La mise en place d'une politique d'accession à la propriété modulée en fonction des niveaux de revenus des ménages a été recommandée par la Banque mondiale dans les années 90. En 2001, le ministère de l'Habitat a lancé la formule location-vente, confiée l'Agence nationale de l'amélioration et du développement du logement (Aadl). Cette formule était porteuse d'espoir pour les couches dites «intermédiaires» qui sont exclues des programmes de logements sociaux sans pouvoir, pour autant, postuler pour le logement promotionnel, jugé trop cher. La formule Aadl devait amorcer un nouveau cadre de vie aux bénéficiaires et par la même améliorer l'image des villes en introduisant un nouveau modèle de cités. Le 18 août 2001 fut la date du lancement du programme qui a connu un engouement sans précédent, surtout au niveau de la capitale en raison de l'important déficit en logements. Des délais ont été arrêtés contractuellement à 18 mois ou à 22 mois. Ce qui signifie que le programme de 55 000 logements de type location-vente devait être achevé au plus tard au cours du 1er trimestre 2007. Le président de la République a même donné des instructions fermes pour achever les projets dans les délais impartis et a demandé la mise en œuvre d'un système de trois fois huit afin d'avoir une activité non-stop au niveau des chantiers. Les entreprises chinoises ont décroché 70% du programme à réaliser. Au regard de l'intérêt porté au programme de 55 000 logements, l'ex-ministre de l'Habitat, Nadir Hamimid, avait déclaré, en 2002, que le gouvernement (de l'époque) ne comptait pas s'arrêter là. Il a déclaré que le gouvernement cherchait d'autres sources de financement pour d'autres programmes. Pour le ministre, la location-vente ne doit pas être une «opération ponctuelle, mais une formule bien installée dans le temps». D'ailleurs, les demandes de nouveaux candidats avaient continué à être réceptionnées par les différents guichets de l'Aadl. Des irrégularités préjudiciables aux acquéreurs Devant les avantages offerts par la formule location-vente, des irrégularités ont commencé à apparaître dès les premières années. Selon les témoignages des souscripteurs, les critères d'attribution des logements n'ont pas été respectés par l'agence. Des personnes âgées de plus de 50 ans, inscrites parmi les premiers, n'ont pas bénéficié d'un logement alors qu'ils remplissent l'ensemble des critères d'éligibilité. Certaines personnes de cette catégorie ont effectivement pu bénéficier d'un logement. Mais à ce jour, ils n'ont pas encore pris possession de leur bien. Pourtant, comme le prévoit la réglementation régissant le programme location-vente, «l'échéancier ne saurait s'étaler sur une période supérieure à 20 ans et le paiement du montant de la dernière mensualité du prix de vente du logement doit être effectué avant que l'âge du locataire acquéreur n'atteigne soixante cinq ans révolus». Or, certains bénéficiaires avaient plus de 60 ans lorsqu'ils ont obtenu les clés de leur appartement. Un nouvel échéancier leur a été imposé afin de terminer le payement avant l'âge de 65 ans. Ces locataires acquéreurs retraités ayant de pauvres pensions sont dans l'obligation de payer mensuellement d'importantes sommes du montant restant du prix du logement à défaut d'être exclus alors qu'ils ont attendu une dizaine d'années pour y habiter. Qu'est-il advenu du programme confié à la Cnep Immo ? En 2007, le ministre de l'Habitat, Nourredine Moussa, avait officiellement délégué à la Cnep-Immo le projet de réalisation de 65 000 logements formule location-vente initialement inscrit dans le projet complémentaire de l'Aadl. Au cours du point de presse qui a suivi la cérémonie de signature, Nourredine Moussa avait expliqué que sur les 65 000 logements prévus, 11 431 étaient en cours de réalisation. 13 137 autres appartements étaient programmés durant l'année 2008. Mais à cette époque, il a déclaré que ce programme concerne 14 wilayas, mais Alger n'est pas bénéficiaire de ce projet. Contrairement aux autres projets, ceux du programme de location-vente dans la capitale ont toujours fait face au problème du déficit des assiettes foncières. Le lot identifié à Réghaïa n'a pas vu finalement la concrétisation du projet à ce jour. Pourtant, le programme confié à la Cnep-Immo bénéficie de l'aide de l'Etat et de financement, notamment pour la partie VRD, qualifiée des plus onéreuses. La demande à Alger est loin d'être satisfaite Depuis le blocage du projet confié à la Cnep-Immo, des milliers de souscripteurs constatent que leurs dossiers sont restés en souffrance au niveau de l'Aadl. Il s'agit cette fois du nombre exact des dossiers éligibles mais qui n'ont pas eu la chance de bénéficier d'une habitation. Au moment où l'association des souscripteurs de 2001 avance un nombre de 4500 dossiers à Alger, le ministre de l'Habitat parle d'un chiffre beaucoup plus important. Il a déclaré récemment qu'ils sont plus de 158 000 personnes inscrites dans les listes d'attente de l'agence. Cependant, il y a quatre ans, le ministre parlait de 350 000 demandes dont 184 000 dans la capitale. L'Aadl a recensé, pour sa part, 116 000 demandes à Alger, en 2006. Pour résorber le déficit dans la capitale, il faudra construire entre 200 000 et 300 000 logements par an, affirment des responsables du secteur de l'habitat. Mais les demandeurs sont conviés par le ministre à plusieurs reprises à s'orienter vers d'autres programmes, tels que le logement social participatif (LSP), le promotionnel ou autres. Or, ce que le ministre a manqué de signaler, c'est l'échec des tentatives des postulants au logement de bénéficier de tel ou tel programme. Pis, la multiplication des cas d'arnaque a même dissuadé les demandeurs d'acquérir une habitation réalisée par un promoteur privé. Malgré l'annonce du projet d'un million de logements dans le cadre du programme quinquennal 2004-2009 précédé par le programme de 55 000 logements de type location-vente, le déficit en logements se pose avec acuité au regard de la forte demande exprimée, plus particulièrement dans la capitale. L'avantageuse formule location-vente devait donner la possibilité de bénéficier d'un financement sans intérêts, remboursable sur 25 ans. A quand l'achèvement des derniers projets ? Le DG de l'Aadl, Mohamed Khebbache, a déclaré en 2008 que «14 000 logements seront livrés avant la fin de l'année 2009». Le retard accusé est souvent expliqué par la mauvaise qualité des terrains mis à la disposition de l'agence, le séisme de 2003 qui a conduit à la révision de toutes les études en fonction de la nouvelle réglementation parasismique concernant les wilayas du Nord, l'arrêt pendant une année des sites confiés aux entreprises chinoises en raison de la grippe porcine (Sras) qui a sévi en Chine, bloquant l'arrivée des ouvriers et le déficit en matériaux de construction. L'avenir de l'agence en question Pour les prochaines années, le ministère de l'Habitat n'a pas encore décidé sur les projets qui seront confiés à l'Aadl au regard des résultats «insatisfaisants» réalisés à travers le programme de 55 000 logements de 2001. L'énorme retard accusé pour l'achèvement du programme remet en cause tous les avantages offerts par cette formule. Ces retards peuvent s'étendre jusqu'à 2011, selon des bénéficiaires au niveau de la capitale. Il faut savoir que l'effort de l'Etat est considérable dans ce programme, selon les dires du DG de l'agence, Mohamed Khebbache. «En plus de la gratuité du terrain d'assiette, de la prise en charge totale des travaux de VRD, il y a la bonification du taux d'intérêt parce que le souscripteur rembourse à taux zéro ; la différence entre le prix de cession et le prix de revient est également à la charge de l'Etat», avait-il expliqué dans une déclaration à la presse.