes d�une wilaya du Sud qui auraient �t� carr�ment tabass�s pour avoir refus� de rentrer dans les bureaux de vote, indique un d�put� du RCD. Quelques minutes plus tard, un fax tombe. Des responsables des bureaux de vote ont �t� somm�s d�obtenir plus de 80% du taux de participation au risque d��tre s�v�rement sanctionn�s, peut-on lire dans l��crit transmis � Sa�d Sadi. Il en profite pour ajouter ce nouveau d�tail aux journalises pr�sents � ce moment-l� dans son bureau. Tous les �v�nements plaidaient en fait pour la position qu�ont prise le RCD et le FFS d�A�t Ahmed qui ont bris� le mur du silence et de la peur qui avait tenu les boycotteurs en dehors de la campagne �lectorale. Les actions de ces deux partis de l�opposition ont �t� emp�ch�es par les services de s�curit� qui ont re�u instruction de r�primander toute voix discordante appelant � bouder les urnes. Interdits de t�l� et de radio, ces deux partis, comme le reste des opposants en Alg�rie, sont interdits de manifester dans la rue. Pas m�me pour distribuer des tracts appelant au boycott d�une �lection que la presse �trang�re voyait comme le pr�lude du retour d�finitif au r�gime du parti unique. Devant un tel drame, Sa�d Sadi reste imperturbable et confiant de voir un prochain sursaut du peuple alg�rien, victime de la corruption, de la r�pression et du despotisme de gouvernants qui ne pensent qu�� se maintenir au pouvoir. Il est presque 18 heures. L�ambiance studieuse des d�put�s et des membres du conseil national du parti n�a pas chang�. Les chiffres provisoires donn�s � la t�l�vision par le ministre de l�Int�rieur et des Collectivit�s locales, Noureddine Yazid Zerhouni, sont confront�s aux informations collect�es par les militants du parti. Un communiqu� est rapidement r�dig� et publi� sur le site Internet du RCD qui d�nonce une fraude massive lors de l�op�ration de vote. Dans ledit document, Sa�d Sadi d�livre �les v�ritables chiffres collect�s par le minist�re de l�Int�rieur et des Collectivit�s locales � 17h30 (qui) ne d�passent pas les 23,69%.� Selon le RCD, �les diff�rents cercles du pouvoir sont tomb�s d�accord pour donner un taux de participation se situant entre 69 et 72%.� Sa�d Sadi �tait tr�s proche des 74% annonc�s par le ministre de l�Int�rieur lors de sa conf�rence de presse d�hier � l�h�tel El- Aurassi. Malgr� cette �ni�me fraude �lectorale et les tentatives r�p�t�es du pouvoir � continuer de fermer le champ des libert�s politiques et citoyennes, Sa�d Sadi garde son calme. Pour lui, l�espoir est toujours l�. �Le printemps ne sera que plus beau�, disait le d�funt �crivain alg�rien Rachid Mimouni. Le pr�sident et les militants du RCD pensent ainsi. L�Alg�rie de demain aussi.