Si l'on venait à établir un inventaire diplomatique des dernières 48 heures, spécial Libye, on aurait du mal à se souvenir de tout. Concentration maximale exigée pour ne pas trop s'y perdre. Il y a eu d'abord les séquences les plus insolites : Zapatero qui a refusé tout bonnement de prendre Kadhafi au téléphone puis le gouvernement de Lisbonne qui a rédigé un courrier dans lequel il apprend au Guide de la Jamahiriya que son régime est fini. De quoi couper les jambes aux émissaires de Tripoli. Parmi eux, l'envoyé spécial de Kadhafi au Caire qui n'a pas dû être accueilli avec des roses par les membres de la Ligue arabe à sa descente d'avion. En attendant que les Vingt-deux, moins la Libye, définissent leur position commune (sur celle de l'OCI ?), les Occidentaux ont dû toiser plus au Sud pour se procurer du réconfort. Unis, les pays du Golfe sont parvenus à la conclusion suivante : seul l'établissement d'une zone d'exclusion aérienne peut arrêter l'effusion de sang. Combien de temps pour imposer cet embargo aérien dont tout le monde parle, sans voix commune ? En deux jours, a parié un général de corps d'armée US. Un jeu d'enfants presque ? Tous ses collègues ne sont pas de son avis, une telle action serait difficile et coûteuse. Les Irakiens en savent quelque chose. Toujours est-il que les euro-américains auront besoin d'un mandat clair de l'Onu qui risque de faire l'objet d'un veto de la part de la Fédération de Russie qui a fini, tout de même, par annoncer un embargo sur les armes et la suspension de tous les contrats militaires qui la lient à son allié libyen. C'est le moins qu'elle pouvait entreprendre. Quant à la Chine, silence et bouche cousue. Il est vrai qu'elle a eu tant à faire ces derniers jours afin que le vent de la révolte ne souffle pas à nouveau sur la place Tian'anmen ! 140 milliards de dollars pour prolonger la paix sociale resteront dans les annales du parti unique. Confrontés aux mêmes phénomènes sociaux, Russes et Chinois bloqueront-ils le projet de texte que le couple franco-britannique voudrait déposer devant le Conseil de sécurité à la fin des sommets extraordinaires de l'UE et de l'Otan, à Bruxelles ? Après avoir reconnu le Conseil national provisoire libyen, à la surprise générale dans l'ensemble des capitales européennes, la France a mis la barre encore un peu plus haut. L'axe Paris-Londres se tient prêt à des frappes aériennes ciblées. Le plafond que le reste des membres de l'UE ne seront pas du tout tentés de toucher. Alors que le Secrétaire général de l'Otan, Andres Fogh Rasmussen, a déclaré que son organisation est disposée à une éventuelle intervention militaire et que le temps pressait en Libye, la stratégie commune de l'Union européenne consistera-elle en un soutien de l'embargo aérien et en la reconnaissance du Conseil national libyen autour duquel Catherine Ashton a semé le trouble ? Le président Nicolas Sarkozy, qui souhaite faire oublier les déboires de sa diplomatie en Tunisie et en Egypte, n'espère pas moins. Surtout que la France a eu beaucoup à perdre en Irak. Au sujet du prétendu grand secret que le régime de Kadhafi a menacé de révéler, s'il est lié au financement de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy, le régime de Tripoli ne ferait que défoncer des portes ouvertes. Quelle que soit sa forme, une pareille bouée de sauvetage ne serait pas assez consistante pour repêcher Kadhafi et sa clique. Face à ces deux-là, Français et Britanniques se rétracteront-ils au risque de décevoir le grand frère d'Amérique ? Henry Kissinger, l'ancien chef de la diplomatie US, est convaincu que les Européens sont les mieux placés pour une probable action militaire en Libye. Obama sera si fier de ses alliés. Après tout, la démocratisation du monde arabe et la sécurisation d'Israël est l'affaire de tous les alliés.