Rencontré lors du colloque sur les mythes fondateurs en littérature, Benaouda Lebdaï a eu l'affabilité de nous expliciter les mythes fondateurs propres à l'humanité. Ce professeur des universités à l'université du Mans en France et chroniqueur littéraire empreint d'urbanité affirme que l'imaginaire d'un écrivain, quelle que soit sa latitude à laquelle se greffent ses mythes, ne peut donner qu'une littérature vraie et authentique à l'image de la société. Dans cet entretien intéressant, ce chercheur émérite décline l'oralité comme source d'un imaginaire fécond. Le Temps d'Algérie : Peut-on connaître votre activité au sein de l'université et vos divers travaux de recherches ? Benaouda Lebdaï : Je suis professeur des universités au Mans en France, au sein du département d'anglais. J'y enseigne les littératures coloniales et postcoloniales, en particulier les littératures africaines. Je suis aussi responsable des échanges enseignants avec les universités partenaires. Dans ce cadre, j'ai établi des contacts entre l'université du Maine, Le Mans, et l'université de Bouzaréah, entre les départements de lettres. C'est dans ce sens que nous allons organiser un colloque international sur les littératures africaines, sur l'écriture de femmes, espaces et territoires, les 5, 6 et 7 décembre 2010 à Alger. Est-ce que chaque pays a ses mythes ou sont-ils propres à certains ? En ce qui concerne la question des mythes, il est clair selon qu'il y a des mythes fondateurs qui sont devenus communs à l'humanité, une sorte de pot commun, que l'on puise dans les mythes grecs ou arabes par exemple. Cependant, chaque nation possède ses mythes et chaque nation construit ses propres mythes. En Afrique, il existe autant de mythes que de peuples qui possèdent et partagent la même culture. L'oralité africaine est un puits inépuisable de mythes fondateurs qui sont présents pour expliquer le monde, pour donner du sens aux racines, à l'histoire, à ce qui nous entoure. Est-ce que la littérature anglo-saxonne ne puise-t-elle pas dans ses mythes ? Bien entendu que la littérature anglo-saxonne puise dans ses propres mythes et les crée aussi, comme le mythe de la puissance britannique qui s'est construit depuis le Moyen-Age et auquel il a contribué ! Il y a aussi le mythe de sa puissance maritime qui a contribué à la construction de l'empire. L'imaginaire d'un écrivain ne suffit-il pas pour écrire, faut-il lui rajouter ces mythes ? L'imaginaire de tout écrivain est la première ressource de toute sa création. Sa fiction vient de là. Son univers mental doit lui être propre, car sans cela il ne fera que plagier et ne sera pas authentique, il ne sera pas lui-même. Maintenant, à son imaginaire personnel, l'écrivain va aussi chercher dans les mythes de sa société pour écrire, pour être vrai vis-à-vis de sa société, s'il le désire bien entendu. Dans les littératures africaines, l'utilisation des mythes est nécessaire, car elle permet de se réapproprier sa propre histoire vu les vicissitudes du colonialisme. Les mythes sont fondateurs mais tous les mythes ne sont pas tous à reprendre, il existe des mythes réactionnaires. Avez-vous des projets d'écriture en cours ? Je viens de publier un ouvrage sur les littératures africaines intitulé De la littérature africaine aux littératures africaines : lectures critiques aux éditions du Tell. Je travaille sur un projet d'écriture d'un ouvrage critique sur la romancière sud-africaine Nadine Gordimer, et je prépare avec des collègues un grand colloque international sur les romancières africaines «Espaces et territoires» qui se déroulera à Alger début décembre 2010.