C'est le plus grand et plus sophistiqué des navires n'ayant jamais accosté au port d'Alger. L'Elyros est aussi long que trois terrains de football, aussi haut qu'un immeuble de 15 étages. Deux fois plus grand que le Tariq Ibn Ziad. Sa solidité lui permet d'affronter une mer démontée, pouvant résister à des vagues de 3,90 mètres de hauteur. Il peut accueillir jusqu'à 2000 passagers servis par 83 membres d'équipage. Ce dimanche, nous étions parmi eux, à bord de ce navire grec affrété par l'Entreprise nationale des transports maritimes des voyageurs (ENTMV) pour une durée de trois mois. Reportage. Dimanche à 15h, au port d'Alger, l'équipage technique grec et le subrécargue (le commandant de bord algérien accompagnateur) lèvent l'ancre pour entamer la première traversée méditerranéenne de la saison estivale de ce grand navire. Extérieurement, le bateau arbore des lignes classiques. Rien d'exceptionnel pour l'instant si ce n'est sa taille de plus de 200 mètres de longueur. Une fois à l'intérieur, c'est la surprise. Nous embarquons avec les quelque 400 passagers du jour et montons au pont 7 en empruntant un escalator. En levant la tête, nous apercevons déjà les reflets projetés par une multitude de lampes et autres encadrements lumineux. En quelques instants de montée nous débouchons à la réception qui se situe au centre d'un très vaste espace, qui s'étale sur une partie de la largeur du bateau, avec de grandes ouvertures sur la mer offrant une belle luminosité en plus de l'éclairage. Sur place, le personnel se tient sur une rangée, sourire aux lèvres, pour souhaiter la bienvenue aux arrivants. Ces derniers sont immédiatement pris en charge. Un steward propose de porter les sacs pesants que les nouveaux hôtes ont conservés avec eux. Il devient alors clair que si l'extérieur demeure traditionnel, le cœur d'Elyros est bien plus moderne et luxueux, à la hauteur des standards d'aujourd'hui. Billet d'embarquement présenté, pour les voyageurs qui ont choisi la formule cabine, c'est le début du rêve. Ils se feront guider vers leurs chambres. Sur le chemin on y aperçoit des espaces intérieurs avec une décoration mêlant classicisme et modernité, mais toujours avec une légère sobriété et de finesse. Des escaliers en forme de cercle mènent vers les ponts supérieurs où se trouvent les cabines. Nous marchons sur un sol recouvert d'une épaisse moquette résistant à tout incendie semblable à celle qu'on trouve dans les hôtels étoilés. Les tons puisent dans le rouge brique, le gris, le noir, pour un espace particulièrement élégant sans pour autant être sombre et froid. Au contraire, l'atmosphère y est paisible, particulièrement due à tout ces détails qui mettent ce lieu en valeur. Des salons font le tour en largeur du bateau. A chaque coin, la décoration diffère mais donne toute une vue imprenable sur la mer. Nous montons les escaliers. Pour les moins dynamiques, ils peuvent toujours prendre l'ascenseur qui dessert les différents ponts. Des cabines haut de gamme Une fois arrivés au pont supérieur, les passagers découvrent leurs cabines, ou plutôt leurs chambres d'hôtel. Celles-ci offrent en totalité 800 lits (deux lits pour chaque cabine). Ces chambres disposent de deux lits séparés sur lesquels sont déposés des matelas orthopédiques. Une table basse placée en face de la vitre ouverte sur la mer, un petit dressing, un bureau, un téléviseur sont le mobilier qui orne la pièce qui dispose également d'une salle de bains intégrée. L'hébergement constitue d'ailleurs un point fort de l'offre hôtelière d'Elyros. Sur les 2000 passagers, seulement 459 personnes peuvent profiter d'une couchette (dans les 145 cabines du bord). Les autres doivent se contenter de centaines de fauteuils. Les passagers qui choisissent cette formule peuvent toujours, avec la permission des hôteliers, venir profiter du confort des salons de bord. Rompre le jeûne à bord… A 19h30, alors qu'Elyros navigue à 20N/h (40 km/h), nous faisons immersion dans la cuisine du chef Gas Abdou, un ancien élève de la prestigieuse école d'hôtellerie de Tizi Ouzou. Sous ses ordres, six cuisiniers est un boucher. «Nous proposons en ce mois de Ramadhan un dîner typiquement algérien.» Bourek préparé sur place, chorba frik, tadjine, ou encore des dattes et du petit-lait, sont proposés au passagers. 80% des produits utilisés sont locaux, nous fera savoir Amar, un des cuisiniers du bord. Le pain est acheté soit en France soit en Algérie, «tout dépend du pays de départ, pour que nous puissions servir un pain frais aux passagers», nous dit-il. 20h08, le satellite, en guise de muezzin, informe l'équipe technique du coucher du soleil. L'hôtesse d'accueil annonce la rupture du jeûne, après l'aval du subrécargue, le commandant de bord algérien, Halim Boumati. En toute convivialité, les passagers sont servis dans l'un des trois restaurants à la capacité de 400 couverts. Pour ceux qui ont choisi la formule fauteuil, un self-service leur est proposé. A la fin du ftour, les passagers ont été informés de la disponibilité d'un shour à partir de 00h. Au menu : café au lait, croissant, yaourt et couscous aux raisins secs. Du luxe à petit prix Les Algériens des deux rives désireux de voyager cet été à bord de ce navire, vers les deux destinations Algérie-France, ont la possibilité de réserver leurs billets de bateau. Les prix fixés par l'ENTMV sont à partir de 24 800 DA. En effet, selon le directeur général adjoint de l'entreprise, Lahcène Younès, la traversée de la Méditerranée à partir d'Alger est au tarif de 24 820 DA pour la formule fauteuil, couchette à 27 020 DA, cabine à 33 220 DA, véhicules à 40 000 DA. Si le client choisit l'une des formules avec véhicule, une taxe sera réduite du prix total. «Les billets sont en promotion jusqu'à la fin de la saison estivale», informe ce responsable. Le voyageur a également la possibilité de changer ou de modifier son billet sans aucune tarification sur une durée de 190 jours après l'achat du billet. Pour la deuxième rotation de la saison, celle du 27 juin au départ de Marseille, les prévisions ont été de 1600 passagers. «La plupart des départs sont déjà affichés complets», assure Lahcène. Lundi, après 20 heures de navigation, le commandant de bord grec manœuvre son timon, rapidement guidé par le pilote du port de Marseille. En moins de 10 minutes, la rampe touche le quai. Elyros accoste pour la première fois cette année sans connaître le même triste scénario de 2015, où les autorités françaises avaient bloqué le navire «pour non-conformité aux exigences techniques» que l'ENTMV a vite démentie en présentant tous les documents qui attestent de la possibilité du navire à assurer les rotations. A 11h, nous débarquons au port de Marseille. Sur place, 1675 passagers et 650 véhicules attendent d'être embarqués pour un départ vers Alger. Le rythme de croisière s'annonce déjà chargé. Les Algériens des deux rives auront la chance de voyager à bord de ce bateau grec, aux allures d'un hôtel 5 étoiles flottant jusqu'à fin septembre.