Le Festival panafricain d'Alger avait donné lieu à un film éponyme produit par l'ONCIC. Et c'est William Klein, le célèbre cinéaste et photographe de mode américain, qui a été chargé de sa réalisation. En dépit de sa grande notoriété, William Klein était un artiste engagé dans de nombreuses causes justes. Il venait d'achever un film collectif, Loin du Viêt-Nam, en France contre la guerre du Vietnam aux côtés de Jean-Luc Godard, Alain Resnais et Agnès Varda. Cette fois, il venait à Alger mobiliser son talent et ses compétences au service des luttes anticolonialistes en Afrique. Il se sentait solidaire également des luttes des Afro-Américains dans son pays d'origine, les Etats-Unis. C'est pourquoi il profitera de son séjour à Alger pour tourner un film consacré à Eldridge Cleaver, le «ministre de l'Information» des Black Panthers réfugié dans la capitale algérienne et mort en 1998 à Los Angeles. L'équipe de tournage de William Klein comprenait des cinéastes et des techniciens algériens, comme Slim Riad, Mohamed Bouamari ou encore Ali Maroc. Le film, pour ceux qui l'ont vu, est présenté en quatre parties avec pour intertitres «Premier Festival panafricain de la culture», «Préparatifs», «Mouvements de libération à Alger» et «Fantasia». On y voit le grand défilé dans les rues d'Alger, Amilcar Cabral et Houari Boumediene mettre en exergue le rôle majeur de la culture dans la libération des peuples : «La culture africaine sera révolutionnaire ou ne sera pas.» En produisant ce film, l'Algérie témoignait non seulement de sa solidarité avec les mouvements de libération africains, mais revendiquait également un ordre nouveau basé sur le principe de l'autodétermination des peuples, un axe du reste stratégique de sa politique étrangère jusqu'à nos jours. D'ailleurs, William Klein rend hommage dans ce film à la révolution algérienne associée à la libération de l'Afrique et y insère notamment des extraits de L'Algérie en flammes de René Vautier et L'Aube des damnés d'Ahmed Rachedi, commenté par Mouloud Mammeri. Il y aussi des extraits d'une pièce de théâtre L'Exil d'Albouri, du dramaturge sénégalais Cheikh Alioune N'dao. Des images de révoltes dans les ghettos US sont également montrées à côté de scènes de maquis en Afrique. Le «Panaf'» réussira à transcender toutes les différences culturelles, raciales et religieuses. Le film est ainsi ponctué de citations de Frantz Fanon et des concerts d'Archie Shepp tournés à Djamaâ Ketchaoua et aux confins du Hoggar. A la fin du film, des militants Black Panthers montent sur la scène de la salle Atlas avec Archie Shepp accompagné de musiciens touareg. Le film Klein remet ainsi au goût du jour le rapport anxieux entre l'art et l'engagement politique, un vieux débat s'il en reste. Le film se termine en apothéose avec Miryam Makeba, la célèbre chanteuse sud-africaine, et Marion Williams, la grande voix du gospel. Interpellé par Archie Shepp sur l'existence de ce film qui gagne très certainement à être connu, on s'est vite assurés, à notre retour à Alger, de sa conservation au niveau de la Cinémathèque algérienne. Ouf, on peut respirer, la copie est dans un excellent état de conservation. Quoi de plus normal, le film a été si peu vu ! L'intérêt documentaire historique artistique technique que présente ce film n'est plus à démontrer. Beaucoup de distributeurs s'y intéressent en effet. Qu'attendent les autorités algériennes pour l'exploiter comme il se doit ? Et puis charité bien ordonnée : à quand une diffusion pour nous sur l'ENTV ?