Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme (Cnppdh), relève d'emblée l'urgence de recourir à une sorte de plan de sauvetage d'une jeunesse algérienne en perdition. En l'absence d'une intégration sociale dans leur propre pays où les horizons n'offrent à leurs yeux aucune perspective d'épanouissement, des pans entiers de la jeunesse, notamment des universitaires fraîchement diplômés, n'ont pas trouvé mieux comme solution à leur désespoir que cette folle aventure de se jeter à la mer pour tenter de rejoindre l'autre rive de la Méditerranée à bord d'embarcations de fortune. Contacté hier par nos soins, Farouk Ksentini s'est dit outré de la persistance de ce fléau qui ne cesse de faire des victimes parmi des jeunes gens qui passent de vie à trépas à la fleur d'âge, endeuillant ainsi l'esprit collectif des Algériens. «Ce phénomène social n'a que trop duré. L'urgence d'une solution à mettre en application dans l'immédiat pour juguler le fléau de la harga est inéluctable» souligne-t-il avec fermeté. De quel genre de solution s'agit-il au juste ? A cette question, le président de la Commission de promotion et de protection de l'homme préconise un traitement social de cette calamité qui tend à s'inscrire dans la continuité. La création d'emploi, l'assouplissement des mesures d'accès au logement pour la frange de la jeunesse sont entre autres quelques dispositions qui, selon Farouk Ksentini, sont à même d'atténuer des conséquences néfastes, pour ne pas dire terribles, du fléau des harraga qui ne cesse de faire couler beaucoup d'encre dans les colonnes des journaux, sapant chaque jour un peu plus le moral des Algériens. «Ces jeunes qui se jettent à la mer ne demandent pas la lune. Ils ne veulent qu'assurer leur avenir socioprofessionnel. S'il avaient un emploi stable pouvant leur permettre d'évoluer dans leur propre pays, il est certain que beaucoup d'entre eux, pour ne pas dire la totalité, renonceraient à l'aventure de la harga», explique en substance notre interlocuteur. Nécessité d'un nouveau discours à l'endroit de la jeunesse Ce que préconise Me Farouk Ksentini comme solution à caractère social visant à dissuader tout candidat à la harga et le faire renoncer à une telle aventure aux conséquences souvent fatidiques, constitue à n'en point douter une des préoccupations de l'heure des pouvoirs publics. Et ce n'est pas un observateur de la trempe du président de la Cncppdh qui est censé ignorer que l'Etat algérien envisage la création de pas moins de 3 millions de postes d'emploi d'ici à l'horizon 2014, de même que la réalisation d'un million d'unités de logements dont la réception est aussi programmée pour la même échéance. La prise en charge des préoccupations de la jeunesse est au centre des préoccupations des pouvoirs publics au plus haut niveau, vu que même le président de la République a réitéré à maintes reprises sa disponibilité quant à aider une jeunesse confinée dans un désespoir patent. Néanmoins, et loin de remettre en cause les engagements entérinés par le premier magistrat du pays, Farouk Ksentini fait savoir qu'il est grands temps de déployer un nouveau discours à l'endroit de la jeunesse. «Un discours auquel cette frange de la population devra non seulement être associée, mais à travers lequel le jeune algérien cultivera le sentiment d'être réellement pris en charge par les institutions de l'Etat prêtes à se pencher sur ses préoccupations multiples» explique encore Me Farouk Ksentini. En des termes plus clairs, le président de la Cncppdh soutient qu'il est plus que nécessaire de mettre un terme définitif à cette indifférence affichée à l'égard d'une jeunesse qui se meurt dans les eaux glacées de la Méditerranée sans susciter dans la plupart des cas la moindre réaction de la part des pouvoirs publics. La Commission Ksentini a remis son rapport aux autorités La Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme a établi tout un rapport contenant un ensemble de mesures, d'ordre social notamment, et qui sont destinées à lutter contre le phénomène de la harga. Lequel rapport a été remis aux pouvoirs publics il y a plus d'un mois, nous confie Me Ksentini. Ce dernier, soit dit au passage, a maintes fois affirmé son opposition quant à l'emprisonnement des harraga. Le président de la Cncppdh reconnaît tout de même que ce phénomène a de plus en plus tendance à se dévoiler telle une pratique relevant de la criminalité organisée.