Bombant le torse, le haggar de mari venu en liberté sous contrôle judiciaire que le juge allait empêcher de rentrer chez lui pour deux longues années de prison ferme pour avoir avoué avoir battu son épouse parce que c'est une femme ! Le président de la section correctionnelle d'El Harrach avait en cette belle journée printanière un véritable drame familial où l'époux est inculpé de coups et blessures volontaires à l'encontre de la maman de ses quatre enfants qui étaient revenus de loin, vingt et un jours après que le papa eut cassé la gueule de madame. A l'audience, on remarque tout, on voit tout, on entend tout, et souvent des vertes et des pas mûres. Mohamed Amine H., cinquante-quatre ans, ferronnier d'occasion, plombier, menuisier, mécanicien, un immense bricoleur en somme, est debout, pas amoindri du tout. Selon le PV d'audition, l'inculpé avait pris à partie madame alors que les enfants étaient sur les bancs de l'école. Une raclée mémorable que vont tour à tour raconter les antagonistes. La victime d'abord, de menue taille, un petit bout de femme, démontée déjà par quatre grossesses, raconte sa mésaventure. Auparavant, le juge avait tenu à ce que l'audience se déroule dans un climat sain, serein. «Le tribunal vous avertit qu'aucun débordement ne sera permis», dit-il en fixant l'inculpé surtout qui n'avait pas fini de gigoter, de se retourner, cherchant des yeux quelqu'un qu'il voudrait voir dans la salle. «Chacun donnera sa version des faits. Des faits si graves que chaque mot doit être pesé avant d'être prononcé», avertit encore une fois le magistrat, méfiant comme tout, surtout en ce qui concerne les dossiers qui coincent. Mohamed Amine semble attendre que madame commence sa version. Effectivement, la victime, les yeux vitreux, le fichu mal disposé sur la tête, regrette d'être à la barre à cause des enfants et l'environnement immédiat de la famille. «Lorsque c'étaient des coups de poings, j'ai avalé et je me suis tue, lorsque c'était des gifles, je n'ai rient dit, mais recevoir la boucle de la ceinture, ce n'est pas humain de ne pas se plaindre, on ne tue pas une épouse soumise. Pourtant, il n'a rien à me reprocher. Rien ne manque à mes enfants. La raclée d'il y a vingt deux jours, je ne suis pas près de l'oublier et je ne peux pas lui pardonner», pleure la victime qui n'a pas vu qu'au même moment plusieurs femmes présentes dans la salle d'audience pleuraient. Il y avait même deux jeunes ados qui sanglotaient. Le juge libère la victime : - «Madame, mettez-vous un peu plus à droite, là, oui. Vous, inculpé, qu'avez-vous à dire sur ce récit ? Etes-vous d'accord avec ce qu'elle vient de dire ?», dit le juge L'inculpé qui se croit tout permis lève la tête et lance : - «Elle n'a eu que ce qu'elle méritait. Je ne supporte pas certaines positions à la maison. Je suis le seul chef de famille !»- «Ok. Personne ici ne vous dispute votre statut», ajoute le président qui sent que quelque chose allait arriver, quelque chose comme un barrage qui vient de connaître une grosse fissure en plein milieu de l'édifice. - «C'est bon. Alors, moi, personnellement, je vais vous avouer pourquoi...» - «Attendez, inculpé. Avez-vous vu les photos prises en avril 2009, le jour où vous l'aviez massacrée», lance le président qui exhibe des photos d'une femme complètement défigurée par des bleus et des caillots de sang sur le visage - «Je l'ai battue parce que c'est une femme voila !», dit soudain l'inculpé. - «Ah bon ! Monsieur le procureur, vos demandes ?» - «Quatre ans de prison ferme appuyée par un mandat de dépôt à l'audience, car si Mohamed Amine était sous contrôle judiciaire...» Et le barrage d'eau en furie allait noyer l'inculpé qui écope sur le siège de deux ans de prisons ferme et d'un mandat de dépôt à l'audience. La victime souffle, elle est rassurée, elle sent comme une vengeance d'une justice divine plutôt qu'humaine. L'inculpé, lui, moins arrogant lance : - «Vous m'envoyez en prison alors ?» balbutie Mohamed Amine. - «Oui et vous avez dix jours pour interjeter appel.»