Comme dans la plupart des sociétés humaines, il est de coutume en Algérie que les vieilles personnes vivent parmi leurs enfants ou leurs petits-enfants, lesquels sont tenus, sinon de leur assurer les conditions minimales d'une vie décente, du moins leur prêter aide et assistance dans la vie de tous les jours. L'éclatement de la famille traditionnelle et les mutations sociétales ont fini par provoquer des cassures irrémédiables conséquentes aux transformations du mode de vie : la famille atomisée n'est plus en mesure d'assumer les fonctions classiques de la famille élargie. La prise en charge et des personnes âgées et des autres membres de la famille s'en trouve hypothéquée, et cette situation appelle à des solutions de rechange urgentes. La réponse passe inévitablement par la nécessaire mise en place d'un dispositif légal et contraignant devant assurer la décence à laquelle aspire cette catégorie vulnérable de la population. En somme, l'Etat est tenu d'imaginer des solutions idoines consistant non seulement à garantir les conditions d'existence des personnes âgées à travers le versement de pensions et autres subsides, mais aussi et surtout, assurer leur bien-être, au même titre d'ailleurs que le reste de la population. Il faut savoir, en effet, que depuis quelques années, les vieilles personnes ne jouissent plus du respect quasi religieux que leur vouait la société algérienne. Aujourd'hui, personne ne s'étonne que de vieux parents soient brutalisés et humiliés, voire abandonnés par leurs propres enfants, quand ils ne sont pas placés d'autorité dans des centres de vieillesse. Un acte inimaginable il y a quelque temps mais qui commence à être admis par une partie de l'opinion publique, laquelle a pris conscience de l'impossibilité, pour une majorité de familles algériennes, d'assurer le confort de parents âgés, surtout lorsque ces mêmes parents sont impotents, handicapés ou grands malades. De fait, rares sont les familles qui peuvent se permettre des infirmières ou des gardes-malades à domicile ou qui sont prêtes à dépenser des fortunes pour que leurs vieux parents soient préservés «du moindre souffle d'air». A l'inverse, elles sont nombreuses celles qui ne peuvent se permettre l'achat de médicaments ou l'acquisition de matériels et autres produits d'hygiène spécifiques aux vieilles personnes impotentes. Dans beaucoup de cas, les enfants censés prendre en charge leurs parents ne bénéficient pas de l'assurance sociale, ou disposent de revenus trop faibles qui n'arrivent même pas à couvrir les dépenses ordinaires du foyer. Il est vrai que la difficulté est réelle pour de nombreuses familles d'assumer leurs responsabilités envers leurs parents âgés. Mais il ne faut pas non plus se voiler la face et ignorer que, grâce à leurs rentes et pensions, de nombreux vieux font vivre des familles entières, sans pour autant jouir du respect qui leur est dû. Nombreux sont ceux victimes de leur propres enfants qui n'hésitent pas à les dépouiller sans vergogne en encaissant ces rétributions à leur place. Cela, les autorités le savent, et c'est ce qui explique le caractère coercitif du texte en cours de discussion à l'APN, lequel a aussi le mérite de casser de nombreux tabous puisqu'il impose un débat, longtemps esquivé, sur les maisons de retraite et autres pensionnats pour personnes âgées. Tôt ou tard, l'Algérie devrait y arriver.