L'hôtel Châteauneuf, le Palais des congrès et la mosquée Ibn Badis, un gâchis qui continue de narguer le bon sens et de peser comme un boulet qui entrave l'envolée d'Oran vers le futur et vers la modernité. La ville cache mal ses furoncles hideux qui agressent le visiteur venu découvrir ses charmes. Oran ne sait plus à quel saint se vouer pour voir ces chantiers qui s'éternisent livrés et leur dossier volumineux enfin rangé dans les tiroirs de l'histoire. La volonté ne suffit plus et quand on évoque la question avec des responsables locaux, on bute sur un mur de silence. Châteauneuf, la mosquée Ibn Badis et le palais des congrès, des ogres budgétivores qui on tout bouffé sans voir le jour. Ils restent au stade des projets sans suite, comme un enfant qu'on n'arrive même pas à faire venir au monde à coups de forceps. Falmenco, groupe Mehri, Sonatrach Au milieu des années quatre-vingts, l'idée de doter la capitale de l'Ouest d'un complexe hôtelier à la mesure de ses ambitions avait effleuré l'esprit des responsables locaux. On n'avait pas trop cherché, l'assiette située au-dessus de la promenade de L'Etang était l'endroit rêvé pour ériger une tour qui devait abriter un hôtel de 5 étoiles. Toutes les entraves administratives étaient en principe levées et le projet devait démarrer en 1986. L'édifice, adossé au palais du Bey, classé monument historique, composé d'une tour de 18 étages et de plusieurs structures d'accompagnement, vit le jour quelques mois plus tard. Mais les entraves qu'on disait levées refirent surface. Le terrain est déclaré non constructible, et la circonscription d'archéologie, véritable gardienne du temple, opposa un veto à la réalisation d'une voie permettant l'accès au site par la place du 1er Novembre ou de l'esplanade qui jouxte le théâtre de verdure. Mieux encore, elle exigea la démolition des parties construites sur un terrain qui regorge de catacombes et de galeries datant de l'époque ottomane. En 1995, alors que la guerre faisait rage entre la circonscription d'archéologie et l'entreprise de gestion touristique de Sidi Fredj (EGT), maître de l'ouvrage, un responsable qui avait déploré l'état d'abandon dans lequel se trouvait le projet avait avoué, dans une déclaration faite au ministre de la Culture de l'époque, «aujourd'hui nous ne pouvons même pas creuser sur une profondeur de 15 centimètres pour réaliser un parking ou un court de tennis, l'étude de faisabilité a été escamotée et aujourd'hui nous payons les frais de la légèreté», avait-il déclaré. Depuis, toutes les tentatives d'intéresser des repreneurs ont été un échec. Les espagnols «peu recommandables» du groupe Falmenco qui avaient réussi à séduire les responsables du secteur du tourisme à cette époque, en usant de tricherie et de faux et usage de faux, au point de gagner le droit de gérer plusieurs sites et complexes hôteliers en Algérie, avaient manifesté un intérêt pour la reprise du projet. Mais une fois démasqués et leur entreprise de faire main basse sur les bijoux du secteur déjouée, l'édifice, gris et hideux, était retombé dans l'oubli. En 1998, le groupe Mehri est venu à la rescousse. Mais mis au courant de la bataille juridique autour de la propriété du terrain qui faisait toujours rage en l'EGT Sidi Fredj et la circonscription d'archéologie, il a préféré faire marche arrière. Toutes les tentatives de reprise du projet ont buté sur l'aléa de la voie d'accès et de la propriété de l'assiette foncière. Même Sonatrach, lancée en pleins préparatifs de la conférence de l'Opep en décembre 2008, avait annoncé sa volonté de reprendre l'édifice pour y installer un hôtel de classe internationale et un palais des conventions. L'idée n'a pas fait long feu, puisque les entraves administratives refaisaient toujours surface. Il y a quelques jours, l'assemblée populaire communale a voté une délibération pour la reprise du projet pour y domicilier une partie des services communaux. Une enveloppe a même été dégagée et un concours d'idées a été annoncé. Serait-ce le bout du tunnel pour cette fois ? Mais en attendant, le regard du visiteur d'Oran, de passage par la place du 1er Novembre ou par le Front de mer, est agressé par l'image d'une imposante carcasse en béton qui continue d'être balayée par les vents marins. Promesse avait été faite au chef de l'Etat de l'accueillir pour la prière de l'Aïd el fitr de l'année 2008 :la mosquée Ibn Badis ou le chemin de Damas Au mois d'août 2007, au cours d'une visite du président de la République, les responsables locaux lui avaient présenté le projet de la grande mosquée Ibn Badis dont le minaret devait culminer à une hauteur de 104 m. L'idée avait séduit Abdelaziz Bouteflika qui avait ordonné de débloquer un montant de 500 milliards de centimes pour permettre la réalisation des gros œuvres et donner corps à un projet à la traîne depuis 1972, l'année de la pose de la première pierre de ce lieu de culte. La mosquée Ibn Badis d'Oran, qui devait voir le jour sur un terrain situé dans le prolongement du boulevard du Front de mer, a connu à ce jour mille et une tribulations. Depuis son lancement, le projet est resté au stade de la carcasse, et les fidèles devront encore patienter avant de pouvoir y faire leurs prières. Durant les années quatre-vingts et alors que l'association religieuse chargée du suivi du projet pensait avoir levé les dernières contraintes pour entamer la construction, ses membres furent surpris de constater que la première assiette foncière qui leur avait été attribuée faisait l'objet d'un litige. Bien waqf, le terrain ne devait faire l'objet d'aucune transaction mais… il fut cédé à des particuliers, au grand dam de l'association, obligée d'aller chercher ailleurs. Le scandale, puisque c'en est un, a été étouffé, et le projet a été déplacé vers le rond-point de la cité Djameleddine où il continue de voir passer le temps sans accueillir ses premiers fidèles. En 2007, les travaux de réalisation, qui étaient depuis 2001 à l'arrêt, furent confiés à une entreprise chinoise. Tous les Oranais pensaient que la promesse faite au chef de l'Etat de l'accueillir dans la mosquée pour la prière de l'Aïd el fitr de l'année 2008 allait être tenue. Mais ce ne fut qu'un autre chiffre dans le long chapelet de promesses non tenues, et l'entreprise chinoise a abandonné le chantier après avoir réalisé les gros œuvres. Il y a lieu de rappeler qu'en 2000, après une énième relance des travaux par l'entreprise Cosider, le CTC avait ordonné la démolition de 75 piliers de 18 m chacun qui devaient supporter la salle des prières. Ces colonnes en béton armé, qui trônaient dans le chantier, tels de vulgaires menhirs dans une plaine décharnée balayée par un vent glacial, étaient déclarées non conformes aux normes en vigueur. Le dosage ciment-sable ne répondait pas aux normes de compression édictées depuis le séisme de Boumerdès. L'entreprise chinoise avait procédé à leur démolition avant de reprendre la construction, la terminer et plier bagage. Aujourd'hui, trente-quatre ans après la pose de la première pierre, le projet reste à l'état de carcasse, une carcasse grise qui fait face à l'imposant bâtiment rutilant neuf qui abrite la direction de l'activité aval de Sonatrach. Jusqu'à présent, le projet a consommé près de 50 milliards de centimes en dons de bienfaiteurs et d'allocations publiques sans connaître sa livraison. Quel dommage ! Le palais des congrès abandonné aux vents et aux SDF Déjà lors de son inscription en 2001, le projet qu'on avait présenté comme structurant avait poussé certains à faire la moue. Le choix de l'assiette devant abriter l'édifice a été sujet à débat. Plusieurs urbanistes et élus locaux avaient affirmé que l'implantation du futur palais des congrès d'Oran à Haï Essabah, une cité populeuse, n'était pas idoine. «Imaginez un seul instant que des émeutes éclatent au moment où le palais abrite une rencontre internationale. C'est de la pure folie, il faut penser comment sécuriser l'endroit et comment ne pas écorner l'image de l'Algérie si des manifestations étaient violemment réprimées devant les caméras du monde entier. Ce sont des cas de figure qu'il faut prendre en compte avant de choisir une assiette devant abriter ce type d'infrastructures», avait souligné un élu d'Oran à cette époque. Mais ses remarques ont été ignorées, et aujourd'hui l'édifice, abandonné, est devenu un abri pour les SDF. Les travaux de réalisation confiés à l'entreprise Cosider puis au groupement turc Atlas ont été livrés dans un temps record, puis c'est le néant. Le visiteur de passage par la cité Haï Essabah, à l'est d'Oran, est intrigué par l'imposante carcasse en béton laissée à l'abandon. Il y a quelques mois, la direction du logement et des équipements publics avait émis l'idée de transformer la bâtisse en futur palais de la culture, mais l'étude de faisabilité confiée à un bureau italien a été abandonnée. Le projet lancé grâce à une enveloppe estimée à 36 milliards de centimes devait abriter une salle de conférences de 1200 places, une autre de 700, une bibliothèque, des salles de réunions et plusieurs autres dépendances. Cet état d'abandon pourrait également frapper les résidences, El Bahia composée de 4 tours et lancée par le promoteur Mobilart, et Zabana dont le promoteur n'est autre que le groupe Cherif. Ces projets, qui affichent un appréciable taux d'avancement, sont à l'arrêt, le premier pour une sombre affaire de remboursement de crédits bancaires et le second pour des considérations administratives liées au choix de l'assiette foncière. En attendant de voir tous ces projets relancés, le visiteur d'Oran de passage par la rue Khemisti est frappé par le spectacle d'une autre bâtisse qui trône en plein centre-ville. Mais pour celle-ci, bien privé, c'est un autre cas de figure. Les travaux qui devaient donner naissance à un parking à étages et à plusieurs bureaux sont à l'arrêt en raison d'un litige opposant des héritiers.