«Ils n'ont pas été ridicules, ils ont joué de malchance c'est tout», dira Ali, un jeune qui semblait perdu dans le centre-ville d'Oran encore désert dix minutes après la fin du match. Dès la veille, la capitale de l'Ouest s'était préparée pour le match. Les Oranais avaient annulé leurs rendez-vous, s'étaient organisés pour suivre ensemble la rencontre et orné les murs des cités en vert et banc. Sur la terrasse d'un café de la Place d'armes qui avait installé un téléviseur pour ses clients, les commentaires étaient unanimes à dire que le résultat du match s'est joué à quelques détails. Saïd, qui s'acharnait à cuver les dernières gouttes de son petit verre de thé, froid depuis le début de la deuxième mi-temps, dira : «Ce fut une poignée d'occasions ratées, un manque d'attention et l'expulsion de Ghazal qui nous ont fait perdre le match qu'on avait pourtant à portée de main.» La ville a vécu au ralenti l'avant-match. Les administrations avaient autorisé leurs personnels à s'organiser pour suivre la rencontre. Certains employés de la mairie de la Place d'armes se sont rués sur les cafés du quartier pour ne rien rater du spectacle et reprendre leur travail dès la fin du match. «Oran kanet khaouya men s'bah (Oran est désert depuis le matin)», fera remarquer Amina, une jeune employée d'une administration publique qui avait les larmes aux yeux après la fin du match. Inconsolable, elle s'en ira d'un pas traînant rejoindre son bureau où l'attendaient d'autres collègues encore plus frustrés. «Le match était à notre portée, Ghezal a subi la pression du public et Chaouchi a montré encore une fois qu'il n'est pas sûr. C'est la loi du football mais j'ai comme une boule qui m'étreint la gorge, je ne peux même pas parler», dira-t-elle avant de détourner son regard et nous quitter. Pourtant, la ville avait cru à un exploit durant toute une mi-temps. Certains Oranais avaient même osé des coups de klaxon à la fin de la première mi-temps. Ils avaient créé un grand boucan dans le centre-ville avant que le vacarme ne s'apaise pour laisser place à un silence religieux au début de la seconde période du match. Et au fil des minutes, les visages se refermaient et la tension devenait poignante jusqu'à la 79' qui vit un voile d'abattement envelopper les mines devenues grises. A la fin du match, la ville, groggy, tentait de revenir à la raison. «Il reste encore deux matches et il reste encore un espoir», dira Ali mais sans convaincre le groupe de ses amis qui avaient pris place sous un balcon de la Rue Khemisti encore déserte pour refaire le match à leur manière. La vie reprenait ses droits petit à petit et Oran s'est rappelée, après un moment d'absence, qu'elle avait un quotidien à supporter, des destins à faire et à défaire et une vie qui doit reprendre ses droits quelle que soit l'issue d'un match même s'il compte pour la Coupe du monde.