El Hadj Mhamed El Anka, le pionnier de la chanson chaâbie qui aurait fêté ses 110 ou 112 ans ou peut-être plus, est parti en 1978. Le maître fait encore parler de lui. Bien qu'il fut le plus grand chanteur de Chaâbi, il aurait aimé faire mieux pour ce genre populaire. Le pionnier de la chanson Chaâbi, Hadj M'hamed El Anka, qui avait créé le mythe autour de lui en refusant même de donner sa vraie date de naissance de son vivant aimait beaucoup la musique à laquelle il a consacré sa vie. Alors qu'officiellement, il est né le 20 mai 1907, le maître nous avait déclaré un jour qu'il était né le même jour mais en 1909. Une autre source nous avait rapporté qu'il est né en 1904. L'important n'est pas là mais le fait que le pionnier du Chaâbi sentait qu'après lui, il n'y aurait pas de relève. Connaissant le Chaâbi mieux que quiconque, il avait relevé le problème dans une interview accordée en 1973 au défunt journaliste Rabah Saadallah. Cette information a été remise à jour hier par Kamel Boufroum, un des plus brillants élèves d'El Anka qui vit depuis longtemps à Annaba. Un chantier en construction Boufroum qui avait fait les beaux joux jours du service culturel aux côtés d'autres grands musiciens tels que Didine Laouedj et Bachir Mazzouni a indiqué sur sa page facebook que «Le maître El Hadj M'hamed el Anka nous a laissé un très grand chantier en construction ; nous devrions réfléchir pour comprendre ses véritables secrets afin de les remettre en valeur et sortir de l'impasse et pouvoir aller de l'avant pour son enrichissement». Boufroum dont le petit frère Karim avait également une voix exceptionnelle a précisé : «El Anka a dit (dans le même entretien (ndlr) le Chaâbi est riche en paroles et pauvre en musique». Selon Boufroum qui vit aussi la marginalisation comme beaucoup d'élèves d'El Anka tels que Kamel Ferdjallah, «malheureusement rien n'a été fait jusqu'à présent, tout le monde se penche sur la richesse des paroles mais rien sur le plan musical». Le chanteur a rappelé l'enrichissement effectué par El Anka en 1946 lorsqu'on lui avait proposé la direction de l'orchestre chaabi de la radio et proposé aux lecteurs de comparer les anciens enregistrements d'avant 1946 et ceux d'après. Le constat En effet, Hadj M'hammed El Anka avait bien raison de dire que le Chaâbi est riche en paroles mais pauvre en musique. Ce constat s'est aggravé après la disparition des grands compositeurs qui avaient mis en avant le Chaâbi dans les années 1960 -1970, notamment Mahboub Bati. Contrairement à ce qu'on croyait, El Anka n'était pas seulement rusé mais aussi intelligent. Les futurs chanteurs de Chaâbi pourront toujours trouver des textes déjà chantés ou pas encore des anciens poètes tels que Sidi Lakhdar Benkhlouf, Ben Msaib, Ben Sahla etc. mais il leur sera très difficile de trouver un bon compositeur qui pourra mettre en musique ces textes. El Anka savait qu'un compositeur devrait comprendre le texte pour offrir un bon produit, et de nos jours, ceux qui comprennent les textes sont déjà rares, et n'ont pas été formés en musique ; la plupart des bons compositeurs n'ont pas été formés dans l'école de l'andalou et du chaâbi. La déclaration d'El Anka en 1973 se confirme aujourd'hui puisqu'on voit bien que le Chaâbi stagne surtout à cause de l'absence de musicalité et non des textes. Alors qu'il était reconnu comme le plus grand maître du Chaâbi, El Anka ne se contentait pas de sa réussite, il pensait au futur du Chaâbi.