Ce dimanche à 18 heures, un jeune supporter du CRB qui vient de gagner sa 8e coupe d'Algérie de football dessinait un très beau tableau sur un mur de la cité Mahieddine qui a été embellie, à cette occasion par d'autres œuvres murales où le rouge et blanc de leur club favori est dominant. En quelques jours, notamment après que le club de Belouidzad, le CRB a gagné la Coupe d'Algérie de football, la cité Mahieddine qui surplombe aussi bien la place du 1er Mai que le quartier de Belouizdad a montré un nouveau visage. Les murs de cette cité ont été embellis par de véritables œuvres d'art par des jeunes inspirés par l'amour de leur club favori. Il est possible même que ces jeunes ne savent pas qu'ils pratiquent le Steet art, un style qui fait fureur dans plusieurs pays occidentaux. Ces jeunes supporters ont montré leur savoir-faire dans d'autres quartiers, notamment de Belouizdad, qui a viré depuis quelques semaines déjà aux couleurs du club par les nombreux drapeaux mais aussi par les fresques dessinées par les jeunes enfants du quartier. On ne sait pas si ces jeunes sont passés par des écoles d'art. En tout cas, ils savent bien manier les couleurs et les portraits de footballeurs sont bien réussis. Des artistes dans les tribunes Cela nous rappelle que le football a souvent inspiré les poètes et musiciens professionnels mais aussi les amateurs qu'on trouve dans les tribunes et qui scandent parfois de très belles chansons pour encourager leurs équipes. Côté professionnel, les chanteurs des dernières années n'ont pas réussi à nous offrir de belles œuvres et les supporters ont fait beaucoup mieux. Hassiba Amrouche, Cheb Lamine, Cheb Hafidh et Cheba Sonya et même le sérieux Houari Benchenet ont tenté d'offrir des chansons pour le football mais n'ont pas vraiment réussi. A notre connaissance, les deux dernières belles chansons dédiées au football sont «Mebrouk âlina Hadhi El Bidaya» de Rabah Driassa et «Djibouha ya Louled» du groupe El Bahara, enregistrées à l'occasion de la participation de l'équipe nationale de football au Mondial de 1982 en Espagne. Bien que du point de vue musical et arrangement, la chanson de Driassa était d'un haut niveau, c'était «Djibouha ya Louled» qui avait battu le record de l'audimat et la plus reprise par les jeunes dans les stades. A l'époque, bien qu'éxpérimenté et excellent parolier, Driassa avait fait l'erreur de citer les noms des joueurs dans sa chanson alors qu'au moment où notre équipe nationale se trouvait en Espagne pour jouer la phase finale de la Coupe du monde, la majorité des joueurs cités par Driassa tels que Gamouh avaient été remplacés par d'autres, notamment les professionnels qui jouent dans les clubs français. Par contre, Sadek Djemaoui avait, peut être, sans le savoir, offert au peuple algérien, une chanson éternelle en ne citant que les numéros des footballeurs. Le grand artiste Rabah Driassa qui également un excellent miniaturiste avait déjà fait fureur au début des années 1960 avaec sa chanson «Attilou Ezzalamit» dans laquelle il citait également des joueurs. «Aouadj El Hili Djabha Fel Fili, Heya Khefe, Eblokiha ou Markilou», disait la chanson. «Attilou Ezzalamit» passait à l'époque tout le temps à la radio et les jeunes s'arrachaient le disque vinyle 45 tours. En 1982, le défunt chanteur de bedoui, Cheikh Djilali Ain Tedles était tombé dans le même piège que Driassa en citant les noms des joueurs dans une chanson qui n'avait pas duré. Par ailleurs, la musique de cette chanson n'était pas assez rythmée pour être reprise dans les stades. Il faut toutefois noter que le fait de citer les noms des joueurs n'est pas forcément une règle pour échouer puisque durant l'époque coloniale, Hadj M'rizek avait cité des joueurs dans sa chanson «Ya Lli Bghit Telêb Esport Charek Fel Mouloudia», écrite par un certain Boualem Hsabet de Blida, une chanson restée dans l'histoire de la musique algérienne. L'art et la sagesse Au lendemain de l'indépendance, Rahma Boualem avait également eu un grand succès avec «Baloun Ballouna Wehna Mwalih». Le disque enregistré sur microsillon 45 tours avait été vendu par milliers. Les fantaisistes Ali Kahlaoui et Kandsi avaient également mis leur talent pour chanter le football. En cette période des années 1960/1970, les chanteurs de chaâbi étaient régulièrement invités à animer les soirées dans les cercles des clubs de football. Said El Ghobrini, Hassen Said, Guerouabi et bien d'autres mettaient en valeur les clubs qu'ils supportaient. Le maître de l'andalou et du hawzi Hadj Mahfoudh avait également dédié une chanson à l'USM Blida et au Mouloudia d'Alger. Il faut dire que beaucoup de chanteurs ne cachent pas leur appartenance aux clubs qu'ils aiment. Abdelmadjid Meskoud défend le CRB tout comme les autres affichent leur amour pour l' USMA ou les trois Mouloudia (Alger, Oran, Constantine). Il est à noter qu'autrefois, les supporters avaient l'esprit imaginatif et entonnaient de petites chansons adorables dédiées à leurs clubs. C'est ainsi qu'on entendait les supporters de Belouizdad chanter «Annoncez les couleurs, CRB la meilleure», et ceux d'El Harrach «Sem Sem Sem Ysemmouha Harrachia». Ces dernières années, certains supporters ont aussi montré de l'imagination avec de très belles paroles créées dans les tribunes. Cela veut dire que le football peut être une source d'inspiration artistique. Il est dommage que des gens veulent en faire un motif pour inciter à la violence. Tout compte fait, si nos artistes se mettaient à enregistrer de belles paroles comme autrefois, les supporters reprendraient leurs succès dans les stades, et la sagesse et l'art pourraient revenir dans les stades et les quartiers comme on l'a vu à Belouizdad et à la cité Mahieddine.