Durant la colonisation et après l'indépendance, il yavait des salles de cinéma et les gens y allaient régulièrement. Aujourd'hui, on n'y va plus car il n'y a plus de salles. Toutes les villes d'Algérie, grandes ou petites avaient leurs salles de cinéma. A Alger, en 1960, il y'en avait au moins une cinquantaine, alors qu'aujourd'hui, on peut les compter facilement sur les doigts d'une seule main. Même constat pour les autres villes. A Annaba qui accueille chaque année le festival du cinéma méditerranéen, il n'y a aucune salle qui active. A Constantine, on comptait sept salles alors qu'aujourd'hui, il n'en reste aucune. A Blida, il y'avait au moins sept salles, il n'en reste qu'une seule mais qui ne programme que des séances Vidéo. A Médéa, le constat est aussi amer puisque les quatre salles qui étaient actives jusqu'aux années 1970 ont été soient démolies soient fermées ou détournées de leur fonction. Pour revenir à la capitale, c'est un véritable massacre. Au quartier de Belouizdad, les cinq salles qui s'y trouvaient et qui étaient très connues notamment Le Musset baptisé au nom de l'acteur Rouiched avant qu'il ne soit démoli, ont disparu. On se demande comment un ministre de la culture, un président d'APC, un chef de Daira ou un wali décident de baptiser une salle de cinéma au nom d'un très grand comédien pour le démolir quelques années après. Si les responsables savaient que la salle était dans un état délabré et qu'elle devait être démolie, pourquoi la baptiser au nom du grand comédien ? Dans le même quartier, la salle Le Caméra a été transformée en hôtel alors que LE Mondial, le Roxy, le Select et le Rex ont été fermés. A El Harrach, il y'avait au moins quatre salles Le Splendide, l'Eden, l'Eldorado et le Ritz devenu siège de la Kasma FLN. Kouba et Hussein Dey, El Mouradia, Birmandreis et Bouzareah avaient aussi leurs salles de cinéma, malheureusement toutes fermées ou démolies. Projection de plein air et cinéclub Dans les années 1960- 1970, les jeunes et moins jeunes de Bouzareah avaient le choix entre les salles de Bab El Oued et Alger centre ou les projections qui se faisaient à la salle CinéPop qui était un Bar Dancing autrefois, avant d'être utilisée comme cinéma avant de devenir une mosquée. A la salle de la Kasma FLN, il y'avait des projections organisées par la JFLN et le Cinéclub. A Bouzareah, on se souvient aussi du camion de l'ONCIC qui montait tous les samedis soir pour la projection sur le grand mur de la place de la Tribu des films classiques tels que Johnny Guitare. A El Biar, la salle Beaulieu qui est aujourd'hui utilisée surtout pour les fêtes de mariage et le Rex programmaient également trois séances par jour et l'on servait les esquimaux durant l'entracte comme dans tous les cinémas de l'époque. Les collégiens et lycées du tout Alger, se rencontraient les samedis après midi pour voir les derniers films après avoir lu le programme qui paraissait quotidiennement sur El Moudjahid. Il faut noter que certains cinémas s'étaient spécialisés et l'on savait par exemple que les films Hindous et Egyptiens étaient programmés à la salle Le Paris ou au Dounyazad et les films de guerre ou Western dans les cinémas de Bab El Oued ou Belouizdad. A cette époque, chaque public avait son cinéma. C'est ainsi que les couples allaient au cinéma Le Français qui se trouve depuis plusieurs décennies fermé et dans un état de délabrement total et le Débussy. Ces salles où on était accueilli par les placeuses projetaient les derniers films sortis et parfois, on devait faire une grande chaine pour voir des films tels que Abi Fawq Echadjara de Hussein Kamel avec Abdelhalim Hafez ou Love Story d' Arthur Hiller. A cette époque toutes les villes d'Algérie étaient dotées de salles de cinéma et les discussions des jeunes tournaient souvent autour du dernier film que l'on vu. D'ailleurs, dans chaque quartier, il y'avait un fou du cinéma qu'on surnommait Ringo ou Django. Toutes les villes avaient leur cinéma Après l'indépendance, la ville de Constantine comptait sept salles de cinéma dont Le Versailles, Le Triomphe, l'Olympia et Le Colisée. Ces salles qui faisaient le bonheur des cinéphiles ne sont plus fonctionnelles. Une honte pour une ville présentée comme capitale de la culture arabe. Blida, la ville des roses qui a donné tant de chanteurs, de comédiens et d'acteurs dont Mohamed Touri, Mustapha Preure, Kaltoum et Farida Saboundji a eu ses beaux jours. Quel est le blidéen qui ne se souvient pas du cinéma Miami qui faisait face à la légendaire librairie Mauguin et où en 1960, on projetait Samson et Dalila? Cette salle est utilisée aujourd'hui par une association de bienfaisance comme si le cinéma ne fait de bien. Quel est le Blidéen qui ne se souvient pas de la salle Le Versailles et l'Empire, les seules salles qui existent encore mais qui activent en tant que vidéothèque. Oui, la ville de Blida est aujourd'hui sans cinéma. Au Colisée baptisé au nom de Mohamed Touri, on organise des spectacles mais le 7e art y semble interdit. Le Rex est fermé et seul l'Olympia a été sauvé puisqu'il sert en tant que cinémathèque. Tlemcen, Oran, Tiaret, Sidi Bel Abbes et toutes les villes d'Algérie étaient dotées d'au moins une salle de cinéma. Laghouat, ville de culture dont sont issus Cheikha El Moqrania, une grande poétesse du Melhoun, le virtuose du ôud, Ray Malek et qui a vu la naissance d'une des premières troupes de théâtre au début du siècle dernier a également vécu ces dernières décennies sans salle de cinéma. En effet, la salle Le M'zi qui affichait complet tout le long de l'année a été fermée durant une période de trente ans. Ce n'est que le 17 septembre dernier qu'elle n'a été rouverte au public après sa restauration. A Annaba, la cinémathèque a également été rouverte après une longue période de restauration. En attendant la réouverture des salles de toutes les villes et la concrétisation de la relance du cinéma, continuons à rêver ou à nous remémorer le bon vieux temps.