Le temps des non-dits est révolu. Désormais, les Etats-Unis et la République islamique d'Iran jouent au poker ouvert, cartes sur table. Après avoir croqué les contours flous d'un complot qui se tramerait dans le dos des mollahs d'Iran, le président Ahmadinejad fait dans le détail. Les révoltes populaires arabes, en cours, sont l'œuvre de l'Amérique. En plus de chercher à provoquer la confrontation entre chiites et sunnites, elle tente de dresser le monde arabe contre l'Iran. Une perte colossale pour le régime de Téhéran qui continue d'aspirer à ce leadership régional face à la Turquie rivale. Ce ne sont que menteries, réplique-t-on à Washington. Si les peuples arabes se sont soulevés c'est parce qu'ils ambitionnent de vivre mieux, plus librement. C'est d'abord par la voix du camp réformiste libanais, pro-occidental, que l'administration Obama a apporté le premier coup franc. Forcé à la démission, l'ancien gouvernement de Beyrouth, conduit par Saad El Hariri, a fustigé l'Iran pour son ingérence flagrante dans les affaires des pays arabes qui connaissent actuellement une certaine déstabilisation. Avant cet «assaut verbal» de la part des forces du 14 février, les pays du Golfe étaient les premiers à crier leur agacement quant à la conduite inacceptable du régime de Téhéran, accusé de mener en catimini une campagne de déstabilisation des pouvoirs en place à l'avantage de leurs frères chiites. Maintenant que la guerre diplomatique est déclarée, ce sont les Américains eux-mêmes qui montent au front. L'Iran et Al Qaïda pourraient bien profiter de la fragilité politico-sécuritaire dans les pays arabes qui font face au déséquilibre démocratique. Ne manque plus à l'Amérique d'Obama d'user d'un même langage que celui qu'employait l'administration précédente, «l'Iran est un Etat voyou». S'il ne le dit pas, le Département d'Etat US doit le penser. Est-ce en raison de sa course effrénée vers le nucléaire militaire ? Il faudrait encore quatre ou cinq ans pour que la République islamique d'Iran puisse détenir sa bombe A. Si les Etats-Unis et leurs alliés européens et arabes font front contre le régime de Téhéran c'est aussi pour l'obliger à accepter les termes d'une paix au Proche-Orient qui ne passerait pas par la résistance, confiée à ses présumés bras armés, le Hezbollah libanais et le Hamas palestinien. Alors que Saad El Hariri continue de rêver d'un Liban démocratique, sans les armes de Cheikh Nasrallah, l'Etat hébreu rejoue la carte de l'escalade militaire contre le Hamas palestinien qu'il ne veut pas voir se réconcilier avec l'Autorité palestinienne et l'associer de facto à de futures négociations de paix. Le gouvernement d'Ismaïl Haniyeh peut toujours se plaindre à l'Onu, le gouvernement Netanyahou s'offre le droit de se défendre mais également d'attaquer du fait qu'il ne compte pas dialoguer avec «Al Qaïda Ghaza». Autrement dit, il est tout à fait disposer à un «plan durci II». Mais à présent que de vieilles personnalités politiques israéliennes ont pris l'initiative de relancer le processus de paix, l'Etat hébreu exigera-t-il de son allié US d'aider à accélérer le processus de démocratisation particulièrement en Libye, au Yémen et en Syrie alors que les réformistes palestiniens et libanais peinent à briser le statu quo ambiant chez eux ? Ce, au lieu de faire preuve d'attentisme qui ne ferait que favoriser le pourrissement aussi bien à Sanaa, à Tripoli qu'ailleurs ? En plus de prouver que l'Otan ne peut être en ses meilleurs jours que quand l'Amérique est aux commandes, Washington laisserait libre cours aux médiations turque et saoudienne, histoire de ne pas trop s'attirer les reproches des pays arabes et des grandes puissances rivales dont la Russie. Redorant son blason d'anti-guerre, Obama réussira-t-il à imposer la paix dans le chaos par rapport auquel il veut se donner une image d'étranger ? Le pari semble risqué face à l'Iran qui ne se contenterait pas de le voir faire.