La journée nationale du chahid (18 février) a été différemment célébrée cette année. Au moment où les uns se recueillaient sur les tombes des martyrs, d'autres se sont rassemblés dans une tentative d'attirer l'attention des autorités sur les problèmes qu'ils vivent au quotidien. C'est dans cette seconde catégorie que s'inscrivent les «anciens» membres de la coopérative «des filles et fils de chahid et de moudjahid», dénommée El Ihsane. Ceux-ci, une soixantaine, ont tenu hier matin un sit-in dans le chantier de la coopérative situé dans la commune d'El Achour (Alger), sur la route de Sebala, en face du commissariat de police. Le ton est donné dès l'entrée du site. «La coopérative n'est pas à vendre», souligne en fait une banderole accrochée à un bâtiment. Les personnes qui participaient au rassemblement étaient là pour dénoncer la vente en cours de leurs logements, à leur insu, par le truchement d'agences immobilières. «Nous sommes là pour protéger nos logements», affirme-t-on. Cette vente serait la goutte qui a fait déborder le vase. Le conflit qui couve au sein de la coopérative depuis quelques années vient d'éclater au grand jour. Après sa naissance en février 1999, la coopérative El Ihsane a acquis un terrain pour la construction de 110 logements sociaux de type F3 et F4 au profit de ses membres et financés par eux à hauteur de 1,59 million de dinars un F4 par exemple à régler par tranches. Ce projet fait partie d'un programme de trois chantiers, dont les deux autres se trouvent à Chéraga, du côté de Dar Diaf. Le chantier d'El Achour a été ouvert en 2000, pour un délai de vint-huit mois, sans permis de construire. La demande introduite dans ce sens a été rejetée. Ce rejet n'a pas pour autant bloqué les travaux de réalisation. Au contraire. De 110 appartements prévus initialement, le plan a été modifié pour faire construire 220 unités (2004) puis 232 (2008). L'extension du projet a ramené de nouveaux acquéreurs, assurent les contestataires. Sur les 8 blocs d'une consistance de R+4 retenus au début, 4 ont été construits mais avec des étages en extension (R+7). Suite au séisme de mai 2003, il a été exigé de l'association d'arrêter les travaux. Ce qui fut fait, mais les versements continuaient à se faire. Les différentes demandes de permis et de régularisation du chantier introduites par la suite ont été toutes rejetées. «La dernière demande rejetée date du 14 janvier 2011», indiquent les coopérateurs. Pour eux, il y aurait un trafic autour de la vente de ce parc immobilier, malgré le blocage du chantier. «Les logements sont en train de se vendre en deuxième et même en troisième main entre 8,50 millions et 15 millions de dinars l'unité par le biais d'une agence immobilière qui se trouve à Birkhadem. C'est une arnaque», révèlent-t-ils. A ce jour, les «anciens» acquéreurs ne sont pas encore officiellement opposés par voie de justice à cette «arnaque». Parallèlement aux déboires vécus avec les différentes administrations, la cohésion du bureau dirigeant de la coopérative a volé en éclats. Le premier président élu, pour une durée de trois ans (1999-2002), s'est en effet retiré. Son remplaçant n'aurait pas été installé conformément à la loi (convocation d'une assemblée générale extraordinaire), selon les personnes présentes au sit-in. Le conflit a débouché courant 2010 sur l'élection d'un nouveau bureau regroupant les anciens membres. Le bureau, qui était en activité, a saisi la justice, mais il a été débouté, indique-t-on. Entrant en action, les nouveaux dirigeants ont d'abord pris attache avec la Badr, la banque où la coopérative est domiciliée. «Lors d'une réunion regroupant des membres du bureau et les responsables de la Badr, on a obtenu le blocage du compte, le 9 novembre 2010, jusqu'à ce que la justice se prononce sur le différend qui oppose l'ancien bureau au nouveau», indiquent les concernés. «Contre toute attente, l'ancien bureau a réussi à débloquer le compte», s'étonnent-ils. Celui-ci contenait, au moment de son blocage, 1,06 milliard de dinars représentant des versements de coopérateurs El Ihsane de trois chantiers (El Achour, Dar Diaf I et Dar Diaf II). «Durant la deuxième semaine de janvier, le compte est passé de 1,06 milliard DA à 12 millions DA en quatre jours. Jeudi passé, il ne restait que 3 millions DA. Les coopérateurs se posent la question : qui a autorisé le déblocage du compte ?» La banque aurait déclenché une enquête interne pour le savoir. Le nouveau bureau n'a toutefois pas saisi la justice sur cette question.