Il traduit en tamazight de la bande dessinée et de la poésie des pays scandinaves. Hamza Amarouche, ce jeune traducteur originaire de Bouira, travaille depuis quatre ans comme coordinateur des activités culturelles des immigrés à Helsinki, capitale de la Finlande. Il y anime des conférences, des rencontres et des séminaires sur la culture et la civilisation amazighes. Il s'est chargé d'une double mission : faire connaître aux Scandinaves les multiples facettes de notre culture, et nous faire découvrir la société des pays nordiques à travers sa littérature. C'est grâce à lui que les Algériens ont pu découvrir la bande dessinée finlandaise lors des festivals de la bande dessinée d'Alger (Fibda). C'est sur son initiative, également, que la ville d'Helsinki a adopté le nouvel an berbère «Yennayer» comme une fête officielle qui sera célébrée, pour la première fois, le 12 janvier prochain. Rencontré récemment, il nous a accordé cet entretien. Parlez-nous de vos débuts dans le domaine de la traduction. Cela a commencé en 2004, quand j'ai réalisé ma toute première traduction de l'anglais à l'arabe, d'un recueil de quatre nouvelles «Rahil Bila Wadaâ» (Départ sans adieu). Par la suite, j'ai continué à traduire dans la presse algérienne des nouvelles, de la poésie, etc. Pour ce qui est de tamazight, je suis arrivé à un certain point où il fallait réfléchir sur la façon avec laquelle on doit l'enrichir. Quand j'ai déménagé en Finlande, j'ai commencé à traduire la littérature scandinave qui est quasi méconnue en Algérie. J'ai commencé par la bande dessinée et la poésie. Vous avez traduit deux romans graphiques du Finlandais Ilpo Koskela, et un recueil de poésie du Suédois Tomas Transtromer. Pourquoi cet intérêt pour la littérature scandinave ? Quand j'ai décidé de traduire la littérature scandinave en tamazight, j'avais opté pour la bande dessinée. C'est ce que j'ai toujours aimé. Malheureusement, les anciens magazines de bande dessinée de notre enfance ont disparu en Algérie. L'idée a commencé à germer. Je me suis dit pourquoi ne pas traduire de la bande dessinée scandinave en tamazight. Je voulais faire d'une seule pierre deux coups, d'abord travailler la bande dessinée et l'enrichissement de la langue amazighe. J'avais pris contact avec Finnish Litterature Exchange (FILI), une institution qui promeut la littérature finlandaise à l'échelle internationale en accompagnant les traducteurs étrangers établis en Finlande. On m'a proposé plusieurs bédéistes finlandais et j'ai choisi Ilop Koskela parce qu'il écrit avec un style intéressant. Ses romans graphiques retracent des histoires vraies. C'est ce qui m'a poussé à traduire ses romans graphiques. Pour ce qui est de la traduction de la poésie, mon choix s'est porté sur la poésie suédoise. Pour Tomas Tranströmer, poète suédois et lauréat du prix Nobel de littérature en 2011, je l'ai découvert grâce Jaan Kaplinski, un poète et écrivain estonien très connu. Quand le projet était maturé, j'ai pris contact avec le poète. Après la mort de ce dernier, j'ai continué à travailler avec sa famille. Vous faites découvrir les lettres des pays nordiques aux lecteurs berbérophones. S'y intéressent-ils réellement? C'est difficile à dire. Lors des festivals, notamment le Fibda, nous avons réalisé le plus grand nombre de vente. Nous avons pu vendre plus de 200 exemplaires en trois jours. C'est intéressant mais cela est dû essentiellement à l'atmosphère du festival. Cependant, au niveau des librairies, le livre ne se vend pas assez. Quant au lecteur berbérophone, pour le gagner, il faut multiplier les rencontres. Je suis optimiste, le lectorat existe. Pas nombreux, certes, mais il existe. Y aura-t-il d'autres projets de traduction en tamazight comme le roman, la nouvelle, le théâtre ? Cela n'aura pas lieu dans les cinq prochaines années. Peut-être après. Pour le moment, je m'occupe de la promotion de la BD en tamazight. Je compte poursuivre ce projet au moins pour une période de cinq années, car un plan de travail a été mis en place avec la maison d'édition Oxygen Publishing House jusqu'à 2019. Pour ce qui est de nouvelles parutions, deux livres sortiront en 2017. Une traduction d'un recueil de poésie de Jaan Kaplinski, poète et écrivain estonien connu dans le monde entier et traduit dans plusieurs langues. Pourquoi cet écrivain ? Parce que c'est lui qui a traduit Mouloud Feraoun et Bachir Hadj Ali en estonien. L'autre livre est de Christian Hans Andersen, le célèbre auteur danois de contes et de fables. Plusieurs projets de traduction sont en attente d'être signés. Quand est-ce que le lecteur finnois et celui des autres pays scandinaves découvriront-ils la littérature algérienne et particulièrement amazighe ? Pour la traduction de la littérature amazighe aux langues des pays scandinaves, cette question a été déjà débattue avec quelques écrivains algériens. En ce qui me concerne, je parle le finnois et je l'utilise dans mon lieu de travail, mais pour traduire en cette langue c'est autre chose. Je ne dirai pas que c'est difficile, mais que cela demande beaucoup d'énergie et d'efforts. À mon avis, il faut laisser cette tâche aux traducteurs finlandais de traduire dans leur langue. Vous enseignez tamazight à l'université d'Helsinki depuis quelques mois. Comment cette initiative est-elle née ? L'année passée, nous avons organisé avec l'université d'Helsinki un grand séminaire sur la littérature et la civilisation amazighes. Par la suite, des étudiants m'ont contacté. Ils étaient intéressés d'apprendre la langue amazighe. Ce qui m'a encouragé dans cette initiative, c'est la disponibilité de l'université. Nous avons, donc, créé le premier groupe d'étudiants. Ils étaient quinze étudiants, quatorze Finlandais et un Thaïlandais. L'université compte refaire l'expérience, et ce sera peut-être en avril prochain. Il y a un autre projet à réaliser avec le département des études africaines au niveau de la même université. Nous voulons lancer un programme d'étude intensif de trois semaines mais qui va s'inscrire dans la durée.