Les causes sont nombreuses qui expliquent les erreurs de transcription des noms et prénoms dans les documents officiels. La plus évidente est que les agents de l'état civil commettent, involontairement, quelques fautes minimes en remplissant les actes. Insignifiantes pour des préposés souvent recrutés dans le cadre du filet social, ces erreurs entraînent de lourdes conséquences aux citoyens concernés. Récurrentes, les erreurs de transcription de noms, prénoms, date et lieu de naissance agacent les citoyens qui se retrouvent, à cause d'une lettre qui manque ou d'un chiffre qui n'est pas à sa place, à patienter devant les tribunaux. Parce que rectifier un nom déformé, une date de naissance inexacte ou une confusion de sexe n'est pas une sinécure. Il faut se rapprocher du tribunal de son lieu de naissance, introduire une requête et présenter les documents justifiant les rectifications demandées. «Plus que la procédure, c'est le temps que mettent les gens pour retrouver les documents originaux qui pose problème», explique une greffière près le tribunal de Sidi M'hamed. Elle ajoute que ces erreurs répétitives «alourdissent» la charge de travail des magistrats. Un agent au niveau du tribunal de Hussein Dey indique que ce problème s'est posé en particulier pour les citoyens nés dans cette commune entre 1990 et 1993, où l'on a constaté des erreurs à profusion. Pour des raisons obscures, les seconds prénoms ont été omis, des noms déformés et des dates de naissance falsifiées. Selon un magistrat, les demandes de rectification de noms ont connu leur acmé entre 2000 et 2003 ; beaucoup de parents s'étaient rendu compte, lorsqu'il a fallu établir des cartes d'identité pour leurs enfants en âge de passer l'examen du BEF, que les prénoms de leurs enfants - et parfois les noms et les dates de naissance - figurant sur les actes originaux sont différents de ceux transcrits sur les livrets de famille. Au niveau des guichets de l'état civil de Chéraga, le sujet des transcriptions erronées est perçu comme un fait anodin. Un préposé au guichet indique que la pression est énorme sur le personnel du service qui doit faire face à une demande toujours importante. La charge de travail, le stress, les récriminations du public ne sont pas pour permettre aux agents de travailler dans la sérénité. D'où, immanquablement, des fautes d'inattention et des confusions de transcription, explique un agent qui dit se perdre entre Idir, Iddir, Idder, Ider et Aider ou entre Mohammed et Mohamed, Mahammed et Mohammad… Il nous déroule une série d'autres noms et prénoms que chacun transcrit à sa manière, «surtout lorsqu'il faut le faire du français à l'arabe, à partir des anciens registres», ou vice-versa pour les gens qui demandent des documents en langue française, à l'exemple des émigrés. Formation incomplète et pression du public Durant des périodes précises de l'année, certaines APC délivrent des centaines d'actes par jour. A l'exemple d'Oran, où le service d'état civil produit jusqu'à 2000, voire 2500 actes. La mairie de Kouba, à Alger, en délivre 200 à 250 par jour «en temps ordinaire». «Difficile dans ces conditions de ne pas commettre quelques erreurs, surtout que les agents transcrivent toutes les pièces au stylo», admet le premier adjoint au P/APC de Souidania. «Une lettre oubliée ou ajoutée par mégarde, un chiffre mal écrit et c'est la catastrophe : l'erreur, au départ minime, peut s'avérer problématique par la suite pour les concernés.» A Chéraga, les préposés au guichet de l'état civil reconnaissent volontiers que l'erreur est due à «l'inadvertance, l'étourderie et la pression du public». Mais, tiennent-ils à faire remarquer, «la faute est aussi partagée par les usagers qui ne vérifient pas le contenu du document qui leur est délivré. Ce n'est qu'après coup qu'ils viennent signaler l'erreur, et cela induit forcément quelques complications bureaucratiques», expliquent-ils. Des usagers rencontrés sur les lieux estiment qu'il est grand temps d'informatiser tous les services d'état civil. Pour eux, c'est la seule solution à l'épineux problème que représente la mauvaise transcription des documents officiels. Un citoyen, qui dit avoir dirigé une importante entreprise nationale, trouve inconcevable que l'on confie à des jeunes sachant à peine lire et écrire des postes de travail au sein d'un service aussi sensible que l'état civil. Lui-même victime de nombreuses erreurs de transcription de nom, il se dit convaincu que l'informatisation des services de l'administration est incontournable. Pour cet ancien cadre supérieur, le problème est à prendre au sérieux parce qu'il ne se limite pas au seul service d'état civil. «Les services des impôts, de la justice, de la police, des douanes, voire le marchand qui vous établit une facture peuvent mal écrire noms, prénoms, fonctions et qualités. C'est après coup que vous allez être confronté à des situations inextricables», conclut-il. Solution idoine, la révolution numérique que tout le monde espère se concrétiser au plus tôt à travers la réactivation du projet dit «e-algerie». Inscrite au titre des priorités du développement national, l'opération a pour objectif de mettre en ligne les services de l'état-civil, des impôts et de la justice, entre autres. En principe, toutes les institutions et l'ensemble des ministères sont concernés. Cette opération permettra d'offrir 295 services en ligne en direction des citoyens, 86 services en direction des employés et 66 services en direction des entreprises.