L'entrée du fonds d'investissement dans le capital de l'entreprise algérienne actuellement est recommandée par les experts financiers et certains opérateurs économiques mais en accompagnement à d'autres modes de financement, alors que d'autres estiment qu'elle est «prématurée» dans le contexte actuel du marché national. Une dizaine d'entreprises algériennes ont ouvert leurs capitaux respectifs à des fonds d'investissement étrangers, a indiqué, hier à Alger, Lies Kerrar, président du cabinet conseils Humilis Finances, en marge du déjeuner-débat autour de la question du financement de la croissance des entreprises organisé par le Club d'action et de réflexion autour de l'entreprise (Care). Il citera le cas des Nouvelles conserveries algériennes (NCA) qui a été la première à permettre à un fonds d'investissement d'entrer dans son capital. M. Kerrar, ayant participé à plusieurs transactions de ce genre, a souligné que «le fonds d'investissement permet un financement sur fonds propres mais ne devra pas être le seul mode pour garantir la pérennité d'une entreprise : l'emprunt obligataire, le capital risque et le crédit peuvent accompagner l'ouverture du capital à un fonds d'investissement». Il a proposé que les particuliers fassent des placements dans la croissance des entreprises et pas seulement dans le foncier et l'immobilier. Par ailleurs, l'Etat doit mettre en Bourse plusieurs entreprises publiques pour permettre à celles-ci de décoller. Plusieurs fonds d'investissement étrangers sont présents sur le marché algérien, comme Asicom (algéro-saoudien), Finalep (algéro-européen), Sofinance et un nouveau fonds algéro-qatari qui s'adaptent à la réglementation en vigueur les autorisant à entrer à hauteur de 49% du capital de l'entreprise algérienne (loi de finances complémentaire 2009) mais ces fonds se contentent actuellement de 30 à 40% du capital pour une durée moyenne de 5 ans avec un ou deux ans supplémentaires, a signalé maître Samir Hamouda, avocat spécialisé en droit des affaires et membre de la Care. «C'est selon l'entreprise et la rémunération des gestionnaires du fonds, soit la rentabilité. D'autant que les partenaires ont le temps de se connaître puisque les négociations d'entrée dans le capital durent entre huit mois et deux ans», ajoute Adel Bouekkaz, DG de Nomad Capital. Ce dernier considère le recours au fonds d'investissement comme un moyen «fiable» pour le financement des entreprises, d'autant plus que le marché algérien est prêt pour ce genre de financement. L'exigence de la transparence L'avantage, selon les présents, le fonds d'investissement en tant que partenaire exige la transparence dans la gestion de l'entreprise et sa présence au quotidien n'est pas nécessaire. Donc, selon eux, l'entrée du fonds d'investissement dans le capital de l'entreprise réduit l'informel qui peut aller du simple au double, et dans les secteurs de la pharmacie, il peut être multiplié par 10, a soutenu M. Bouekkaz. Toutefois, il a relevé que «des cas d'échec et de mauvaises expériences ne sont pas à écarter», comme il en a existé dans le financement des entreprises par emprunt obligataire, comme c'est le cas de l'entreprise Dahli et de l'Eepad. Selon un opérateur économique privé, il faudra passer par les autres modes de financement qui coûtent moins cher pour arriver au plus cher que le fonds d'investissement considère comme un moyen de financement coûteux mais garanti. Ce chef d'entreprise a déploré que la réglementation en vigueur ne permette pas la création de fonds d'investissement algérien. Il s'est interrogé par ailleurs sur la création des 48 fonds publics projetés par l'Etat algérien dans la conjoncture actuelle en l'absence de compétences en la matière et de système adapté qui permette la rémunération des gestionnaires du fonds. Pour Mohamed Bourenane, conseiller auprès de la Banque africaine de développement (BAD), trois types de fonds existent selon le segment d'activité. Il a avancé que «l'ouverture du capital assure un véritable avenir à l'entreprise d'autant qu'il se retire après une durée limitée dans le temps car les porteurs (ceux qui apportent leur argent) dans le fonds ont des stratégies de sortie.* C'est l'effet boule de neige car il s'agit de porteurs institutionnels».Pour lui, «l'Algérie ne peut y échapper mais il faudra sécuriser les propriétaires initiaux de l'entreprise». Il a ajouté que l'avantage en Algérie c'est que «la fiscalité algérienne est très complexe mais possède un taux relativement bas d'imposition et le taux de mortalité des entreprises est beaucoup plus faible par rapport aux autres pays dans le monde ou en Afrique», en notant que «les fonds d'investissement ne s'intéressent pas seulement aux entreprises en bonne santé. Ils s'intéressent de plus en plus aux entreprises en difficulté». Le financement des entreprises, un problème Enfin, le DG de la Chambre algérienne de commerce et d'industrie (Caci), Mohamed Chami, a relevé qu'«il est difficile de lever des capitaux en Algérie au niveau des banques. La Bourse est difficilement accessible pour les PME et il existe un réel problème de financement des entreprises car le fonds de garantie ne joue pas son rôle malgré que le marché algérien soit porteur». Il a suggéré d'évacuer les fonds d'investissement et penser plutôt à former les banquiers d'agences, ceux qui font les analyses bilancielles car beaucoup de projets de PME sont, selon lui, bancables, en concluant : «Si le tiers des entreprises créées se développe en Algérie c'est une réussite.» Pour lui, l'intervention du fonds d'investissement est encore «prématurée».