Dix personnes au moins, selon des médias officiels, ont été tuées lors des dernières manifestations à Téhéran, où la contestation pourrait se poursuivre hier sur fond de tension diplomatique grandissante entre le régime et les Occidentaux, en premier lieu Londres.Alors que la crise issue de la réélection contestée de Mahmoud Ahmadinejad est entrée dans sa deuxième semaine, des décès ont été rapportés hier, les premiers depuis les sept manifestants tués lundi dernier, dans le cadre du rassemblement de la veille. La télévision d'Etat a affirmé que 10 personnes avaient été tuées et plus de 100 blessées samedi, mettant en cause des «agents terroristes» munis d'armes à feu et d'explosifs qu'elle n'a pas identifiés. La chaîne de télévision publique en anglais Press-TV a rapporté que 13 personnes étaient mortes dans ces violences entre policiers et «terroristes». Aucun bilan officiel des heurts n'a été fourni à ce jour. Selon un participant aux protestations de samedi, les manifestants envisagent de nouveaux rassemblements hier à partir du milieu d'après-midi. En matinée, les rues du centre de Téhéran étaient calmes, a-t-on constaté. La confrontation avec les forces de l'ordre, un mélange de policiers anti-émeutes, de miliciens islamiques du bassidj et d'éléments non identifiés, souvent à motos, a été particulièrement brutale, selon des témoins. Plusieurs milliers de manifestants ont été confrontés à des canons à eau, charges à la matraque, gaz lacrymogènes et tirs à balles réelles, selon les témoins, dont l'un a dit à avoir vu au moins un blessé par balle. Le chef-adjoint de la police iranienne, Ahmad Reza Radan, a assuré à la télévision que les forces de l'ordre n'avaient «utilisé aucune arme à feu pour disperser les émeutiers». Il a accusé des «voyous et agents de l'Opmi (les Moudjahidine du peuple) infiltrés» parmi les manifestants. Selon l'agence officielle Irna, le ministère iranien des Renseignements a arrêté des membres de ce groupe d'opposition en exil. Elle n'a pas précisé de date ni le nombre des arrestations. La presse étrangère est interdite de couvrir les évènements sur place et doit recourir à des témoins. La manifestation de samedi représentait un défi au guide suprême iranien, l'ayatollah Khamenei, qui avait averti vendredi qu'il ne «cèderait pas à la rue». Tout comme la charge sans précédent contre le guide de Mir Hossein Moussavi, principal rival du président Ahmadinejad à l'élection du 12 juin. Dans une lettre adressée samedi au peuple iranien, il l'a accusé, sans le nommer, de mettre en danger le caractère républicain de la République islamique en ayant validé la réélection de Mahmoud Ahmadinejad, seulement rendue possible selon lui par une fraude massive. Le message de M. Moussavi invite aussi à poursuivre des manifestations pacifiques et réclame toujours une annulation du scrutin. Londres à l'index Le contexte diplomatique s'est par ailleurs nettement tendu entre le régime et les pays occidentaux, en premier lieu la Grande-Bretagne. Mahmoud Ahmadinejad lui-même, sur son site Internet, a exhorté les Etats-Unis et la Grande-Bretagne à cesser leurs ingérences. Auparavant, son ministre des Affaires étrangères Manouchehr Mottaki avait accusé Londres d'avoir comploté depuis plus de deux an contre le scrutin présidentiel. En retour, la Grande-Bretagne a nié toute manipulation des manifestants. Mais le correspondant de la BBC a été invité à quitter l'Iran sous 24 heures. La chancelière allemande Angela Merkel a appelé «fermement» Téhéran à procéder à un nouveau décompte du scrutin et à s'abstenir de toute violence contre les manifestants. Rome s'est dit «affligé par les pertes de vies humaines» et a réclamé une résolution «pacifique» de la crise. Samedi, le président américain Barack Obama avait haussé le ton par rapport à ses précédentes déclarations, appelant le gouvernement iranien «à mettre fin à tous les actes de violence et d'injustice contre sa propre population». Pour sa part, le ministre italien des Affaires étrangères Franco Frattini s'est déclaré hier «affligé par les pertes de vies humaines» en Iran, appelant ce pays a résoudre «pacifiquement» le plus vite possible la crise née de l'élection présidentielle. «Nous sommes préoccupés et particulièrement affligés par les violences et les pertes de vies humaines en Iran», déclare le ministre dans un communiqué.